L'Ouragan d'Étoiles

Emma

Cinq juillet deux mille dix-huit.

C'est fini.

Enfin.

Quinze ans de scolarité.

Trois ans d'harcèlement.

Tout est terminé.

Elle soupire, profondément.

Parce que c'est tout ce qu'elle peut faire, soupirer profondément.

Elisa a tenu parole, elle l'a soutenue jusqu'au bout, l'aidait pour chaque cours et organisait des séances de révision hebdomadaires à la bibliothèque.

Et surtout, à aucun moment, même fragile, même minime, elles n'ont parlé de ce qui est arrivé l'an passé. Comme si tout souvenir lié à cette période s'était effacé à jamais.

C'était sûrement la meilleure chose à faire, pour ne pas avoir mal, pour ne pas se sentir mourir de l'intérieur.

-Emma.

Elle se tourne, croise le regard de Vanessa.

Vanessa, sa Vanessa, celle qui a encore passé toute une année à la torturer publiquement mais à l'aimer en secret.

-On devrait parler, tu penses pas ?

La jeune fille hoche la tête. Elle savait que cette conversation finirait par arriver, elle a répété quelques dizaines de fois la scène avec Ethan, ces dernières semaines.

Il lui a fallu trois ans.

Mais elle a enfin réussi.

Elle suit son amante pendant cent deux mètres, jusqu'à un banc en bois sur lequel elles se laissent tomber, lasses.

Vanessa se mordille la lèvre inférieure.

-Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?

Emma soupire, Emma hausse les épaules.

-Tu as été prise à la fac d'Histoire, non ?

-Oui, mais...

-Alors tu iras à la fac d'Histoire.

-C'est à Toulouse, Em.

-Je sais. Et c'est bien, tu vas pouvoir élargir tes horizons, tu ne seras plus sous l'emprise de tes parents. Tu pourras te montrer telle que tu es réellement, là-bas.

-Je sais, tu me le répètes depuis des semaines. Mais toi, tu vas faire quoi ? La dernière fois qu'on en a discuté tu m'as dit ne pas avoir de projet puisque tu étais persuadée –à tort, n'est-ce pas- que tu n'aurais pas ton bac. Du coup j'ai réfléchi et je me suis dit... enfin... tu pourrais peut-être me suivre. On aurait un appartement, tu trouverais un boulot ou t'inscrirais à la fac, mais on serait ensemble, et ça ira mieux entre nous, tout sera différent, on aura notre jardin secret à nous, comme personne ne connaîtra notre passif on pourra facilement se faire passer pour des amies devant les autres et...

-Vanessa.

-Quoi ?

Une vieille dame promenant son chien passe devant elles, laissant à la jeune fille le temps de répéter une dernière fois la phrase fatale dans son esprit.

-Je pense qu'on devrait tout arrêter.

Vanessa, sa Vanessa, sa Vanessa aux cheveux blonds et aux jolis yeux bleus, sa Vanessa se fige dans une triste stupeur.

-Comment ça ? Après tout ce qu'on a vécu, comment tu peux...

-Après tout ce que tu m'as fait vivre. Je n'aurais jamais cru dire ça un jour, parce que moi aussi je gardais l'espoir qu'on fasse notre vie ensemble, mais c'est mieux pour nous deux si cette histoire reste une histoire de lycée. Ça nous mène nulle part, je ne veux pas me cacher jusqu'à la fin de mes jours et je suis sûre que toi non plus.