Chapitre 79.

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Il soupira une longue bouffée de sa cigarette, les pensées polluées par celui qui le tuait à petit feu. Le souvenir de ce baiser, baiser qui se voulait remplaçant d'excuses et d'explications, ce baiser qui avait ruiné son esprit et ravivé son désir de lui.

L'envie de se frapper violemment la tête contre le mur pour se remettre les idées en place était terriblement tentante ; comment avait-il pu rechuter si facilement ? Son élément perturbateur psychologique était une drogue humaine, c'était la seule explication.

Mais comment pouvait-il, après tout ce qu'il avait subi par sa faute ? Comment pouvait-il ressentir encore ce besoin de le voir, de l'embrasser, de se laisser aller avec lui ?

Connard.

-Clément ?

La brusque interpellation le sortit de ses pensées en le faisant sursauter ; il se retourna, vit le jeune homme s'approcher, hésitant.

-Théo ? Qu'est-ce que tu fais là ?

L'autre haussa les épaules en le fuyant du regard, les mains enfoncées dans les poches de sa veste légère.

-Il se pourrait... que j'aie trouvé le numéro de tes parents dans l'annuaire, que je les aie appelés, convaincus de me dire où tu étais, et que je leur aie aussi demandé de te laisser passer la soirée avec moi. Quand ils ont accepté sans grande hésitation, j'ai su qu'ils ne savaient pas toute l'histoire.

Il serra les dents. Tira une nouvelle fois sur sa cigarette.

-Non, ils ne savent rien. Ni pour toi, ni même pour mon homosexualité. Mais bon, j'imagine que tes parents non plus ne sont pas au courant de ce que tu as fait, de ce qu'on a vécu.

-Je ne vois pas pourquoi ils devraient l'être. C'est ma vie, pas la leur. Bon, on y va ?

-Où ?

Trois secondes de silence.

Et puis :

-Prendre un café.

Le garçon écarquilla les yeux, en faillit lâcher sa cigarette.

-Prendre un café ? Tous les deux ? Un café dans un endroit public ?

Un petit sourire, à l'en faire chavirer.

-Oui. Dans un endroit public, tous les deux. J'imagine que le café de ce groupe de parole n'est pas bon. C'est toujours dégueulasse dans ce genre d'endroit.

-Et qu'est-ce que tu en sais ?

-J'ai suivi une thérapie il y a deux ans, je te rappelle. Je connais l'ambiance. Et le café.

Clément se racla la gorge pour couvrir un sourire amusé, écrasa sa cigarette contre le mur.

-Très bien, alors allons-y. Tu as de la chance, Alma est partie depuis plusieurs minutes, déjà. Tu ne risques pas de la croiser.

À ces mots, Théo frissonna, comme s'il sentait un lugubre souffle sur sa nuque.

-Et heureusement, j'ai l'impression qu'elle pourrait me tuer si elle en avait l'occasion.

-Probablement.

Un court rire échangé, presque coupable, et deux corps qui se mirent à marcher tranquillement, côte à côte, sans même s'effleurer.

Pour que les autres ne voient pas, pour que les autres ne sachent pas, pour que les autres ne se rendent pas compte de ce que je ressens pour toi et de ce que tu ressens sûrement pour moi ; je n'oserai peut-être jamais te l'avouer et toi ne voudras certainement jamais l'assumer mais c'est pourtant bien présent, ça nous ronge tous les deux de l'intérieur, ça nous fait faire et dire moult choses regrettables mais ça nous fait faire et dire également de si belles choses, et ces si belles choses doivent valoir le coup, sinon comment expliquer la persistance de mes sentiments à ton égard, comment expliquer ton visage si désolé et tes actes de rédemption ? Je ne te le dirai jamais, mais ces si belles choses me donnent envie de vivre.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant