Chapitre 22

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     Le ballon semblait lourd dans ses mains.

La matinée était passée, plus longue que jamais. Partout où il passait, tout le monde le regardait. Certains l'évitaient, d'autres rigolaient, tous étaient bruyants. Les mots, les murmures, les insultes.

Tout.

Il entendait tout.

Il les entendait comme il voyait leur geste, les mimes moqueurs qui ne faisaient rire qu'eux. Par chance, au moment de la pause déjeune, le petit gymnase restait comme à chaque fois vide. Zeik lança le ballon. Il frappa le panneau et retomba dans le panier. Le filet frémit lorsque la balle passa. Il le récupéra.

D'habitude, l'adolescent aimait le contact du ballon. D'habitude il aimait joueur au basket.

Là, il était trop préoccupé pour cela. Il n'arrivait pas à vider son esprit, à ne penser à rien. Il avait l'impression que tout avait un goût amer, même ce qu'il aimait. Il jeta une nouvelle fois le ballon.

Un nouveau panier de marqué !

Il était préoccupé, pourtant le ballon allait là où il voulait qu'il aille.

- Tu es en forme on dirait, la nouvelle star.

Des rires. Zeik ne se retourna pas. Ce n'était pas la peine, il savait qui était là. Il reconnut les voix. Il savait qui lui donnait ce surnom.

- Enfin... Nouvelle star, je ne sais pas si c'est encore vraiment d'actualité.

Nathan Lecter, le capitaine. Lui et les titulaires de l'équipe de basket.

- Quoique tu restes populaire, mais d'une autre manière. Avant tu étais connu pour être la star, maintenant c'est plus pour être une... Comment on avait dit déjà ?

- Une absurdité ? Proposa un autre joueur.

- Oui, c'est cela. Une absurdité.

Une absurdité... Un mot aussi fort et blessant qu'un couteau enfoncé dans la chaire. Il n'était pas absurde, simplement différent.

- Qu'est-ce que tu me veux Nathan ?

- Tu me parles sur un autre ton, l'homo !

Zeik n'aimait pas cette voix, les mots qu'il employait. Il n'aimait pas cette personne.

- Je me suis toujours demandé pourquoi on ne s'appréciait pas tous les deux Zeik, je savais que cela allait au-delà du fait que tu sois bon joueur. A présent, je connais la raison. Je n'aime pas les gars comme toi tout simplement.

Nathan avait un certain sourire à la fois mauvais et amusé. Le genre de sourire désagréable pour celui qui en été la cible.

- Alors tu aimes les mecs ?

- Qu'est-ce que cela peut te faire ?

- Tu as un copain ?

Zeik fit rebondir son ballon sur le sol. Il avait envie de le lui envoyer à la figure.

- Tu t'es déjà fait prendre par un mec ? Ou c'est l'inverse ? Tu tiens quel rôle ?

Nathan, bien amusé, regarda le reste de l'équipe.

- Je parierais plutôt qu'il est puceau. Alors Zeik, tu ne réponds pas ?

Il allait craquer. Zeik n'en pouvait plus.

- Laissez-moi tranquille...

Personne ne bougea, le capitaine fit même un pas vers lui.

- Laisse-moi, s'il te plaît.

- J'ai encore quelque chose à te dire.

Zeik prit le courage de lever les yeux vers Nathan.

- Ne viens plus aux entraînements. Ne viens plus jouer au basket avec l'équipe. Tu n'en fais plus parti. On ne veut pas avoir un puceau gay avec nous. On a une réputation à tenir, tu comprends ?

Son ballon lui échappa. Il le regarda rouler sur le parquet ciré du terrain.

- Vous... Vous ne pouvez pas me virer de l'équipe. Cette décision revient au coach.

Nathan avait à présent un sourire narquois. Le genre de petit sourire en coin qui en disait plus que de simples mots. Toute l'équipe avait ce même sourire.

- C'est vrai. La décision ne nous revient pas. Mais il nous suffira de dire au coach que tu as simplement... démissionné ? Que tu ne voulais plus faire partie de l'équipe, que tu arrêtes le sport. Monsieur Hector croira le capitaine !

A l'entendre, son titre de capitaine lui conférait les mêmes droits et pouvoirs qu'à un roi. Il ne manquait plus que la couronne et tout était parfait.

- Ne fais pas l'erreur d'aller contre nous Zeik. Ne va pas voir le coach, sinon...

Le capitaine lui lança un regard plein d'éclairs.

- Enfin, tu as compris je pense.

Zeik se crispa. Tout son corps tendu lui rappela la douleur reçu le matin même par Mike. Ses côtes lui firent mal, un goût amer et désagréable vint emplir sa bouche.

- Pars d'ici, la « nouvelle star ». Une personne comme toi n'a pas sa place dans ce lycée.

Zeik poussa le capitaine, se fraya un chemin entre les autres membres de l'équipe et prit la fuite.

Encore.

Dans les couloirs, il courut. Le monde autour de lui était flou. Il n'avait l'impression de voir que leur expression moqueuse, rempli de haine ou de dégoûts. Dans sa course il eut l'impression que le monde devenait sombre et terrifiant.

Quelqu'un le bouscula, il ne le remarqua même pas. Il continua de courir. Une autre personne entrava sa course. Un croche patte et il s'étala de tout son long dans un couloir. Il ne savait même plus où il se trouvait.

Les moqueries, la haine, la violence. C'était tout ce qu'il l'entourait. Zeik regarda le sol. Il était insulté. Tant de mots qu'il avait toujours cherché à éviter.

Pourquoi ?

Pourquoi avait-il fait cette erreur d'en parler, ne serait-ce qu'à deux personnes ?

Il se releva. Sans regarder qui l'avait fait tomber, il reprit sa course.

Courir sans savoir où aller.

Ses pas le guidèrent dans un couloir désert. Ce n'était pas suffisant. Il voulait un endroit sombre, un endroit inoccupé. Il voulait être seul et loin de tout. Il s'approcha de la première porte en vue.

Ouverte.

Une pièce plongée dans le noir où régnait un bazar sans nom. C'était parfait. Zeik se mit dans un coin et se fit le plus petit possible. Recroquevillé sur lui-même, il laissa enfin les larmes couler. La porte se referma.

« Local de stockage d'Art ».

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant