Depuis les premières marches, Avalone regarda Nalla remonter dans sa voiture, puis ouvrir la route à la fourgonnette noire qui contenait en son sein les quinze emballages du repas de Gabriel. Les pieds salies suite à sa promenade dans les bois avec la sœur de ce dernier, Avalone, ouvrit la porte de manoir pour y pénétrer, laissant derrière elle la liberté. Elle était une prisonnière qui avait sous le nez la porte de sortie, sans pouvoir la prendre. Les yeux fixant ses petits orteils noircis par endroit, elle monta les marches qu'elles connaissaient à présent pour rejoindre sa chambre, en ouvrant la porte de celle-ci, elle tomba sur la nuque de Gabriel qui avait repris sa place d'observateur devant la fenêtre.
- Qu'est-ce que je vous avais dit ? Lui demanda-t-il froidement quand elle eut fait quelques pas pour se mettre au beau milieu de l'immense pièce.
Elle s'immobilisa tandis que son sang se mit à battre dans ses tympans. C'était comme si elle avait pénétré dans l'espace personnel du vampire, et ce nouvel endroit était sombre, et glacé. Un frisson la balaya quand la tension que créait la colère de Gabriel devint plus oppressante. Apeurée, elle n'arrivait plus à bouger, et c'est le regard flou de larmes qu'Avalone vit Gabriel se lever lentement pour lui faire face. Elle était comme la mouche prise dans la toile d'araignée.
Il avança jusqu'à elle, et elle baissa immédiatement les yeux et la tête comme s'il le lui avait ordonné. Le regard qu'il dardait sur elle était lourd à tel point qu'elle se mit à prendre de profonde respirations rapides comme si elle avait des difficultés respiratoires. Elle réfléchit à vive allure, et comprit là où il voulait en venir.
- Qu'est-ce que je vous avais dit ? Réitéra Gabriel sur un ton sombre.
Complètement en proie à la panique, Avalone ne sentit pas les larmes dévaler ses joues. Le danger qui émanait du vampire en face d'elle, était si grand qu'elle tomba sur ses genoux, avant de s'asseoir sur ses talons la tête toujours baissé, et ses larmes gouttant sur le sol. Elle suffoquait, comme si l'air manquait dans la pièce.
- Je...ne...je ne devais plus me rendre dans la forêt, réussit-elle à bafouiller dans un sanglot.
Il ne l'avait pas touché, et il en était même loin. Les mains du vampire étaient dans son dos, il ne faisait que la fixer de ses pupilles rouges, et elle avait l'impression qu'il la maintenait au sol avec un lourd objet en plus d'avoir la tête recouverte d'un sac plastique.
- Et m'avez-vous écouté ? Demanda l'être vieux de plusieurs millénaires d'une voix lente et froide en tentant de ne pas laisser déferler toute sa colère sur la pauvre jeune femme par crainte de la tuer. Elle était le premier être vivant à n'avoir jamais remis en cause un de ses ordres, mais ce qui l'irritait le plus c'est le risque qu'elle avait pris, si jamais son frère l'avait récupéré... penser à cette possibilité accentua sa rage, et la jeune femme à genou en position de soumission devant lui en pâtit. Elle poussa un gémissement plaintif. Sa respiration devint erratique, elle avait les joues complétement rouges, sa poitrine se soulevait de façon saccadée. Il voyait à son visage défait qu'elle était sur le point de s'évanouir.
- N...non.
- Pourquoi ?
- Je suis...je...je suis désolée. Sanglota Avalone en posant la main sur son cœur comme pour le calmer, mais il n'en n'était rien. Je ne le referai plus, pardonnez-moi, mais je vous en supplie, arrêtez... l'implora Avalone, mais la douleur dû au manque d'oxygène devenait de moins en moins supportable. Elle commençait à voir trouble les chaussures noires parfaitement lustrées que portait le vampire. – Gabriel... murmura Avalone. Et là, tout s'arrêta. Le bourdonnement de ses oreilles se calmèrent, et les ténèbres refluèrent, lui permettant de respirer. Le corps parcourut de plusieurs tremblements incontrôlables, elle resta sur le sol, aux pieds de Gabriel, jusqu'à ce qu'elle entende distraitement la porte de la chambre se refermer. Elle clignant des yeux, et laissa son corps tomber sur le sol, afin d'y pleurer au mieux son mauvais sort.
Avalone resta couchée sur le sol par faute de pouvoir bouger dans l'immédiat, tout son être était plongé dans une sorte de torpeur. Lorsqu'au bout de quelques heures, elle réussit enfin à calmer les tremblements de son corps, et à ressentir de la force dans ses membres, elle se leva, les jambes toujours flageolantes, et elle tituba le visage creuser par ses larmes jusqu'à pouvoir toucher l'une des quatre colonnes de l'immense lit à baldaquin. Elle s'agrippas à l'un des montants du lit, et l'utilisa comme béquille pour en atteindre la tête et une fois que cela fut fait, elle s'assit sur le rebord, et laissa son regard dans le vide. Ses larmes coulaient toujours en silence, mais elle ne sanglotait plus, et à ses yeux c'était déjà un plus. Assise là à réfléchir sur le monde dans lequel elle vivait depuis une semaine, elle se demanda si quelqu'un la sauverait, si oui quand ? d'ailleurs quelqu'un la recherchait, comment avait-il pu expliquer ce qui s'était passer à l'asile, puis elle se mit à préférer les moments qu'elle y avait passé. Là-bas, elle avait juste à manger leur repas infect, avaler leur gelé de fruit tout aussi infecte, à avaler leur tonne de comprimés tous aussi malodorants les uns des autres, à dormir, à rester dans un coin les cheveux en batail, l'esprit brumeux, et à aller parler à un médecin qui ne la comprenait pas, encore moins ne la croyait, et qui allait pour ne pas changer, demander à ce qu'on assomme son esprit avec des médicaments de plus en plus forts. Le rêve comparer à ce qui se passait dans sa prison.
Les yeux dans le vague, la belle brune à la beauté sauvage ne faisait plus attention au temps qui passait. A l'heure où elle prenait son repas, son estomac le lui fit comprendre, mais quelque chose en elle lui disait que ce n'était pas la peine de descendre, ce soir elle n'aurait rien, alors, elle resta dans la chambre, à la même place, sans bouger. La nuit se rependit bientôt dans toute la chambre, et ses paupières devinrent lourdes, sans donc forcer, elle sa laissa tomber sur le flac, toujours assise, et là, elle s'endormie.
Le lendemain, en se levant, elle se sentait faible, affamé, et à défaut d'avoir de quoi se nourrir, elle se gorgea d'eau, fit des aller-retour incessants dans les toilettes, et recommença à boire, même si son estomac laissait passer de moins en moins de liquide. Ne disait-on pas que l'eau ne coulait que plus aisément sur la boue ? Ce ballet dans les toilettes dura donc toute la journée, et elle ne l'avait pas vu depuis leur altercation de la veille et elle ne le cherchait pas.
Il avait réussi à la mettre en bouillie avec seulement un regard, alors il n'était plus question qu'elle le cherche pour quoi que ce soit. Se convainquit-elle en enfilant la robe blanche à bretelle que lui avait envoyé Nalla une fois sa douche finie. Le vêtement était ample, lui descendait jusqu'aux orteils vus le manque d'escarpin pour la grandir. Le col en V révélait sa poitrine sans en faire trop, et la légèreté du tissu l'effleurait à chaque pas. Les cheveux défait qui lui tombaient dans le dos jusqu'au ras des fesses, elle quitta la chambre pour la salle à manger dans l'espoir d'y trouver au moins une pomme, mais il n'y avait rien, et elle n'avait pas non plus d'assiette fumante pour elle comme elle s'y attendait déjà.
Bientôt deux jours qu'elle n'avait pas mangé, et elle n'allait pas le supplier de la nourrir ! sa robe tenue dans une main pour éviter de tomber, elle posa l'autre sur la rambarde des escaliers, mais quand elle posa un pied sur la première marche, son estomac hurla sa famine, sa vision chuta un bref instant, provoquant un vague moment d'étourdissement, elle comprit alors qu'il allait lui falloir mettre sa rancune et sa fierté de côté, du moins pour ce soir.
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BLACKBURN SANGRE ( La musique du sang)
VampiriVingt-un an qu'elle vivait en retrait, vingt-un an qu'elle regardait le monde par un trou de serrure, vingt un an qu'elle avait l'impression de ne pas compter, de ne pas voir les mêmes choses que tout le monde, vingt un an qu'on lui répétait qu'elle...