Chapitre 22.

345 47 25
                                    


Le jeune homme regarde son réveil pour la sixième fois en trois minutes, avant de soupirer profondément. Dans quatre minutes exactement, il devra sortir par sa fenêtre pour aller au parc. Il tâte la poche de son manteau du bout des doigts ; le petit paquet ne s'est pas envolé depuis la dernière fois qu'il a vérifié, c'est à dire depuis quarante-et-une secondes. Il ne sait même pas pourquoi il se sent aussi nerveux. Il n'a jamais été fébrile d'offrir quelque chose à son meilleur ami ou à ses frères. Mais cette fois, c'est différent. Il se lève, se dirige vers la salle de bain, se place devant le miroir mural, s'observe en détails. Enfin... pas qu'il fasse soudainement attention à son apparence, mais... mais rien du tout. Le jeune homme se secoue brièvement la tête pour se remettre les idées en place. Foutue conscience. Il se passe une main dans les cheveux avant de repartir dans sa chambre, et jeter un nouveau coup d'œil à son réveil. C'est l'heure. Il réarrange son manteau, enfonce son bonnet gris sur son crâne, et ouvre sa fenêtre.

-Lulu, tu vas où ?

Le jeune homme sursaute violemment et se retourne, pour apercevoir un Jules au regard insistant, les cheveux en bataille, la mine fatiguée, appuyé contre l'encadrement de la porte, les bras croisés sur la poitrine.

-Je...

Il hésite. Il va arriver en retard, et c'est vraiment la dernière chose dont il a envie. Mais son cadet est au courant pour l'autre, et pour ses escapades nocturnes, donc ça ne sert à rien de lui mentir.

-Au parc.

-On est le vingt-cinq, Luke.

-Le vingt-six, maintenant. Et puis je serai rentré avant que les parents ne se rendent compte de mon absence.

-Sauf si tu t'y endors.

Le jeune homme soupire.

-C'est arrivé une seule fois. Arrête d'essayer de me retenir, s'il te plaît. Cette nuit, c'est important que j'y aille.

-Pourquoi ?

-J'ai promis de lui offrir un cadeau. Putain, Juju !

Le plus jeune lève les bras à hauteur de son visage, signe de sa capitulation.

-Si les parents se rendent compte de ton absence, tu assumeras tout seul. Je ne veux pas être impliqué là-dedans.

-T'en fais pas. Je peux y aller, maintenant ?

Il n'attend pas la réponse de son frère et franchit le seuil de la fenêtre ; puis prend son vélo, l'enfourche et se met à pédaler le plus vite possible. Il se doit d'arriver avant le garçon. Il croise quelques voitures, manque de renverser un lapin suicidaire, slalome entre les véhicules de travaux et rattrape plusieurs fois son paquet qui menace de s'enfuir tous les quatre mètres.

Quand il parvient enfin à l'aire de jeux, il est seul. Il souffle de soulagement en jetant négligemment son vélo contre la barrière. Se dirige alors vers les balançoires et s'y assied, se balançant distraitement. Sort son téléphone pour regarder l'heure affichée sur l'écran. Une heure cinquante-neuf. Plus qu'une minute. En attendant, il compte silencieusement les secondes qui passent.

Un... deux... trois... quatre... cinq... six... sept... huit... neuf...

Un papillon de nuit s'approche, sans doute attiré par la lumière que dégage son portable. Il le laisse s'y poser, admire cette ombre qui se détache grossièrement de la clarté bleutée. Puis l'écran du téléphone redevient brusquement noir, et le papillon de nuit s'envole aussitôt. Le jeune homme ressent soudain le besoin de lui hurler de revenir, de ne pas le laisser seul. Mais ce serait idiot, l'insecte ne le comprendrait pas.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant