Chapitre 34.

398 45 36
                                    

La jeune fille se dirige vers son groupe d'amis en affichant un sourire qu'elle sait magnifique, la tête haute et l'allure déterminée. En marchant, elle passe devant Emma, au téléphone, qui semble exaspérée.

-Non, je t'ai déjà dit que... mais putain tu crois vraiment... sérieux, Ally, arrête, tu ne...

Elle s'éloigne d'Emma et de sa voix, qui devient au fur et à mesure inaudible ; Ally, c'est le nom de sa copine. Elle ricane intérieurement. Emma avait le ton qu'elle prend quand elle est à bout, ce qui veut dire que leur couple apparemment idyllique (d'après les dires d'Élisa) est sur le point de se briser. Et cette pensée lui fait un bien fou. Emma n'a pas le droit de sortir avec quelqu'un d'autre.

Emma est à elle.

Depuis Novembre de l'année passée, Emma est à elle.

Et Emma sera toujours à elle.

Elle est la seule personne qu'Emma aime vraiment.

Et personne, pas même cette Ally ne pourra lui prendre Emma.

Parce qu'Emma reviendra toujours.

Quoi qu'il arrive, Emma reviendra.

Elle n'aura qu'à claquer des doigts.

Et Emma lui offrira son cœur.

Et Emma lui ouvrira ses cuisses.

Emma est à elle.

Elle arrive devant ses amis, qui la saluent à tour de rôle. Tous lui font la bise, sauf Nathanaël qui lui ébouriffe les cheveux. Il est son meilleur ami depuis leurs quatre ans, le jour où il l'a prise comme bouclier humain pour se protéger d'un ballon de football -qu'elle s'est violemment mangé en pleine figure- puis l'a embrassée sur la joue pour se faire pardonner.

Il sait tout sur elle. C'est lui qu'elle appelle à chaque fois qu'elle se sent mal, c'est lui qui débarque chez elle le dimanche matin à huit heures avec des croissants tout droits sortis de la boulangerie et un immense sourire aux lèvres, c'est lui qui prend toujours son parti quand elle quitte un mec sans raison, c'est lui qui n'hésite pas à foutre une raclée aux gars qui pensent qu'elle est une fille facile, c'est lui qui lui offre toujours le même cadeau d'anniversaire depuis qu'ils se connaissent (un porte-clés en forme de ballon de football, elle en a désormais toute une collection dans sa chambre), c'est lui qui parvient à la raisonner quand elle dépasse les bornes, c'est lui qui a donné son nom à son hamster, et c'est lui qui anticipe ses réactions, parfois même avant elle.

Il sait tout sur elle. Sauf une chose ; le fait qu'elle soit lesbienne. Et ça la dévore. Mais elle ne peut pas lui en parler. Sur ce coup-là, il ne la soutiendra pas. Il la détestera. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne veut pas. Elle ne...

-Vanessa, tu viens ?

La voix douce d'Élisa s'immisce dans son esprit et l'arrache à ses pensées ; elle tourne la tête vers la jeune fille et lui sourit, de son sourire qu'elle sait magnifique. Et Élisa sourit à son tour, d'un sourire tellement doux qu'elle aurait presque envie d'embrasser ces lèvres qui le dessinent. Mais elle ne le fera pas. Parce qu'Élisa est trop... douce, trop innocente, trop délicate pour elle. Et il en va de même pour Emma ; c'est pour cela qu'elle ne s'est jamais fait aucun souci en ce qui concerne la nouvelle élève. Élisa n'est pas le genre de filles d'Emma, qui les préfère plus brutales et plus affirmées.

Elle suit ses amis jusqu'à la salle de Littérature Anglaise, devant laquelle Emma patiente, la tête baissée vers son portable, les écouteurs vissés dans ses oreilles, les dents triturant machinalement ses lèvres pâles. Elle remarque le regard légèrement attristé d'Élisa, qui semble s'être énormément attachée à Emma. Tant pis pour Élisa.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant