L'Ouragan d'Étoiles

Chapitre 8.

-J'aime pas, bougonne Tristan en repoussant son assiette.

À l'autre bout de la table, sa mère pousse un long soupir.

-Tu dois manger des légumes, Titou, c'est bon pour la santé.

-Ouais bah j'aime pas la santé, râle encore le garçon, causant l'hilarité de ses frères.

-Ça ne veut rien dire, s'esclaffe Jules en lui ébouriffant les cheveux.

Le gamin lui tape rageusement la main avant de bouder, se reculant sur sa chaise en croisant les bras.

Tandis que les autres se moquent gentiment de l'enfant, Luke tâte du bout des doigts le papier. Il hésite, se questionne, débat avec lui-même. Si ça se trouve, Ethan est un pervers psychopathe qui va le tuer et le violer. Ou le violer et le tuer. Ou le kidnapper, le séquestrer, le violer et le tuer. Ou le...

-Lulu ? Tout va bien ?

La voix de son père le sort brusquement de ses pensées, le faisant sursauter. Il se contente de hocher la tête, encore perturbé par son esprit bien trop imaginatif. Le jeune homme finit rapidement de manger, lance « je vais me coucher, je suis crevé » et monte dans sa chambre.

De là, il réfléchit longuement. Comment sortir en douce de la maison avec la famille qu'il a ? Ses frères seront sans doute endormis, et ses parents devant la télévision. S'il est discret, il arrivera peut-être à ne pas se faire repérer. Et pour aller au parc, comment se débrouiller ? Six kilomètres à vélo, il faudra qu'il parte de chez lui vers une heure et quart. Pourquoi je fais ça, moi, déjà ?

***

Ethan attrape une cigarette et son briquet, qu'il met dans sa poche, avant d'enjamber le rebord de sa fenêtre. Il se mord la lèvre inférieure, hésitant. Puis retourne sur ses pas, prend son paquet entier et sort à nouveau. Le garçon rabat sa capuche sur sa tête, visse ses écouteurs dans ses oreilles, lance une musique, he's not different, de Joel Faviere, jette un œil à l'heure affichée sur son portable. Une heure quarante cinq. Il arrivera en avance. Tant pis. Ça lui permettra d'être un peu seul, pour réfléchir à ce qu'il dira, ce qu'il fera.

Le parc est en vue. Sa main se dirige vers sa poche, emprisonne la cigarette solitaire et le vieux briquet dans ses doigts, les sort, porte la clope aux lèvres du garçon et donne naissance à une petite flamme, avant de ranger le briquet à son endroit initial.

***

Heureusement qu'il a gardé la lampe que son père lui a forcé à mettre sur son vélo quand il était plus jeune, car sinon il serait mort depuis une bonne demi-heure. Luke arrive près du parc, pose son vélo contre la barrière sans prendre la peine de mettre un anti-vol (de toute façon, qui volerait un vieux VTT à deux heures du matin quand le propriétaire est à deux pas de là ?) et se dirige vers l'entrée des jeux.

Il le voit. Assis à même le sol, regardant droit devant lui, ne semblant pas avoir remarqué sa présence. De la fumée s'échappe de ses lèvres et s'envole dans le ciel noir ; de la fumée de cigarette, vu l'odeur. Génial... il l'espérait plus intelligent, mais bon... autant faire avec.

Le jeune homme s'approche discrètement de lui et s'assied à son tour, un peu en recul.

-Pourquoi dans le parc ?

Ethan, perdu dans ses pensées, sursaute légèrement à la voix de Luke. Il hausse les épaules, continuant à fixer l'horizon.

-J'aime cet endroit. Je venais y jouer, avant. Comme les autres gosses du village. Comme toi, aussi. On y jouait tous, on se foutait des différences et du monde extérieur comme de nos premières godasses. Même si quelques heures, voire minutes auparavant, il y avait eu des disputes, ici, le soir, tout le monde se réconciliait, tout le monde était heureux. La seule chose qu'on redoutait était le moment où nos parents nous forçaient à rentrer.