Chapitre 60

41 5 0
                                    


Mia ouvre en souriant la portière passager. Axel a obtenu son code en une semaine. Il a tellement rêvé de pouvoir passer son permis qu'il avait plus que réviser et réviser encore depuis des années. Passer l'épreuve écrite a donc été une formalité. Et juste avant le confinement, il avait utilisé ses soirées de libres après son stage pour prendre une formation accélérée pour la conduite. Coup de chance, son épreuve s'est déroulée deux jour avant le blocage du pays.

Il y a donc un A flambant neuf collé sur l'arrière de la Corsa.

- quand cette folie prendra fin, soupire t il on ira te choisir une voiture, ma belle douce chérie...

- pourquoi me choisir une voiture?

- parce que pour me faire la main, il vaut mieux que je garde la plus vieille... tu aimerais quoi?

- une Subaru impreza! Ça rendra papa fou! Ou une Mégane RS!

- je parlais d'une voiture pour aller travailler avec les 4 pneus au sol... ironise le jeune homme qui gardait un souvenir amusé de leur dernier dimanche au circuit de Matt.

Quand Axel se gare devant leur immeuble, Mia s'était endormie. Il lui caresse doucement les cheveux quand un coup de corne de brume les fait sauter en l'air.

- ILS SONT Là!!! crie Gino.

Toutes les fenêtres s'ouvrent et chaque occupant se met à applaudir en criant des encouragements et des remerciements.

Bouleversée, Mia agite la main.

Mama Gino, entrouvre sa porte en les entendant passer sur son palier.

- ce rat de Mendès est venu menacer Hervé pour avoir le loyer, annonce t elle, je m'en suis mêlée, j'ai payé pour vous.

- oh merde, ça m'est sorti de l'esprit, bondit Axel.

- merci, sourit Mia, on se décontamine et on vous rembourse par paypal de suite... c'est vraiment gentil de votre part...

- c'est vrai Axel que tu fais le brancardier bénévolement?

- ben oui... ils manquent de bras.

- et toi Mia tu fais toutes ces heures pour un smic?

- oui, je n'ai pas fini ma formation, je ne suis qu'interne...

- hey!! écoutez tous, ce que disait Hervé était vrai!!

- sans rire??

Toutes les portes s'entrouvrent. Les gens n'en reviennent pas. Axel et Mia doivent même insister pour rembourser le loyer. Tous les habitants de l'immeuble voulaient se regrouper pour le payer pour eux. Mais comment accepter? Tous ces gens sont soit chômeur soit en chômage partiel faute d'activité... Axel explique qu'il touche, lui aussi, le chômage partiel pour son emploi au Gambrinus...

A présent, les applaudissements font partie de leur rituel de retour chez eux, au même titre que la décontamination... et des petits plats préparés par leur voisins qui les attendent sur le palier.

Une autre routine, macabre celle là, s'installe également... les ambulances ou les pompiers qui viennent régulièrement chercher des voisins en détresse respiratoire. Mia a pris l'habitude d'être appelée par leurs voisins, de leur parler à travers la porte pour les rassurer et, malheureusement, souvent devoir finir par appeler les secours. Les malades ne doivent plus sortir de chez eux, ils y restent donc et n'appellent à l'aide que s'ils ne parviennent plus à respirer... Les personnes âgées confinées dans les appartements trouvent vraiment du réconfort quand Mia vient frapper et, sans qu'ils ouvrent, leur demande des nouvelles de leur santé, de leurs proches...

Le temps semble s'étirer sans fin, les médicaments rejoignent les masques et les gants dans la liste des choses indispensables qui manquent...et les gens meurent... meurent... pendant que les équipes soignantes s'épuisent.

Mia est en pause ce jour là, à sa place habituelle, juchée sur un petit rebord de fenêtre devant l'entrée des urgences, pour essayer d'attraper quelques rayons de soleil. Son portable sonne.

- oh, Natacha, je suis en pause, ça va me faire du bien de parler italien au soleil, comme si tu m'offrais des vacances!!

Mais sa tante n'est pas porteuse de bonnes nouvelles... En Italie plus encore qu'en France, ce virus infernal décime la population. Et Natacha vient d'apprendre que son mari a fait un malaise alors qu'il travaillait à l'hôpital de Padoue. Il est porteur du virus et vient d'être placé sous assistance respiratoire. Ils ne s'étaient pas vus depuis des semaines, lui travaillait à Padoue et elle à l'hôpital de Venise... non stop...

Mia parle longuement avec sa tante. Elle a décidé de faire quelque chose de déraisonnable, aller le rejoindre, tan pis pour le risque de contamination... ces deux là s'aiment si fort, pas moyen que Jo meure tout seul.

Et c'est ce qu'elle fait... entrant en douce sans se soucier de ses 62 ans et bravant la colère du médecin qui la découvre blottie contre l'épaule de son homme inconscient. Elle joue sur la renommée de son mari et obtient un statu quo, le droit de ne pas le quitter. Bien sur, elle est vite  contaminée mais heureusement ne développe pas de symptômes sévères.

À Padoue aussi le temps s'arrête... comme dans tous les hôpitaux, les pulsations cardiaques des patients sont l'unique indicateur que la vie continue. Et Skype permet de garder des liens.

Un matin, Natacha ouvre un œil et croise le regard de jais de son homme. Jo n'a pas décidé de baisser les bras... Il n'a plus besoin d'assistance respiratoire. Skype, pour une fois, relaie une bonne nouvelle à toute la famille.

Mia dévale les escaliers de l'hôpital et trouve son fiancé endormi assis par terre contre un mur dans un recoin des urgences.

- Axel!!!

- heu... oh merde, je suis tombé comme une masse... heu... quoi ma chérie?

- Tonton Jo, il va mieux!! il respire sans assistance!! mon oncle va s'en sortir!! oh lala!!

Elle se laisse tomber près de lui, ils se serrent l'un contre l'autre.

- comment ça fait du bien une bonne nouvelle!!!

Un autre interne passe et demande la raison des cris qui résonnent. Bientôt tout le service se réjouit et savoure une bonne nouvelle... chose rare...

De retour à l'appartement, les communications avec la famille ne parlent que de ça. Enfin, comme les élections municipales ont été reportées à cause de l'épidémie, Matt rappelle quand même à Mia d'aller s'inscrire sur les listes électorales. Un débat s'en suit, cela vaut il le coup de risquer de se faire contaminer ou de contaminer quelqu'un pour aller voter? Hervé tranche que non, puisque de toute façons les hommes politiques ne s'occupent que de leurs intérêts. Cette soirée là passe très vite, chacun derrière son ordinateur ou sa tablette pour en débattre.

Et finalement, Mia se lève le lendemain pour aller s'inscrire. Axel lui n'a pas la force d'ouvrir un œil!

Il faut y croire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant