Chapitre 38

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Zeik marchait les yeux perdus dans le vide.

Les cours de la journée, il ne les avait que peu écouté. Ou plutôt, il ne les avait pas entendus. Dans ses oreilles régnait un perpétuel bourdonnement. C'était comme si un essaim d'abeilles volait autour de sa tête. Un bourdonnement alimenté par les rires, où seuls résonnaient certains mots. Des mots qu'il entendait dans chaque couloir qu'il traversait.

Ajouté à cela le fait qu'il n'était jamais libre. Toujours sa mère ou un surveillant qui épiait le moindre de ses gestes. Il se sentait plus observé qu'un détenu de prison.

Dix-sept heures dix. L'adolescent pouvait au moins se réjouir que les cours soient terminés.

Les élèves, peu à peu, quittaient l'établissement. Lui, rêvait de partir, rentrer chez lui, s'enfermer dans sa chambre, s'isoler. Être seul, dans le noir. Il en rêvait depuis qu'il avait quitté son lit, le matin même. Ce rêve semblait si lointain, si inaccessible.

Une heure ou deux à rester encore dans ce lycée. Sa mère avait du travail. Un tas de copies à corriger de ce qu'elle avait dit et lui, il devait l'attendre. Zeik s'arrêta devant son casier. Il ne savait même pas quel cahier poser, ni quel manuel prendre. Son emploi du temps n'était qu'un vague souvenir dans sa tête. Perdu au milieu du reste. Il allait faire le code de son cadenas, quand son geste resta suspendu en l'air.

Il regarda...

Sur la porte de son casier bleu, le numéro sept, écris au marqueur noir, bien visible, tous les mots qu'il avait toujours cherché à éviter. « Monstre », « erreur », ou encore simplement « homo » et toutes ses variantes blessantes et péjoratives. L'attaque fut mentale et non physique, elle lui fit le même effet qu'un coup de poing dans le ventre, ou une gifle de son père.

C'était tout aussi douloureux.

Il le regarda une nouvelle fois la porte de son casier, sentit les larmes lui monter aux yeux. Il ne devait pas pleurer pour cela. Il devait se montrer plus fort que de bêtes écritures au marqueur noir.

Il le devait.

D'une main qui ne pouvait s'empêcher de trembler, il ouvrit enfin son casier, posa et prit les affaires qu'il fallait et partit en claquant la petite porte de métal. Dans la précipitation, il en oublia de refermer son cadenas.

- Tes cours sont terminés depuis presque vingt minutes et tu n'arrives que maintenant ?

Sa mère releva les yeux de ses copies, pour regarder son fils entrer dans la pièce.

- Tu étais où ?

- A mon casier.

Zeik s'assit sur une chaise et laissa son sac tomber lourdement au sol.

- A ton casier ? Il t'a fallu vingt minutes pour prendre tes affaires ?

L'adolescent fixait ses pieds. C'était toujours plus facile à regarder que sa mère.

- Je pensais que papa et toi ne vouliez plus me parler. Tu as changé d'avis ?

- C'est ton père qui ne veut pas tant qu'il n'aura pas obtenu les excuses qu'il souhaite. Je n'ai pas pris cette décision-là personnellement.

- Est-ce que cela veut dire que... tu m'acceptes ?

- Seulement que je veux bien te parler.

Yuki Kaîda reprit son stylo, se concentra à nouveau sur son tas de copies.

- J'avais peur du monde qui m'entourait, mais je le pensais tout de même plus tolérant que cela...

- Tu n'as pas des devoirs ?

- Si, peut-être.

- Alors fait-les.

Elle évitait le sujet...

Zeik, avec un soupir, ouvrit son sac, prit son agenda. Il n'avait rien écrit dedans. Des devoirs il en avait, c'était certain, il ignorait juste lesquels.

Un oiseau vint se poser sur le bord de la fenêtre. Il piailla deux ou trois fois, attirant l'attention du garçon. Quand il s'envola, Zeik voulu partir avec lui. Ouvrir la fenêtre et s'enfuir, loin vers l'horizon, comme cet oiseau.

- Tes devoirs Zeik !

A cet instant, il était plus semblable à une perruche en cage, qu'à cet oiseau. Ce petit moineau, libre d'aller où il voulait.

- Dépêche-toi.

Zeik prit un cahier, au hasard.

– Pourquoi vous avez dit à la police que je n'avais pas pris mon portable ? Je l'avais et vous auriez pu m'appeler, à n'importe quel moment. Vous avez aussi menti... Pourquoi ?

Sa mère releva les yeux vers lui. Elle sembla hésiter, un instant.

– Pour te faire réaliser la gravité de ton acte. Tu as fugué Zeik ! J'espère que tu ne feras plus une telle chose, c'est bien compris ?

– Il existait tant d'autre manière plus calme de me le faire comprendre...

– Zeik, t'es devoirs.

Il se pencha enfin sur son cahier. Le pire dans cette journée c'était qu'il ne l'avait pas vu, lui... Pas une seule fois.

Ekel...

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant