Chapitre 57.

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Le garçon étouffe un gémissement en mordillant le dos de sa main droite, les yeux fermés et le souffle saccadé. Luke se redresse alors, un rictus peint sur le visage.

-Enfoiré, on avait dit rien chez tes grands-parents.

-Tu avais dit rien chez mes grands-parents, rétorque l'autre, moi j'ai rien promis du tout.

-Tu fais chier.

Mais le garçon sourit. Le jeune homme le regarde se lever et partir dans la petite salle de bain adjacente à leur chambre pour se laver rapidement ; quant à lui, il se laisse tomber sur le lit.

Il vient de branler un mec.

Il vient de branler un mec, qui n'est pas lui.

Il vient de branler un mec, pour la première fois de sa vie.

C'est étrange.

-Luke ? Tu peux descendre quelques minutes, s'il te plaît ?

La voix de son grand-père se fraie un chemin jusqu'à son cerveau ; il le rejoint après s'être assuré qu'Ethan soit toujours sous la douche.

-J'ai remis de l'essence, on en aura assez pour le trajet. Tu as tout préparé ?

Le jeune homme hoche la tête.

-Ouais. Et... je crois avoir réussi à le fatiguer, normalement il devrait dormir dans la voiture.

-Parfait, murmure le retraité, parfait...

Un bruit de pas dans l'escalier, puis des cheveux encore humides et un corps fin emmitouflé sous un gros pull noir, bien familier au jeune homme.

-Tu tombes bien, lâche ce dernier, mes grands-parents ont proposé de nous emmener manger dans un bon resto, avant qu'on parte. Ça te tente ?

L'invité hausse les sourcils, surpris, avant d'acquiescer.

-C'est vraiment gentil de votre part, merci.

Mais la maîtresse de maison balaie sa remarque d'un geste de la main.

-Ne nous remercie pas, c'est normal. Et puis nous aussi allons en profiter.

Quatre-vingt-six secondes plus tard, tous sont installés dans la vieille voiture, qui démarre au bout de la deuxième fois.

Après deux parties de cartes, un gros débat sur l'évolution de la scolarité en France, et vingt-huit minutes d'un jeu consistant à compter le nombre de camions dépassés, Ethan s'endort sur un fond de vieux jazz.

-Et sinon, chéri... tu en as parlé à tes parents ?

Luke hausse un sourcil en regardant sa grand-mère dans le rétroviseur.

-Parlé de quoi ?

-De votre relation.

-Quoi ? Qu... quelle relation ?

La retraitée soupire longuement.

-Pas la peine de jouer la comédie, j'ai discuté avec Ethan, cette nuit. Et à vrai dire... on l'avait compris au moment où vous êtes arrivés. Alors réponds à ma question.

Six secondes passent, dans un bien pesant silence.

Et puis, finalement :

-Pas encore. Déjà, ils me tueraient parce que je trompe Samira, et ensuite... bah je sais pas, c'est un garçon.

Son grand-père laisse mourir la voix de Frank Holder dans l'autoradio avant de répliquer :

-Tu sais, ça fait dix-huit ans qu'on vit à Paris. On a vu passer tout et n'importe quoi. Ça ne nous dérange pas que tu aimes un garçon, et ça ne dérangera pas non plus tes parents.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant