Chapitre 35

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Zeik se redressa.

Malgré l'heure tardive, il n'arrivait pas à dormir. Il était trop préoccupé pour réussir à fermer les yeux.

Il repensait à sa journée, à tout ce qu'il avait fait. La forêt, Sâme, les animaux, Ekel.

Ekel...

L'adolescent tourna la tête vers lui. La couverture repoussait au pied malgré le froid, l'étudiant dormait profondément. Sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration. Quand il dormait, il perdait tout son air « sur de lui », voir même un peu rebelle qu'il pouvait avoir durant la journée.

Là, dormant légèrement recroqueviller sur lui-même, il ressemblait à un enfant sans défense.

Délicatement, Zeik retira une mèche presque entièrement blonde du visage du jeune homme. Il sentit son souffle chaud sur sa main.

- Tu ne dors pas ?

Ekel ouvrit les yeux.

- Je t'ai réveillé ?

- Je me réveille systématiquement lorsqu'on me touche.

- Excuse-moi.

Pour toute réponse, l'étudiant lui fit un sourire.

- Tu as l'air préoccupé...

- Je repensais à la conversation avec ton oncle... Il a raison, je devrais rentrer chez moi. Je l'ai promis à Sâme. Rester loin de m'aidera pas. Je ne ferais rien comprendre à mes parents. Il faut que je leur parle. En plus, à cause de moi, tu rates tes cours.

- Tu n'as pas à te soucier de moi, encore moins de mes cours.

Ekel se redressa à son tour. Il le prit dans ses bras, l'embrassa dans le cou.

- Tu es sûr que tu veux rentrer chez toi ?

Zeik se sentit trembler à cette idée. Il savait ce qui l'attendait en rentrant chez lui. Il imaginait parfaitement la réaction de ses parents.

- Non, je ne le veux pas. Il le faut c'est tout.

Ekel laissa plusieurs minutes s'écouler.

- D'accord. Laisse-moi juste une journée. Une dernière avec moi, sans se poser la moindre question et loin de tout problème. S'il te plaît, reste avec moi demain et le soir je te ramène chez toi.

Zeik se recoucha.

- D'accord, si tu veux.

***

Zeik regarda sa maison. Entre lui et la porte d'entrée, il n'y avait qu'un portillon, et quelques mètres d'allées.

Le soleil entamait déjà sa descente dans le ciel. Ses derniers rayons teintaient ce ciel de couleurs orangées. Bientôt, sa lumière serait remplacée par celle des lampadaires de la ville et des rayons de la lune. Ekel avait profité de chaque minute qu'offrait le jour, avant de le ramener chez lui.

Zeik lui jeta un regard. Aucun des deux ne voulait être là. Tous deux auraient préféré rester dans cette grange, au milieu de la paille. Avec le chat Percy pour les réveiller le matin, ou Citadelle aboyant pour réclamer des caresses. L'adolescent avait envie de retourner dans la forêt envahit par la brume, aux couleurs de l'hiver. Il voulait revoir le renard, retoucher l'eau glacée du ruisseau, observer de nouveau Ekel prenant des photos.

Il avait envie de tout cela.

Ou même, passer une journée, simple, à ne rien faire.

Tout sauf retourner chez lui.

- Tu es sûr que tu veux rentrer tout de suite ?

- Ne me pousse pas à aggraver mon cas, s'il te plaît. J'ai causé assez de soucis à tout le monde.

- Personnellement, tu ne m'as pas causé de soucis. Après tout, c'est moi qui t'ai amené chez mon oncle.

- Tu es mon effroyable kidnappeur !

- Je suis si effroyable que cela ?

- Le pire d'entre tous.

Les deux garçons eurent le même sourire amusé. Ils n'eurent pas le temps de dire autre chose, de sonner, ou même de pousser le portillon.

La porte d'entrée s'ouvrît en grand.

Sa mère restait figée, accrochée à la poigner de la porte. Son père était déjà bouillonnant. Au vu des miettes autour de sa bouche, ce dernier venait d'être dérangé en plein goûter tardif. Cela avait quelque chose de relativement ridicule.

- Zeik...

La voix de sa mère était faible et tremblante. Partagée entre le soulagement qu'il soit revenu et la colère qu'il soit parti auparavant. L'adolescent ne bougea pas. Il affronta ses parents du regard, tout en cherchant la main d'Ekel.

Lorsqu'il la trouva, il ne la lâcha plus.

- Rentre Zeik !

Son père était sec, violent même dans sa façon de parler.

- Immédiatement !

En l'entendant, Zeik avait l'impression que c'était douloureux pour Ryo Kaîda d'adresser la parole à son propre fils. Après tout, il n'était pas encore lui-même venu vers eux pour s'excuser.

- Zeik !

Ils voulaient qu'il revienne, qu'il rentre. Pour autant, ils ne faisaient pas un pas pour aller le chercher.

- Dépêche-toi.

L'adolescent regarda Ekel.

- Il faut que j'y aille, lui murmura-t-il.

L'étudiant ne lâchait pas sa main.

- Merci pour ces trois jours Ekel. On aurait dû commencer ça plus tôt...

Zeik prit une grande inspiration, le lâcha et fit un premier pas.

- Zeik, attend.

Une main sous le menton, lui relevant la tête, Ekel l'embrassa.

Zeik sentit une nouvelle fois la chaleur du jeune homme l'envahir, grâce à un simple baiser. Sans se soucier du regard de ses parents, qui pouvait être choqué ou en colère, ils le firent durer. Secondes après secondes. La séparation n'en fut que plus douloureuse.

- On se revoit au lycée.

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant