Chapitre 74.

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Une goutte de sueur coule péniblement le long de sa nuque, désagréable mélange de stress et de chaleur. Le stylo figé en l'air, attendant en tremblant que le cerveau soit enfin fonctionnel pour agencer le corpus ; cet exercice n'a jamais été son point fort. Mais quatre points sont tout de même bons à prendre, surtout qu'il n'arrive toujours pas à décider s'il ferait mieux de prendre l'écrit d'invention ou le commentaire. La dissertation est impossible, il n'est pas assez réfléchi, il n'en a pas fait suffisamment pendant l'année et il a du mal avec la méthode. En fait, il n'est pas doué pour inventer des histoires ; l'exercice le moins risqué serait le commentaire. C'est ça. Il va prendre le commentaire. Ça ne fait qu'une heure que l'examen a commencé, il a déjà bien trop chaud à cause de la canicule, et il aurait peut-être dû prendre les anxiolytiques prescrits par le docteur Jen... ça lui fait mal de devoir l'admettre, mais il a peut-être surestimé sa tolérance à l'angoisse. Il n'entend plus que les battements de son cœur qui retentissent douloureusement dans ses oreilles, ainsi que le tic tac de la montre du gars derrière lui. Il ne doit pas se déconcentrer. Allez, concentre-toi, concentre-toi, concentre-toi. C'est pas si compliqué que ça. Tu peux y arriver, tu as travaillé toute l'année. Il soupire. Pourquoi il n'a pas les facilités d'Ethan ? D'ailleurs, le garçon prendra forcément l'écrit d'invention. Même s'il a les capacités pour faire le commentaire ou la dissertation, il prendra l'écrit d'invention. Et puis il a déjà sûrement fini son corpus. Tandis que lui... lui n'a même pas fini l'introduction. Il soupire.


***


Il s'étire longuement, s'éponge le front avec un mouchoir. Il fait si chaud. Leur professeure de français passe dans les rangs avec un petit brumisateur pour les asperger brièvement en leur souriant, encourageante. Il a fini le corpus plutôt rapidement, et peut donc se consacrer pleinement à l'écrit d'invention. Courage. Après l'épreuve orale dans une semaine, il en aura terminé avec cette année bien trop intense. Et dans un an, douze petits mois, il pourra dire adieu au lycée, ce purgatoire qui le rend malade d'angoisse tous les matins. Il ne se fait aucun souci pour les différentes épreuves à passer ; s'il est doué dans un domaine, c'est bien le scolaire. Il aura son bac du premier coup, avec au moins la mention bien. La mention très bien s'il travaille suffisamment. Puis il partira. Fera une licence puis un master en lettres modernes, fera publier son livre, puis d'autres s'il y arrive, et sera peut-être enfin heureux. C'est compliqué, d'être heureux. Il va falloir qu'il enlève une à une les briques de son mur mental qu'il s'est construit des années auparavant. Comme Élisa, quand il y pense. Elle aussi devra détruire son mur mental à coups de masse si elle veut être heureuse un jour. Il l'aime bien, cette fille. Ce serait bien qu'elle y parvienne. Pourquoi emplit-elle son esprit soudainement ? Il soupire, esquisse un sourire. Il en est déjà à la moitié de l'écrit d'invention.


***


Quelqu'un ouvre un paquet de bonbons dans la salle, lui rappelant qu'elle n'a rien avalé depuis la veille, trop stressée par cette épreuve. Elle passe une main sur son ventre, le massant légèrement. Elle pourra sortir dans trois quarts d'heure, et ira manger. N'importe quoi. Mais quelque chose de consistant. Elle meurt de faim. Elle soupire, se désespérant de penser davantage à la nourriture qu'à la dissertation qu'elle vient tout juste de commencer. Elle a parfaitement conscience du risque qu'elle prend avec ce choix, mais ni le commentaire ni l'écrit d'invention ne la tentaient, alors... autant opter pour la nouveauté ; de plus, elle n'est pas mauvaise en dissertations. Dans le pire des cas, elle fera mieux l'an prochain. À vrai dire, elle est plus inquiète pour Nathanaël que pour elle-même. Les professeurs le voient un peu comme un cas désespéré, et lui ont déjà parlé de réorientation. Pourtant, il est très intelligent, Nathanaël ; il n'est juste pas scolaire, voilà tout. Quand elle y pense, leur plus gros point commun à tous les deux est de n'avoir strictement aucune idée de ce qu'ils feront après le lycée. Elle fera sûrement des études en rapport avec la danse ; c'est sa seule passion. Elle ne se voit faire rien d'autre que de la danse. Elle mourra sûrement en dansant, d'ailleurs. Mais Nate, lui... elle n'en a aucune idée. Et bon sang ce qu'elle a faim.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant