Chapitre 48

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Zeik regarda son ballon, le panier au-dessus de lui. Il lança. Le son de la balle traversant le filet, retombant sur le sol, rebondissant, résonna dans le petit gymnase vide.

Il avait mangé vite pour pouvoir se retrouver seul dans cet endroit. Il avait besoin de tranquillité, d'un peu de solitude.

Depuis combien de temps aux yeux des autres était-il avec Sâme ? A peu près un mois s'il calculait bien.

Elle l'aidait, ils s'étaient mis d'accord.

Tous les deux jouaient un rôle, Sâme le savait. Elle le prenait dans ses bras, lui caressait le visage, l'embrassait, simplement pour lui permettre de se cacher. Au moins, ses parents, son père, avaient levé tout soupçons et lui avaient rendu sa liberté. Ils avaient pleinement ouvert la cage du canari.

Son père était heureux car il croyait avoir eu raison, son fils n'était pas gay ! Il avait cessé de garder le silence ou de s'énerver. C'était redevenu « comme avant ». Pour Ryo Kaîda, c'était comme si rien de toute cette histoire ne s'était passée. Le sujet était clos.

C'était si simple de faire croire quelque chose, tant que cela pouvait plaire à la majorité. Ils étaient tous si influençables, même ses parents.

Zeik avait presque envie d'en rire, si cela ne le blessait pas autant...

Il lança une nouvelle fois le ballon.

Grâce à Sâme, les regards avaient cessé, ou ils étaient différents, il n'entendait plus les insultes et les moqueries.

Un simple baisé et beaucoup croyaient en leur illusion. Ils étaient tous trop crédules. Un jour ils croyaient une chose, le lendemain ils arrivaient à en croire une autre totalement différente. Il avait soulevé une vague dans le lycée, en un mois à peine, elle était déjà passé.

Un baiser semblait effacer des semaines de haines.

Stupide.

Il était redevenu un lycéen « normal », un parmi tant d'autre, un qui se perdait dans la foule. Seulement grâce à une illusion que lui-même trouvait grotesque.

Était-ce si simple ?

Il regarda la balle orange rebondir sur le parquet du gymnase.

Combien de temps cette mise en scène allait-elle durer ?

Il n'aimait pas se cacher. Il n'aimait plus. Il le faisait depuis trop longtemps. A présent que tout le monde l'avait su, à quoi bon le dissimuler encore une fois ?

En même temps, il continuait à avoir peur. Peur de retomber dans l'enfer qu'il venait de vivre, et qu'il avait toujours cherché à éviter.

Tout était trop confus pour lui.

Il fit un nouveau panier, sans chercher à faire un beau tir.

- Tu joues aussi bien que la première fois que je t'ai vu sur un terrain.

Zeik se figea.

- Ta place dans l'équipe est amplement méritée.

Ce n'était pas la voix de Sâme, pas non plus celle de monsieur Hector, ni Mickey, ni quelqu'un d'autre.

De peur de se tromper, Zeik n'osa pas se retourner, restant figé sur place.

- Je ne fais plus parti de l'équipe. Ils ne veulent pas de moi.

- Ils ont tort, ils perdent un bon joueur.

Il ne répondit pas. Il se contenta de récupérer son ballon, le regardant comme si c'était la première fois qu'il le voyait. L'adolescent sentit un souffle chaud dans son cou. Des bras s'enroulèrent autour de lui, le serrèrent.

- Tu m'as manqué Zeik.

De façon plus violente qu'il ne l'aurait voulu, Zeik s'échappa de cette étreinte. Une étreinte qu'il avait pourtant rêvé et espéré ces dernières semaines. A présent qu'il l'avait, il la fuyait. Il se retourna et le regarda.

C'était bien lui.

- Tu ne peux pas faire... ça, Ekel !

- Pourquoi ?

- Je suis avec Sâme à présent.

- Ce n'est qu'un mensonge ! Elle même me l'a dit.

- Tu es de retour et la première personne que tu vas voire c'est Sâme ?

- Je ne te trouvais pas. Je suis tombé sur Sâme et elle m'a dit où tu étais.

Zeik l'observa de haut en bas, de bas en haut, comme s'il le redécouvrait pour la première fois. Pourtant, c'était toujours le même. Il n'avait pas changé.

Toujours ses lunettes de soleil qui retenaient ses cheveux vers l'arrière. Ses mèches aux pointes blondes qui ne semblaient pas avoir pris un centimètre. Ce même t-shirt uni et noir et ce jean délavé qu'il portait le dernier jour où ils s'étaient vus. Son blouson en cuir noir ne semblait pas avoir un seul pli, comme s'il sortait du magasin. Pourtant, c'était le même que la dernière fois.

- Et toi ? Où étais-tu ? Durant ces dernières semaines, pourquoi n'étais-tu pas là ?

Ekel baissa les yeux.

- Tu sais, durant tout ce temps, je n'ai pas cessé de penser à toi.

- Cela ne répond pas à ma question, Ekel !

L'étudiant perdit le sourire qu'il affichait jusque-là.

- Aucune nouvelle, pas même un seul message. Ni à Sâme quand elle t'en a envoyé un certain nombre, ni à moi une fois que j'ai pu récupérer mon portable. Rien du tout ! Tu m'as laissé seul Ekel. Tout seul alors que j'avais besoin d'aide, de ton aide !

- Je sais, je...

- Tu sais, c'est tout ce que tu trouves à me répondre ? Vraiment ?

Zeik sentit une foule de sentiments remonter. La colère, la tristesse, la haine. Les souvenirs de ce qu'il avait vécu s'imposèrent à son esprit.

- Est-ce que tu sais quel enfer j'ai vécu durant tout ce temps où tu étais absent ?

- J'ai refusé que quiconque m'en parle.

- Tu as refusé... je vois.

Nerveusement, Ekel fit claquer sa langue.

- Oui ! J'ai refusé, parce que je n'en ai pas besoin, parce que je sais parfaitement ce que tu as enduré... je suis passé par là moi aussi.

Zeik arrêta le ballon entre ses mains. Il regarda l'étudiant. Il avait vécu la même chose... Il se souvenait, Mickey le lui avait raconté, le jour où il avait dû l'amener à l'infirmerie.

- Tous les jours je m'imaginais ce que tu pouvais endurer et je me haïssais parce que je n'étais pas là. Je sais ce que ça fait de n'avoir qu'un seul ami pour nous aider. Un ami qui fait de son mieux, mais qui n'est pas comme toi, qui ne peux pas tout comprendre. Je connais ce sentiment de solitude face à ce genre de situation. Je voulais être là. Je voulais que tu l'évites ! J'aurais aimé que cela se passe différemment pour toi. Je ne voulais pas que tu crois que notre début d'histoire n'était qu'un jeu pour moi... ce n'est pas le cas !

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant