Samedi vingt-quatre décembre, vingt-trois heures quarante-neuf. Les quatre garçons se tortillent sur leur chaise, de moins en moins patients. Leur cousine de huit ans, Sambra, pousse de longs soupirs de désespoir. Mais les adultes font semblant de ne pas les remarquer, poursuivant tranquillement leur conversation. Luke souffle en regardant une nouvelle fois l'horloge. Toujours vingt-trois heures quarante-neuf. Le repas a commencé à vingt heures dix-sept. Quelle famille, à part la sienne, fait des repas de plus de trois heures ?
-Plus que dix minutes ! S'écrie soudain Sambra en se levant brusquement.
Ses épaisses boucles de jais lui retombent sur les yeux quand elle se rassoit, mais la petite fille les rejette en arrière d'un geste maladroit. Le jeune homme jubile intérieurement. Plus que dix minutes.
***
Samedi vingt-quatre décembre, vingt-trois heures cinquante-trois. Ethan reste silencieux, écoutant d'une oreille distraite les « grandes » discussions de sa famille. Sa sœur aussi semble mal à l'aise. Elle refuse encore de boire, et ça commence à se remarquer, si on y fait bien attention. Sa famille finira par s'en apercevoir. Hugo est là, lui aussi, et joue parfaitement son rôle de gendre idéal. Ce dernier est justement en train de décrire en détails leur futur appartement. Le garçon n'a vraiment pas envie de laisser Cynthia aux mains de cet enfoiré, mais il ne peut rien dire. Parce qu'il sait que de toute façon, personne ne l'écoutera.
Son aînée se tourne alors vers lui, affichant un beau sourire.
-On habitera tout près du lycée, tu pourras venir après les cours, de temps en temps, si tu veux.
Il acquiesce, laissant le coin droit de ses lèvres s'étirer légèrement. À défaut d'avoir de bons parents, il a une sœur parfaite, c'est déjà ça.
***
Samedi vingt-quatre décembre, vingt-trois heures cinquante-six. Élisa et Ally sont assises côte à côte, mais aucune d'elle ne parle. Aucun membre de la famille ne parle. Enfin... quelques banalités sont bien-sûr échangées, comme « tu peux me passer le sel ? » ou « un peu plus de vin ? » mais rien de vrai. Combien de noëls vont-ils passer ainsi ? La jeune fille aimerait vraiment trouver un remède miracle, mais elle a déjà tout essayé. Rien ne marche. Rien ne peut marcher.
-Tu as des nouvelles d'Emma ? Lui demande alors doucement sa cousine.
Elle secoue la tête.
***
Samedi vingt-quatre décembre, vingt-trois heures cinquante-neuf. Emma est seule avec sa mère, comme d'habitude depuis maintenant six ans. Elles ont acheté un petit sapin pour l'occasion, et l'ont décoré sobrement. Sherlock et Watson ont même droit à des friandises ce soir, qu'ils dévorent avec appétit. La télévision diffuse un vieux film français, comme chaque année. La jeune fille raconte tout ce qu'elle a fait à Montpellier (mis à part quelques détails) et lui montre les nombreuses photos qu'elle a prises. L'écran du téléphone se modifie alors légèrement. La mère et la fille se regardent, sourient, lèvent leur verre.
-Plus que deux noëls sans ton père.
Le sourire d'Emma s'agrandit. Dans deux noëls, tout reviendra à la normale.
***
-Les cadeaux ! S'exclament en cœur Sambra et Tristan.
Les deux enfants sautent de leur chaise et se précipitent vers le grand sapin, tellement décoré qu'il est presque impossible d'apercevoir quelques centimètres de verdure. Luke, Jules et Maxence les rejoignent rapidement, suivis de près par des adultes souriants. Très vite, le portable du jeune homme se met à vibrer, de façon incessante. Il le sort alors de sa poche, mais seulement pour le mettre en silencieux. Ses chiens hypocrites attendront.
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L'Ouragan d'Étoiles
RomansaDeux histoires d'amour, en parallèle. Deux garçons qui s'opposent, deux filles qui se complètent. Un livre, un sourire. Une valse de sentiments qui les entraîne dans les abîmes de leurs âmes. Une vague de chansons qui les emporte dans les astres de...