Chapitre 49

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Ekel s'assit au sol. Il enroula ses bras autour de ses jambes remontaient contre lui. Dans cette position il ressemblait à un enfant sans défense et non à l'adulte de vingt ans qu'il était.

- Tu m'en veux ? Tu crois que je t'ai abandonné ? Ce n'est pas le cas !

Ces mots semblaient pleins de sentiments et sincères. Pourtant, Zeik avait du mal à l'accepter. Il ressentait un goût amer dans sa bouche. Un goût qui le faisait douter.

- Pourquoi je devrais te croire, après quoi ? Deux mois de silence ?

Ekel ne levait même plus les yeux vers lui. Il fixait ses chaussures. Des deux garçons, il était difficile de voir lequel était réellement le plus âgé.

- Cela ne concerne pas seulement toi. Mickey n'avait pas de nouvelles non plus. En fait, personne n'en avait.

- Je sais.

L'étudiant se mit à se balancer sur lui-même, d'avant en arrière.

- Je ne voulais pas en parler...

Toute son attitude trahissait une tristesse enfouit en lui, des larmes qui essayaient de couler, mais qu'il retenait. Zeik le voyait, pourtant il était en train de se fermer à lui. Il le rejetait alors que, en plusieurs semaines, il n'avait cessé de l'espérer, de vouloir le revoir, de l'imaginer. Il était contradictoire avec lui-même, ce qu'il avait voulu... ce qu'il voulait toujours au fond de lui.

- Je crois que je n'étais pas prêt à l'accepter, reprit Ekel, en murmurant presque.

Zeik fit tourner le ballon entre ses mains. Il était un peu perdu. Face à Ekel, ce qu'il ressentait. L'étudiant était sur le point de parler, mais c'était douloureux. Il hésitait.

- J'ai... j'ai perdu ma mère Zeik, finit-il par dire.

Il releva les yeux vers l'adolescent. Des yeux embués par les larmes. Des gouttes d'eau salées qui prouvaient sa sincérité. Elles s'étaient finalement mises à couler, sans qu'il ne puisse plus les retenir.

- Elle était malade... depuis des mois. Une maladie qui ne cessait de s'aggraver, jour après jour. Quand je t'ai amené chez mon oncle, il ne lui restait plus qu'un mois à vivre, tout au plus.

- Quand tu étais avec moi...

Ekel fit un geste de la main, comme s'il voulait chasser quelque chose.

- Je ne voulais pas le croire. Chaque fois que je la voyais je me disais qu'elle allait guérir. C'est pourquoi je persistais à garder mes sourires, ma joie. Je niais toute réalité. Ces trois jours avec toi m'ont permis de l'oublier, cette réalité. Je me sentais bien. Mais je savais qu'au moment où je reverrai ma mère, je réaliserais.

- C'est pour cette raison que tu ne m'as pas amené chez toi ?

Ekel hocha la tête.

- Cela faisait deux semaines que je n'avais pas remis les pieds chez moi. J'avais trop... peur ? La discussion, avec mon oncle, elle était pour toi, mais elle m'a fait réaliser que, moi aussi je devais rentrer. J'ai retardé ce moment, d'une journée supplémentaire. Juste une où je voulais encore fuir la réalité. Puis je suis rentré, après t'avoir déposé. Là je n'avais plus le choix, je ne pouvais plus rien nier. J'étais en face d'elle et je voyais... Elle ne guérirait pas. Il n'y avait plus d'espoir...

» La dernière volonté de ma mère était de revoir son pays natal. Elle aimait la France, mais c'est en Russie qu'elle voulait finir ses jours. Nous sommes parties, et nous avons tous passé ses derniers jours autour d'elle, là-bas. On a essayé d'être joyeux parce qu'elle le voulait. Une joie qui n'était qu'illusion, comme ton pseudo couple avec Sâme. C'était douloureux pour la famille. Mais ma mère était contente de nous voir ainsi. Les médecins disent qu'elle n'a pas vraiment souffert grâce à ça.

» Après l'enterrement, on est resté en Russie, avec la famille. Le temps de, je ne sais pas, se réconforter, d'essayer de s'en remettre. Mais il faut beaucoup de temps pour vraiment s'en remettre. Je voulais rentrer. Je n'ai pas assez grandi en Russie pour avoir une quelconque attache avec ce pays. Les souvenirs avec ma mère son ici, dans ce pays. C'est ici que je devais faire mon deuil. Mais mon père voulait que je reste, chaque jour un peu plus.

» J'ai fini par rentrer, contre son avis. Je n'en pouvais plus d'être là-bas. J'étouffais...

Ekel lâcha un rire nerveux.

- Mon père a décidé de lâcher son boulot ici. Il va rester habiter en Russie, avec mes deux sœurs. Elles, elles n'ont même pas eu le choix. Il voulait rester au plus près d'elle je pense, de sa mémoire... J'ai perdu ma mère et mon père est loin à présent. Il ne reste que moi ici.

Zeik laissa retomber son ballon. Il s'assit par terre en face de lui.

- Tu aurais dû rester avec eux.

- Ma vie est ici. Mes études, mes amis, toi... je ne peux pas tout abandonner aussi facilement. Je reverrais ma famille, en vacances ou mes sœurs reviendront vivre ici quand elles pourront, mais je laissais trop derrière moi si je quittais la France définitivement.

Lui... Au fond de lui, Zeik ne put s'empêcher de se sentir flatter. Ekel était rentré pour lui ? C'était suffisant pour chasser tous les doutes et la colère envers l'étudiant qu'il avait pu avoir.

– Tu sais, deux jours avant de mourir ma mère m'a dit une chose. « Je suis fière de ce que tu es mon fils. Vit ta vie comme tu l'entends, c'est tout ce que je te demande. Suis ton propre chemin... ».

Il fit un pâle sourire.

- Au fond je savais ce que cela signifiait vraiment. Ma mère acceptait totalement et sans remords le fait que je sois gay. Je pense que... c'était la plus belle chose qu'elle pouvait me laisser.

Zeik ne le laissa pas parler plus longtemps. Il alla jusqu'à lui et l'embrassa. Enfin, il pouvait le faire. Il n'avait plus besoin de l'imaginer, il pouvait réellement l'embrasser. C'était si différent qu'avec Sâme.

- Excuse-moi d'avoir douté de toi...

Malgré ce qu'il ressentait, Ekel fit un sourire. Cet adolescent lui avait manqué. Ils se retrouvaient enfin, tous les deux, c'était ce qu'ils voulaient.

A son tour, il l'embrassa.

- Ne me laisse plus Ekel, s'il te plaît.

- C'est promis !

Ils étaient au milieu du petit gymnase. N'importe qui pouvait rentrer, les voir. Pourtant, ils ne s'en préoccupaient pas. Ils s'embrassaient, plus passionnément qu'ils ne l'avaient déjà fait.

- Zeik, tu me crois si je te dis que je t'aime ?

- Je crois que oui !

Fin de la troisième partie

Un jour ils comprendrontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant