Chapitre 23

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Un frisson le parcourut.

Zeik ignorait depuis combien de temps il était là. Il avait vaguement entendu la sonnerie une fois, puis une seconde fois.

Il ratait des cours.

Il ne s'en souciait pas.

Il ne voulait pas bouger de là.

Dans le noir, dans le silence, il était bien. Il était libre de pleurer, libre de haïr le monde entier. Dans cette petite pièce, il était libre de se détester lui-même.

Un grincement se fit entendre. Le bruit d'une porte qui s'ouvrait. Le claquement d'une lumière qui s'allumait. Même à travers ses yeux fermés, à travers la protection de ses bras dans lequel il était plongé, Zeik fut éblouit.

Il entendit les pas raisonnaient sur le carrelage de la pièce. Le garçon priait pour que l'intrus ne le remarque pas, pour qu'il reparte vite, sans faire attention à lui. Il se faisait tout petit, entre les étagères encombrées et les cartons empilés, pour cela.

Zeik entendit un clic. Il y eu un grand flash.

- Je savais que beaucoup de choses étaient stockés ici. Peinture, chevalet, toiles, objets en tous genres. J'ignorais toutefois que parmi ce bazar, était rangé un modèle humain.

Zeik releva un visage rougit par les larmes. Il ouvrit des yeux humides.

Il était là. Lui.

Ses lunettes de soleil remontaient sur sa tête, repoussant quelques mèches de cheveux en arrière. En t-shirt, ignorant le froid de ce mois de janvier. Ses yeux clairs étaient lumineux, pleins de joies, non de haine ou de dégoûts. Il tenait un appareil photo entre les mains, la bandoulière autour du cou. Un appareil tout juste sorti, le dernier à la mode. Ce garçon avait une fortune entre les mains, un objet de qualité et il venait de le prendre, lui l'absurdité, en photo.

Ses pointes blondes au bout de cheveux bruns, ce sourire différent de ceux des autres, ce visage.

C'était bien lui qu'il avait aperçu quelques fois en peu de jour, cet étudiant d'université. L'un des six.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Demanda-t-il.

Il s'accouda sur une pile de carton, sans le lâcher des yeux. Son regard avait quelque chose d'à la fois doux et intimidant. C'était un regard si différent de ceux qu'il avait reçu depuis le début de la journée.

- Laisse-moi deviner... Tu te caches ? Tu as de la chance, Mickey est assez tête en l'air. Il oublie souvent de fermer cette salle à clé.

Il lui parlait normalement.

Pourquoi cela semblait étrange à Zeik ?

- Mickey ?

- Alors tu sais parler ? Durant un instant, j'ai eu peur que cela ne soit pas le cas.

L'étudiant devait avoir une vingtaine d'année, pas plus. Il y avait quelque chose de naturel et rebelle chez lui. Zeik trouvait cela... attirant. C'était ce qu'il pensait depuis qu'il avait aperçut la première fois dans la cour.

- Mickey est un ami. Tu l'as peut-être déjà vu. Il fait partie de ce « groupe d'étudiants ». Tu sais, ceux qui viennent de l'université d'à côté. Le lycée nous prête certaines salles pour des cours, ou pour notre temps personnel.

- J'ai entendu parler de vous.

- On s'est aussi vu ce matin, devant la porte du lycée. Mickey était juste à côté de moi.

Zeik laissa sa tête retomber entre ses bras, il n'avait rien à lui répondre. Il se souvenait de ce matin. Il l'avait fui, lui aussi, à ce moment-là.

Fuir, toujours fuir.

Cette fois-là, c'était pour d'autres raisons.

- Alors, pourquoi te caches-tu ?

- Je ne me cache pas.

L'étudiant eu un petit rire. Rien de méchant ou de mal intentionné. C'était simplement un rire amusé, voir même mignon.

- Tu mens relativement mal.

Zeik n'avait pas besoin d'argumenter pour se défendre. Il le savait déjà, Sâme le lui disait souvent.

- Je peux te poser une question ?

Quoique Zeik puisse répondre, il allait la poser sa question. L'adolescent n'avait pas le choix.

- Tu te caches des autres, ou de toi même ?

- Qu'est-ce que cela peut bien te faire ?

L'étudiant haussa les épaules.

- Va savoir. Je suis curieux. Tu es Zeik Kaîda, n'est-ce pas ? Un élève de seconde il me semble...

Zeik releva la tête.

- Comment tu le sais ?

- Depuis la semaine dernière, tout le monde ne parle que de toi. Zeik Kaîda. L'élève homosexuel. J'ai vu la photo dans le journal du lycée. Un article bien stupide je trouve d'ailleurs.

- Pourquoi un étudiant comme toi s'intéresse à ce genre de chose ?

- C'est vrai que nous ne faisons pas réellement parti de ce lycée. Cela ne nous empêche pas de nous intéresser à ce qu'il s'y passe. Puis, c'était difficile de passer à côté de cette information.

L'étudiant, fatigué d'être appuyé sur cette pile de carton, s'assit à même le sol. Le carrelage fut plus froid que prévu. Une fois le frisson passé, il se mit à regarder l'écran de son appareil photo.

- C'est toi qui t'es battu ce matin ?

Même cela il le savait ?

- Oui...

- A cause du journal ?

Zeik hocha simplement la tête.

- Je vois...

Il appuya plusieurs fois sur le même bouton de son appareil.

- Laisse-moi deviner. Tu es gay, mais tu n'oses pas en parler, à personne, ou très peu de monde. Tu le gardes pour toi parce que tu as peur du regard des autres. En quelque sorte, tu as un peu honte de toi.

Il releva les yeux de son appareil photo, jugea l'adolescent, puis continua.

- Tu l'as avoué à une personne, en pensant qu'elle le garderait pour elle. Mais cette dernière a fait l'inverse et a tout révélé. L'article est sorti. Toi, tu t'es sentie trahis et tu n'as pas pu t'empêcher de la frapper.

Il lisait en lui comme dans un livre ouvert.

Comment pouvait-il tout savoir de la sorte ?

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant