Chapitre 52

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Zeik regarda autour de lui.

Il avait l'impression d'être retourné deux mois en arrière, lorsqu'il avait rencontré Ekel. Leur premier week-end ensemble, la journée passée dans la forêt, derrière la ferme de son oncle. Le froid, les nuages gris, les gouttes d'eau gelées, la brume, et les couleurs de l'hiver.

Ils étaient de retour dans cette forêt.

Cette fois, Ekel ne prenait aucune photo. Ils ne faisaient que se promener, main dans la main, comme tous les couples le faisaient. A chaque respiration, de la buée s'échappait de leur bouche. Zeik était content de l'écharpe que l'étudiant lui avait enroulé autour du cou. Plus un foulard qu'une échappe d'ailleurs, il lui était suffisant.

Malgré le froid encore persistant, le printemps était bien là. Le paysage quittait peu à peu son visage hivernal. Au risque de geler, les premiers bourgeons faisaient leur apparition au bout des branches. De petits points verts ou rosé, dans un monde blanc et brun. C'était si simple et pourtant si beau.

- Zeik, regarde.

Au loin, derrière un arbre, un renard sortit son museau. Il tenait quelque chose dans la gueule, une petite boule de poile brune. Un pompon blanc battait l'air, à un rythme lent.

A terre, pas plus grande qu'un chiot, une autre boule de poils brune, un peu plus foncée, reniflait le sol humide de son museau noir. Elle hésitait à avancer dans ce monde inconnu.

Une mère et ses petits. C'était peut-être le même renard que Zeik avait aperçu la dernière fois, à travers la brume.

La femelle tourna la tête vers eux, se figea. Ses petits yeux brillaient, elle craignait que les garçons s'en prennent à ses petits. Elle semblait même se raccrocher un peu plus à celui qu'elle tenait dans sa gueule.

Ni Ekel, ni Zeik ne firent un pas. Ils restèrent là où ils étaient pour ne pas l'effrayer plus qu'elle ne l'était déjà. Après un échange de regard entre l'animal et les garçons, la renarde repartit en trottinant, loin d'eux, son petit la suivant, obligé de galoper pour suivre son rythme. Ils disparurent derrière une petite colline.

Zeik avait les yeux qui brillaient d'émerveillement.

- Tu ressembles à un enfant au zoo, plaisanta Ekel. Tu es fasciné comme si tu venais de découvrir une nouvelle espèce...

L'adolescent avait un sourire figé sur le visage.

- C'est le cas, enfin presque. Il n'y avait pas de renard dans les rues de Tokyo. C'est le genre d'espèce que je ne voyais qu'en photo avant.

- Oui, ça paraît plutôt logique.

Zeik tendit la main et toucha un bourgeon du bout des doigts.

- Cet endroit est magnifique, bien plus qu'un zoo. Je préfère voir les animaux en liberté, plutôt qu'enfermé dans une cage.

La famille renard partie, ils reprirent leur marche, enjambant un petit ruisseau perdu entre les rochers.

- Tu avais des animaux chez toi avant Zeik ?

- Non, mes parents n'ont jamais voulu.

Zeik glissa sur la mousse humide d'un rocher et se rattrapa à son copain. Il lui arracha une petite grimace lorsqu'il s'agrippa peut-être trop violemment à lui.

- C'est autre chose que les trottoirs de la ville, n'est-ce pas ?

- C'est incomparable.

- Tu n'es jamais allé à la campagne avant ?

- Une fois où deux, pour rendre visite à de la famille lointaine. Mais Je suis un enfant de la ville, l'endroit où je pouvais voir le plus d'arbres, c'était dans un parc.

Le soleil, présent jusque-là, se cacha derrière un nuage. L'ombre qui s'en dégagea offrit une nouvelle vague de froid. Zeik enfonça son nez dans le foulard gris, il avait l'odeur d'Ekel, c'était agréable.

- En enfant de la ville que tu es, quel es ton animal préféré ?

- Pourquoi tu veux savoir cela ?

Ekel grimpa sur un tronc mort recouvert de mousse et de champignon. Il tendit la main pour aider Zeik à en faire de même.

- La première fois que je t'ai embrassé, tu as dit que l'on ne se connaissait pas assez. Alors j'apprends à te connaître.

- Connaître mon animal préféré va t'aider ?

L'étudiant haussa les épaules, visiblement amusé.

- Tous les détails sont importants. Alors ton animal ?

Zeik regarda le ciel. Les nuages étaient de plus en plus nombreux, transformant le bleu céleste en un blanc neigeux.

- Je dirais l'oiseau.

- Un en particulier ?

Il secoua la tête.

- Non. Les oiseaux en général.

Ils descendirent du tronc d'arbre et continuèrent leur chemin.

- Pourquoi cet animal en particulier ?

- C'est un véritable interrogatoire ma parole !

Ekel rigola. Il prit Zeik dans les bras et le chatouilla pour l'embêter, avant de l'embrasser dans le cou.

- Alors, pourquoi ?

Zeik leva une nouvelle fois les yeux vers le ciel. Un oiseau passa au-dessus d'eux, loin au-dessus de la cime des arbres sans feuille.

- Au Japon, j'aimais aller à la fenêtre de ma chambre pour les regarder voler. Je trouvais merveilleux qu'ils puissent aller si haut, au-dessus des buildings. Quand je les regarde, ils me donnent l'impression d'être libre, sans aucune limite.

- C'est beau...

Zeik le poussa.

- Ne te moque pas !

Éloigné de lui, Ekel lui jeta un regard faussement méchant.

- Je ne me moque pas. Je le pense vraiment. Tu devrais te lancer dans l'écriture. La poésie ou les romans... quelque chose de romantique.

- Romantique... Comme notre histoire ?

- Tu aurais peut-être un succès fou en l'écrivant.

- Je ne sais pas.

- Pourquoi pas ?

Zeik retourna prendre la main du jeune homme.

– Ton animal préféré à toi, c'est quoi ? Demanda-t-il, revenant à leur sujet initial.

– Je n'en ai pas vraiment. Je dirais tous les animaux qui attirent mon regard pour les prendre en photo.

– Il doit y en avoir beaucoup.

– Quelques un, en effet.

Mais si tu devais vraiment en choisir qu'un seul ? Ça serait lequel ?

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant