L'Ouragan d'Étoiles

Chapitre 47.

[Chapitre posté ce soir pour faire plaisir à violondesaccorde mdrr]

Luke attend, les bras croisés sur la poitrine, la jambe tressautante et les yeux baissés au sol, affalé sur une chaise de la cuisine. Son père et sa mère, en face de lui, le premier appuyé contre le mur et la deuxième assise bien droite sur une autre chaise, se tordant nerveusement les doigts. Juliette pousse un long soupir, sans doute pour s'encourager, avant de se lancer.

-Chéri, tu dois te douter qu'on t'a demandé de venir pour une raison précise... avec ton père, on a énormément discuté et... enfin... on pense que ça t'aiderait si tu recommençais à voir le docteur Jen. Il t'a été très utile il y a deux ans, non ?

Le jeune homme refuse de relever le regard, et se contente de hausser les épaules.

-Je sais pas. Je suis pas retombé, hein.

Henri serre les dents et contracte les muscles, énervé.

-Tu t'es lacéré la peau du torse, Luke ! Tu étais ensanglanté, et qui sait jusqu'où tu serais allé si ta mère ne t'avait pas stoppé ? Arrête de te voiler la face, putain !

Juliette tend alors la main pour la poser sur le bras de son mari, qui s'apaise légèrement à ce simple contact. Lui n'est jamais apaisé par le simple contact de la main de Samira sur son bras. Ça ne lui fait strictement rien. Et quand c'est Ethan qui le touche... ça ne l'apaise pas, au contraire ; son esprit explose en mille morceaux.

Pourquoi je vis pas ce que vous vivez ? Pourquoi les deux personnes auxquelles j'ai droit ne me font pas tout le bien que vous vous faîtes ? Le pire, c'est que je pensais que Samira était cette source d'apaisement, de stabilité. Mais ça ne marche pas. Elle ne suffit pas à m'empêcher de rechuter. Sérieusement, vous pensez vraiment que je m'en suis pas rendu compte ? Que je me suis pas rendu compte de ma putain de rechute ? Vous croyez que j'ai oublié l'année de mes quinze ans ? Bien sûr que mon psychiatre m'a aidé, bien sûr que sans lui je sais pas ce que je serais devenu, mais bordel si je le revois ça voudra dire que je devrai arrêter de me voiler la face comme tu dis papa, ça voudra dire que j'aurai plus d'excuse, ça voudra dire que je serai obligé d'affronter mes problèmes, ça voudra dire que je reprendrai un traitement tous les jours et mentir encore plus aux autres, en inventant des histoires de manque de fer ou de vitamine. Mais ça voudra dire autre chose, aussi. Ça voudra dire quelque chose qui n'était pas un problème il y a deux ans. Ça voudra dire que je devrai en parler à Samira. Parce que tout le monde s'attend à ce que je lui parle de mes problèmes, parce que c'est ma copine, parce que ça semble devenir sérieux entre nous, parce qu'on est vus comme le couple de référence au lycée, parce que personne à part Thomas et Yaëlle ne sait ce que je fais avec un putain de mec quand je ne suis pas avec Samira. Et personne ne sait ce que je ressens pour ce putain de mec. Pas même moi.

-Luke, reviens parmi nous, s'il te plaît.

Il sursaute à la voix de sa mère, et lève enfin les yeux pour croiser le regard de ses géniteurs.

-Écoute, on va faire un truc. Tu y vas mercredi, et si vraiment ce n'est pas nécessaire que tu recommences à suivre une thérapie, le docteur Jen nous le dira, et on n'y retournera plus jamais, d'accord ?

Dix secondes à regarder ses parents. Dix secondes de calvaire. Dix secondes effacées par un mouvement des yeux, yeux bien trop attirés par le sol. Il a beau être le roi du lycée, il a beau avoir le pouvoir de détruire n'importe qui en un simple claquement de doigts, il a beau réussir à se faire une fille avec un unique sourire, il n'arrive pas à affronter le regard de ses parents. Malgré sa puissance avec les autres, il s'écrase complètement devant ceux qui l'ont mis au monde. Les adolescents peuvent parfois être horribles avec leurs géniteurs, alors qu'il n'y a aucune raison d'être ainsi. Bien sûr que certains méritent cette haine, mais d'autres, non. Il sait que nombre de ses camarades s'imagine qu'il se comporte avec ses parents comme il se comporte avec eux, qu'il est sec et hautain, qu'il leur lance une menace par jour, et qu'il se joue d'eux. Sans doute qu'il décevrait ces fameux camarades s'il leur montrait comment il se comporte vraiment avec ses parents. Il les respecte, il fait tout pour ne pas les décevoir, malgré ses problèmes qui leur font mal. Et putain, personne ne peut se rendre compte d'à quel point ça le blesse de les voir si inquiets pour lui, de les voir tant souffrir par sa faute. Et c'est pour ça qu'il doit s'occuper de ses frères, qu'il doit être plus présent pour eux, pour qu'ils ne deviennent pas comme lui, pour qu'ils soient heureux et qu'ils rendent leurs parents heureux. Pas pour qu'ils finissent comme lui, à suivre une putain de thérapie à dix-sept ans.