Chapitre 31

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Dans son sommeil, Zeik se sentit observé. Doucement, il ouvrit les yeux. Il fut ébloui par la lumière du jour. Les rayons du soleil s'infiltraient dans la grange par le moindre espace entre deux planches.

Il cligna des yeux pour s'habituer à la lumière trop vive pour lui. Quelque chose appuya contre son ventre. Une petite masse qui semblait vouloir s'installer là. Malgré la couverture, il sentait de petites pointes le toucher.

Un chat, perché sur son ventre, cherchait la meilleure manière pour se coucher, tout en fixant le garçon. Un félin gris tigré, aux pattes blanches et au petit museau rose. Il avait des aires d'adultes, malgré sa petite taille. Un bâillement dévoila des crocs parfaitement blancs et luisants.

Il s'étira et, enfin, se coucha. Zeik se retrouva bloqué par l'animal. Il tendit une main et le caressa sous le menton. Le chat se mit à ronronner. Tout son corps en vibra.

- Dis donc Percy, tu n'essaierais pas de voler mon copain par hasard ?

Le poids du chat disparu d'un seul coup.

Copain ? Ce mot n'avait rien de spécial. Portant, pour Zeik, il fut plutôt agréable à entendre. Agréable et si soudain. Ce mot le terrifia également. Le garçon se redressa et se frotta les yeux pour chasser les dernières brumes de sommeil.

- Ekel.

L'étudiant attrapa le chat qui tentait de fuir. Il se mit à le caresser à son tour.

- Je ne t'ai pas entendu arriver.

Zeik regarda la place vide à côté de lui, dans le lit improvisé.

- En fait je ne savais pas que tu étais parti.

- Tu dormais bien quand je me suis réveillé. Je me suis levé tôt, je ne voulais pas te déranger. J'avais deux cours importants ce matin. J'avais prévenu mon oncle de ta présence, au cas où tu te réveilles avant mon retour.

- Il est quelle heure ?

- Onze heures passées.

Zeik se laissa retomber en arrière.

Onze heures. Si tard déjà. Il attrapa son portable, l'alluma. Juste un message de Sâme. Il y répondit rapidement.

- Tu avais cours au lycée ?

- Non à l'université.

A L'université...

Il n'avait donc pas pu voir sa mère.

Sa mère, son père...

Il était parti la veille, sans donner aucune nouvelle. Le lendemain, il n'avait qu'un message de Sâme. Aucun de ses parents. Pas même un appel en absence.

Ses parents ne s'inquiétaient pas pour lui, ils ne cherchaient pas à savoir où il était ?

- Tu as faim la marmotte ?

La voix d'Ekel chassa ses parents de ses pensées.

- Un peu.

- Viens, je crois que mon oncle a laissé quelque chose pour toi.

- Il est là ?

Ekel lui fit signe que non.

- Il a dû repartir. Il était juste passé voir si Citadelle allait bien.

Ekel reposa le chat au sol et aida l'adolescent à se lever. A peine sortie de la grange, ils furent accueillis par le doberman. Une chienne plus impressionnante encore de jour que de nuit. Elle chercha des caresses chez l'étudiant, évitant toujours l'étranger qu'était Zeik.

- Elle finira par s'habituer à toi.

- Ce n'est pas une obligation.

- Tu n'aimes pas les chiens ?

L'adolescent haussa les épaules.

- Disons que je n'en ai pas connu énormément dans ma vie. Et qu'elle reste assez... sugoï (impressionnant).

- Ce qui veut dire ?

- En français ? Je ne sais pas trop, il me semble que le mot qui s'en rapproche est... impressionnant.

Ekel eut un petit rire.

- C'est vrai qu'elle fait cet effet-là.

Suivant l'étudiant, Zeik rentra dans la maison du propriétaire des lieux. Assis à une table ronde, dans une cuisine décorée à l'ancienne, ou plutôt qui n'avait pas été rénové depuis un certain temps, l'adolescent apprécia le petit-déjeuner que l'oncle avait pris le temps de laisser.

Accoudé à la même table, Ekel l'observait boire son lait et manger ses tartines.

- Un tour en forêt après, cela te dit ? Je dois prendre quelques photos pour un projet.

Zeik croqua dans un morceau de pain recouvert de confiture de poire.

- Quel genre de projet ?

- Avec mon groupe et un professeur qui nous encadre, on aimerait monter une exposition photo autour de la lumière.

Tout en l'écoutant, le garçon but une gorgée de lait, reposa son bol sur la table.

- Il y a beaucoup de photos possibles sur ce sujet. Le jeu que la lumière peut avoir sur un paysage, ou la simple lueur d'une bougie. Les ombres face à la lumière... Il y a tant à immortaliser.

Ekel parlait de la photographie comme Zeik pouvait parler du basket. Avec passion !

***

Il faisait encore froid. Le ciel était gris, menaçant. Il allait bientôt pleuvoir, ou neiger vu la température. Les arbres et les buissons étaient à nus, sans aucune feuille. La mousse avait jauni, parfois même était tombée.

Pourtant, l'endroit restait magnifique. Des gouttes de glaces alourdissaient les branches les plus fines. Cette glace hivernale reflétait les rayons du soleil qui perçaient entre les nuages. Avec la brume qui, malgré l'heure, rampait encore au sol et la luminosité hivernale, le paysage était à couper le souffle.

Ekel n'en perdait rien. Chaque rayon de lumière, chaque plante baignant dans un halo doré, chaque animal profitant d'un rayon de soleil, il photographiait tout. Zeik le suivait en observant partout autour de lui.

En quinze ans de vie à Tokyo, il avait rarement eu l'occasion d'aller dans une forêt. Toujours habitué aux buildings et lumières de la ville. En voyant ses arbres, ses plantes endormies et se silence apaisant, il se découvrit un amour pour ce genre d'endroit. Perdu dans ses observations, il arracha une feuille morte d'une branche qu'elle n'avait toujours pas quittée. Un oiseau prit son envole et passa juste au-dessus de lui.

Il l'observa dépasser la cime des arbres, allez vers ce ciel gris menaçant, presque blanc à certains endroits. Quand il baissa les yeux, il découvrit un autre animal.

En contre bas, dans un vallon, un renard courrait dans la brume. Son pelage se détachait bien des couleurs hivernales que prenait la forêt. Avec un jappement, il disparut dans la brume. Non loin de là, zigzagant entre les arbres, tel un serpent, un ruisseau. D'une eau grisâtre et écumeuse, il n'était pas très large, et avec un important courant.

Zeik s'approcha, plongea sa main dedans. Au vu de la saison, rien d'étonnant à ce que l'eau soit glacée. Le garçon joua avec le courant, servant de barrage à certaines feuilles. Les bouts de ses doigts se mirent à blanchir avec le froid. Ils étaient presque bleus lorsqu'il retira sa main.

Son portable sonna.

Zeik avait presque oublié qu'il l'avait apporté avec lui. Il lut le nom qui s'affichait.

Sâme.

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant