D'un air soulagé, Avalone regarda son coton d'hygiène intime avant de la mettre dans la cuvette, puis elle tira la chasse d'eau, contente de voir que ses règles étaient finies. Elle ne saignait pas, elle aurait voulu dire jamais, mais ce petit écart à la règle, la ferait mentirai. En vingt un an d'existence elle n'avait pas vu son propre sang pour la première fois si ce n'est le jour où elle avait couru rejoindre sa mère dans la cuisine pour lui parler de ce nouveau saignement qu'elle subissait entre les cuisses. Elle était en larmes ce jours-là, complètement en proie à une panique avec juste raison, car elle ne saignait pas. Elle était tombée un bon nombre de fois, en faisant du vélo, ou en se disputant à l'école avec des camardes de primaire un peu trop dérangeant, mais jamais elle n'avait saignée, et depuis cette année de ces treize ans, elle subissait chaque mois, à la même période, le même saignement.
- Ce sont des menstruations, et c'est tout à fait normal mon trésor. Lui avait expliqué sa mère en se retenant de rire devant sa mine complètement défaite.
Deux jours, pas un seul de plus, à défaut d'avoir plus important à faire, elle s'était même prise à regarder les heures auxquels tout cela commençait, et quand tout partait à son plus grand bonheur, et le résultat avait toujours été le même : deux jours, quarante-huit heures, deux mille huit cent quatre-vingt minutes, à la seconde près. Son organisme était réglé encore mieux qu'une montre suisse.
Hésitante, elle regarda l'eau tournoyer dans la cuvette, jusqu'à disparaitre avec son maigre contenu. Elle releva alors son regard vers la psyché, posa ses lentilles de contact, se brossa les cheveux même si elle n'en avait pas vraiment besoin, puis enfila ses bottes à semelles plates. Elle était du genre à penser que les escarpins étaient le nouvel instrument de torture que les hommes avaient trouvé pour faire constamment souffrir les femmes. Sinon comment expliquer que les meilleurs créateurs en la matière soient des hommes ? Et elle, elle n'avait pas d'homme dans sa vie, ou du moins elle n'en n'avait plus un qui en vaille la peine, au point qu'elle monte sur ses échasses pour lui faire plaisir. Jackson était parti ce matin, et elle était de nouveau seul. Si seulement elle l'avait suivie, se dit-elle avant de se souvenir qu'il y'avait la remise de diplôme ce matin-là, et le vol de ce dernier ne pouvait être reporté.
Après une dernière retouche, elle enfila un chandail, prit son sac à main, regarda sa robe noire qui lui descendait juste en bas des genoux, sans rien montrer. De toutes façons qu'avait-elle à montrer appart quelques petits bourrelets, des hanches trop pleines, des fesses trop rondes, et des seins d'un bonnet D qu'elle trouvait un tantinet trop gros ? En somme, rien de ce que demandait les normes de la mode de nos jours. Sa porte refermée, elle descendit à vitesse normales les trois étages qui la menait jusqu'en bas de son immeuble, et prit la direction de sa soirée. Si seulement elle savait ce qui allait arriver, peut-être serait-elle restée chez elle bien au chaud sous un plaid à regarder un film en streaming jusqu'à s'endormir, mais même si elle avait fait cela, aurait-elle pu changer quelque chose au tournant radical qu'allait prendre sa vie ? Sans doute pas...
Son sac fermement tenu contre elle, elle marcha le long du trottoir avec la désagréable impression que quelque chose la suivait, quelque chose, ou quelqu'un.
Non, ça n'allait pas recommencer...
Elle ouvrit alors son sac, et fit sortir ses médicaments qu'elle avala sans eau, de toutes façon elle n'en avait pas besoin. Plus elle marchait, et plus la sensation s'éloignait, signe que les médicaments faisaient leurs petits effets sur son cerveau de folle. Peut-être était-ce pour cela qu'elle n'avait pas d'amis, pour cela qu'elle avait étudié la psychologie, pour cela qu'on la voyait comme la marginale à l'université, pour cela qu'à force d'être tout le temps seul, elle s'était investie dans ses études au point de devenir major de sa promotion, pour cela qu'on la détestait tant, qu'on se moquait d'elle. Ou peut-être tout ceci, elle l'avait seulement vu à cause de son esprit malade.
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BLACKBURN SANGRE ( La musique du sang)
VampirosVingt-un an qu'elle vivait en retrait, vingt-un an qu'elle regardait le monde par un trou de serrure, vingt un an qu'elle avait l'impression de ne pas compter, de ne pas voir les mêmes choses que tout le monde, vingt un an qu'on lui répétait qu'elle...