Chapitre 75.

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Une heure cinquante-huit.

Il passe la cinquième vitesse tout en essayant de contrôler ses tremblements.

Il aurait été trop long en vélo, alors il a dû prendre sa voiture.

Sans prendre le temps d'expliquer la situation à ses parents plus qu'inquiets.

De toute façon son cadet va les rassurer et les empêcher de le suivre.

Lui n'a pas le temps

Pas le temps

Pas le temps.

Pourquoi y a-t-il tant de distance entre eux ? Pourquoi ne peut-il pas y être en un claquement de doigts ?

Il ne l'a jamais entendu ainsi.

En fait il n'a même pas réussi à comprendre ce qu'il lui disait au téléphone.

Tout ce qu'il a compris, c'est qu'il doit le rejoindre au plus vite.

Son cœur bat la chamade, ses profondes respirations ne donnent rien.

Toute sa poitrine tremble, c'est à peine s'il parvient à se concentrer sur la route.

Il aurait dû demander à son père de l'emmener, conduire dans cet état n'est peut-être pas une si bonne idée.

Mais il n'avait pas le temps

Pas le temps

Pas le temps.

Il croise une autre voiture dont les phares l'aveuglent une fraction de seconde.

Putain.

Il doit redescendre à cinquante, à cause du panneau annonçant le nom du village.

Limitations de merde.

Un tournant, un rond point un peu plus loin, une forte montée qui le fait souffrir en vélo.

Il a bien fait de prendre la voiture.

Une descente, la dernière descente.

Un dernier tournant pour entrer dans le petit parking, un dérapage presque contrôlé pour se garer.

Il prend deux places, mais il s'en fout. Il n'y a personne à deux heures trois du matin.

Il ouvre la portière, saute de la voiture, la verrouille d'une pression du pouce et court plus vite qu'il n'a jamais couru, passe le portillon en manquant de trébucher, s'arrête brusquement devant les balançoires, attrape la manche du garçon et le tire contre lui.

Il referme ses bras autour de son corps comme un étau, le serrant si fort qu'ils pourraient presque fusionner, le sent s'accrocher à son tee-shirt pendant que son cœur cogne furieusement contre le sien et que des larmes salées dévalent son cou comme une cascade de rage.

-Tout va bien, je suis là. Je suis là, ça va aller.

Il répète les phrases que lui sort Thomas quand il est dans cet état, mais elles sonnent étrangement entre ses lèvres. Elles ne lui appartiennent pas.

Alors il cesse de les réciter comme une vulgaire réplique de théâtre et se contente de faire la seule chose dont il est capable pour le moment.

Le serrer fort contre lui.

En respirant profondément.

Pour l'enjoindre à l'imiter inconsciemment.

C'est pas juste, être dans cet état c'est son truc à lui

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant