Recroquevillée sur son lit à une place dans une pièce aseptisée, le regard perdu dans le vide, Avalone n'arrêtait de réfléchir, elle repensait à cette nuit, elle repensait à ces yeux, elle repensait à ce corps, elle repensait à cette voix, et elle repensait à ces policiers à qui elle avait parlé. Ils ne l'avaient pas cru, et d'une certaine façon, ils avaient fini par classer l'affaire, vu qu'il n'avançaient plus. Ils avaient près de cinq morts sur les bras, et aucun suspect, ni aucun témoin. Elle aurait pu dire elle, mais Avalone ne comptait pas. On ne pouvait pas prendre en compte les paroles d'une personne sous antipsychotiques, qui maintenant vivait dans un centre pour personnes avec quelques troubles mentaux. Après sa crise de larmes, son médecin avait décidé de la faire voir un psychiatre afin de l'aider à surmonter son traumatisme, et ce psychiatre avait à son tour décider de l'interner 72 heures pour son bien, pour qu'elle se repose, lui avait-on dit, et ces 72 heures avaient fini par se prolonger, et elle était maintenant enfermée dans cet asile psychiatrique depuis bientôt plus d'un mois, plus précisément, un mois, une semaine, quatre jours. Apparemment elle n'avait pas fini de se reposer, ou bien le monde s'était finalement rendue compte que c'était là sa place, perdu parmi toutes ses personnes dont on ne comprenait pas la manière d'être ou de penser.
- Avalone ? C'est l'heure de ton rendez-vous avec le docteur Caps. Vint l'informer l'un des infirmiers du centre. Elle se leva alors difficilement, lissa sa robe blanche qui était l'uniforme et passa devant Ted qui la fixait étrangement, mais elle n'y fit pas attention, de toute façon tout le monde se regardait de travers dans cet endroit. Les infirmiers se comportaient comme si les patients pouvaient les attaquer à tous moments, et les patients se comportaient comme si le personnel médical avait été envoyé par les extraterrestres pour les étudier, et que les médicaments contenaient quant-à eux des micro puces d'où le refus de les prendre. A force d'écouter les non-sens de ses nouveaux voisins, elle avait fini par comprendre, et quelque fois, elle se demandait si l'impression de se faire surveiller qu'elle éprouvait depuis toujours pouvait elle-aussi être imputée aux extraterrestres. Bien vite elle oublia ça, elle n'était pas folle, c'était là la phrase qu'elle se répétait à chaque fois qu'elle avalait ses médicaments en se disant que tous les patients ici devaient penser qu'ils n'étaient pas fous. Et pourtant folle ou pas, elle était logée à la même enseigne qu'Isabelle ou Georges, ceux qui l'avaient justement parlé des extraterrestres et des supposé testes sur les humains.
Le docteur Caps, un vieil homme qu'elle trouvait fort sympathique, mais qui ne la croyait pas non plus, autrement dit, un de plus parmi la longue liste. Elle venait à se demander à quoi ça servait de lui raconter toutes ses choses ? Il se contentait de noircir son carnet, et de la regarder de son air concentré, en lui disant : « continuez Avalone » et elle, elle continuait, de toute façon elle n'avait rien de mieux à faire, et c'était la seule personne saine d'esprit à qui elle pouvait parler.
En entrant dans l'antre du praticien comme elle le faisait chaque deux jours, Avalone regarda la bibliothèque qui se trouvait derrière le bureau, en se rappelant qu'elle aimait lire, mais ça remontait à une éternité qu'elle ne l'avait pas fait, puis elle continua jusqu'à la fenêtre pour regarder au dehors. Le ciel était clair, l'immense jardin sur lequel se promenait plusieurs de ses congénères luisait vu d'ici. Puis elle regarda par-delà les portes, elle avait tant besoin de partir d'ici, mais pour aller où ? Jackson était parti, il était censé l'appeler lorsqu'il aurait atterri, afin de lui donner son nouveau numéro de téléphone, mais elle n'avait pas eu le temps d'avoir cet appel, aussi ce dernier ne savait sans doute pas ce qui s'était passer. Elle n'avait pas de proche parent, personne, et son appartement avait sans doute été réattribué, et ses affaires mis dans un box quelque part elle ne savait où. heureusement qu'elle n'avait pas de plante. Le regard toujours planté vers cet ailleurs où elle voulait appartenir sans pour autant savoir où il se trouvait, Avalone se rendit compte à quel point elle était si seule, elle l'avait toujours été, et en un sens, ici au moins, elle était entourée, par des fous certes, mais c'était déjà ça, et il valait mieux des fous que personne.
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BLACKBURN SANGRE ( La musique du sang)
VampirosVingt-un an qu'elle vivait en retrait, vingt-un an qu'elle regardait le monde par un trou de serrure, vingt un an qu'elle avait l'impression de ne pas compter, de ne pas voir les mêmes choses que tout le monde, vingt un an qu'on lui répétait qu'elle...