Thomas

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Une heure et quatre minutes. Ça fait exactement une heure et quatre minutes que ses voisins de palier s'engueulent pour une raison aussi inconnue qu'insignifiante. Thomas soupire longuement. À vrai dire, il ne fait plus attention aux innombrables disputes entre Luke et Ethan. Il plaint seulement leur chat et leur chien, qui doivent depuis le temps être devenus sourds. Le jeune homme attrape son manteau, l'enfile, ferme sa porte à clef, marche cinq pas, ouvre la porte de l'appartement des deux autres, prend la laisse accrochée au porte-manteau et siffle le canidé qui le rejoint en courant, la langue pendante.

-Allez mon grand, on va se promener, comme ça tu auras un peu de répit, et moi aussi. Les gars, je sors le chien ! ajoute-t-il dans le vide.

Thomas visse ses écouteurs dans ses oreilles et descend les escaliers ; il y a bien un ascenseur, mais toujours en panne. Ça fait bien longtemps que les locataires de l'immeuble n'espèrent plus rien de ce côté. Il passe la porte, puis le portillon, et s'enfonce dans les rues de Montpellier. Depuis la dernière pluie, des flaques d'eau se sont créées un peu partout sur le sol de la ville. Et lui saute parfois dedans, quand personne ne le regarde. Les gens le prendraient pour un fou, sinon. Parce que ce n'est pas normal de sauter dans les flaques d'eau quand on a vingt-cinq ans. Le chien renifle tout ce qu'il peut, et s'ébroue vivement quand il reçoit des gouttes d'eau à cause de Thomas.

Onze minutes passent ainsi tranquillement, mais l'animal tire soudain sur la laisse, entraînant le jeune homme dans un petit atelier de peinture dont la porte donnant sur la rue était ouverte. Thomas ne peut l'empêcher de sauter et renverser un tableau, sous le regard horrifié d'une jeune femme.

-Merde, merde, merde, je suis désolé !

L'inconnue souffle bruyamment en secouant la tête.

-J'ai mis quatre mois à le terminer.

Il soupire en observant le désastre. Et le chien s'est assis, l'œil fixant le sol, se rendant sûrement compte de sa bêtise. Puis il se tourne vers la -sans doute- peintre. Sa peau brune semble douce au toucher, et ses lèvres pleines lui donnent envie de... non putain ! Il se passe une main sur le visage, las de ses propres pensées mal venues.

-Désolé, répète-t-il, vraiment. Je... je pourrais peut-être vous offrir un café, pour me faire pardonner ?

La jeune femme se mordille la lèvre inférieure, paraissant réfléchir.

-Ça ne rattrapera pas tout le travail que j'ai fourni, mais... ça peut servir de légère compensation. D'accord.

Il sourit. Et elle enfile un manteau, attrape des clefs et ferme son atelier, avant de se tourner vers lui.

-Alors, gâcheur de tableau, où est-ce que vous m'emmenez ?

-Pas loin, juste dans un glacier sur la Comédie.

Les premières minutes se passent dans un silence assez pesant ; aucun des deux ne sait vraiment quoi dire. Lui qui d'habitude n'a aucun mal à trouver un sujet de discussion se retrouve un peu con, ainsi. Le chien, enthousiaste, trottine de l'un à l'autre, tire parfois sur la laisse, ou s'arrête quelques secondes pour boire dans les flaques d'eau.

-Et sinon, c'est votre chien qui manque cruellement d'éducation ou vous l'avez dressé pour attirer l'attention des filles ?

Thomas fronce les sourcils, confus.

Puis comprend.

-Oh, heu... ce n'est pas mon chien. Enfin... c'est celui de mon meilleur ami.

Ils croisent quatre lycéens débattant sur un film sorti au cinéma.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant