CHAPITRE 52

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Utilisant la colère qu'il ressentait contre lui-même pour éviter de penser à sa soif, Gabriel s'enfonça au plus profond de la forêt, en entendant juste à moins d'un mètre de lui Darique qui l'accompagnait. Il se sentait si sale. Tout ce qui venait de se passer était de sa faute, absolument tout. Commencer quoi que ce soit avec Avalone avait été une erreur, penser pouvoir gérer la situation était une erreur, renier Elisabeth était une erreur, car maintenant savoir qu'elle était vivante, ne lui facilitait pas les choses. Sa faim jadis contenue par le fait qu'elle ne pouvait être étanchée, était devenue de plus en plus grande, maintenant qu'il savait le contraire.

- La cabane. Entendit-il murmurer derrière lui.

Il tourna alors, et prit la direction que lui avait indiquer Darique. Et très vite, il arriva, ouvrit la porte par la pensée en trouvant à l'intérieur le médecin qui l'attendait le matériel déjà préparé. Il vit les poches de sang accroché à l'immense chaise en bois qui n'existait pas en cette pièce, il senti l'odeur du fer, et sa faim gronda comme jamais. Au lieu de s'asseoir pour subir ses transfusions comme il le faisait depuis quelques temps, il arracha l'une des poches de son emplacement, y planta ses canines, et aspira d'un seul coup le contenu avant de jeter le sachet vide sur le sol pour en reprendre un autre. Il buvait, il sentait un certain soulagement, mais le feu n'était pas éteint, alors il continua, poche après poche, sang frais et pur sur sang frais et pur, absorbant tout, mais il était comme un tonneau percé. Il avait beau le remplir qu'il n'en serait repu. Aussi il se mit à penser à Elisabeth, il brûlait littéralement de l'intérieur, il sentait ses cellules s'atrophier, puis exploser par manque de cette substance salutaire qui coulait seulement dans les veines de la femelle qui lui était dédié, il lui suffisait donc, de juste l'appeler, et toute cette souffrance prendrait fin. Aussi il ferma les yeux, la rechercha au travers du lien de sang qu'il avait un jour partagés, et il trouva le fil qui menait à elle, aussi son excitation grimpa, il ne restait plus qu'à dire un seul mot, et elle apparaitrait dans la seconde pour lui donner sa veine, et tout ceci serait finit. Un seul mot, mais il ne put aller jusqu'au bout, et même ça, ça le mettait dans une sombre rage. Il ouvrit les yeux, regarda les poches de sang qu'il y'avait encore dans la glacière, et défaut de pouvoir se trouver autre chose, il continua à se nourrir de la façon que tout membre de la race trouvait dégradante. Et en moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, Gabriel vida toute les poches de sang, et son corps complètement immergé dans tout ce flot d'hémoglobine lui permit d'oublier le fait que cela ne correspondait pas à ce qu'il voulait. Son corps se détendit, sa colère reflua, et il revit avec encore plus d'intensité les actes qu'il avait commis, et sa tristesse devint plus grande encore. Arrêté dans la cabane éclairée par plusieurs bougies, il regarda à ses pieds, les deux cents poches de sang vides qui jonchaient le sol, il releva les yeux, et vit Darique qui l'observait toujours sur ses gardes en l'étudiant pour s'assurer que tout allait bien. Le médecin ramassa les déchets, et plia bagage sans un mot, puis referma la porte derrière lui, laissant les deux mâles dans la petite pièce.

- Ça ne pourra pas continuer comme ça plus longtemps. Déclara Darique au bout d'un long silence.

- Elle est à moi. Se contenta de répondre Gabriel en comprenant là où il voulait en venir.

- Non Gabriel, elle est à Kaheel, et tu le sais. Contra Darique en le tutoyant, chose qu'il ne faisait que lorsqu'ils étaient seuls. – Tu as beau avoir pris son corps, son sang lui, n'est pas tien, et persister à penser que ce détail n'est pas important ne vous fera que du mal à tous les deux. Elle, elle finira par tomber malade de ne pas l'avoir à ses côtés, cela tarde à venir uniquement parce qu'il n'a pas eu le temps de prendre sa veine, mais tu sais que ça viendra. Et même si ce besoin de la part de la femelle ne se fait pas sentir dans l'urgence, toi, combien de temps vas-tu encore tenir ? Tu as certes tenu plus longtemps durant cet éveil, mais ta faim devient incontrôlable, et la première personne en ligne de mire c'est elle. Tu sais que tu ne pourras pas te retenir à chaque fois, tout comme tu sais ce qui arrive à l'organisme d'un immortel lorsqu'il ne se nourrit pas, aussi, après la brûlure que tu ressens, d'ici quelques temps tu seras si faible que même réfléchir deviendra impossible. Pour le moment tu es lucide, alors profites-en pour prendre les meilleures décisions possibles.

BLACKBURN SANGRE ( La musique du sang)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant