Chapitre 69.

287 42 6
                                    

[nda : joyeux anniversaire à yaël]

Les lettres virevoltent devant ses yeux, qu'il ferme, qu'il ouvre, qu'il referme et qu'il rouvre encore. Mais rien à faire. Sa jambe droite ne cesse de tressaillir, comme sa main qui ne parvient à tenir son stylo plus d'une seconde. Son meilleur ami lui jette un regard furtif, avant de se concentrer sur les longues phrases interminables de leur professeur d'Histoire.

-Mec, t'es sûr que tout va bien ?

C'est la troisième fois de la journée qu'il lui pose cette question. Et, comme l'autre s'y attendait, il répond, pour la troisième fois :

-Ouais, ouais. T'inquiète, je suis juste fatigué.

Il prend une grande inspiration. Allez, allez, allez. Plus que quatre heures, et il rentre chez lui.

Quatre heures... quatre heures c'est long, si long, trop long.

Mais il n'a pas le droit de craquer, pas ici, pas comme ça. Pas après toutes ces semaines de calme, durant lesquelles son psy a remarqué une belle amélioration.

Calme-toi, calme-toi, calme-toi. Ça va aller.

Plus que quatre heures.

***


-Alors ? Ça fait quoi de retrouver ta famille ?

Yaël hausse les épaules en allumant sa cigarette.

-C'est cool, franchement. Bon, bien sûr, mes parents me posent énormément de questions, quand est-ce que j'ai commencé à me « sentir garçon » comme ils disent, pourquoi je ne leur en ai pas parlé plus tôt, si je connaissais d'autres personnes transgenres. Et ma mère a failli s'évanouir quand je lui ai expliqué que je comptais prendre de la testostérone et me faire une mammectomie. Mais... le dialogue passe un peu mieux avec mon frère, et même si parfois c'est encore tendu, ça fait du bien de le revoir. Je dirais même que la prison l'a rendu plus calme. Et surtout, j'ai retrouvé ce qui me manquait le plus.

Ethan expire la fumée grisâtre.

-Qu'est-ce qui te manquait le plus ?

-Mon piano et ma batterie ! Je commençais à être un peu lassé de ma guitare.

Le garçon sourit. Il aime voir son meilleur ami ainsi. Moins nerveux, sans toute cette culpabilité qui le rongeait depuis plusieurs semaines.

-Et toi, avec ta mère ?

-Hier soir, elle a sorti des banalités homophobes avec mon père, mais bon, je ne peux pas la forcer à devenir tolérante du jour au lendemain.

-Laisse-lui le temps de s'habituer. Et puis franchement, je trouve qu'elle fait pas mal d'efforts.

-Je sais, je sais. Seulement j'arrive pas m'empêcher d'être en colère contre elle. Je lui en veux toujours pour tout ce qu'elle disait avant, je lui en veux pour ne pas reprendre mon père quand il se comporte comme un connard, je lui en veux même de ne pas avoir deviné mon homosexualité plus tôt.

Yaël soupire, écrase sa cigarette avant d'en allumer une autre.

-Ethan, tu sais quoi ? T'es un mec en colère. Pas colérique. Mais en colère. Tu es en colère pour tout, tout le temps, contre tout le monde. Je ne te reproche rien, hein, je t'aime comme ça, c'est juste une constatation. T'as déjà pensé à parler à quelqu'un ? Pour évacuer toute cette colère.

-Non.

-Pourquoi ?

Ethan hausse les épaules.

L'Ouragan d'Étoiles Où les histoires vivent. Découvrez maintenant