Ce jour de fin mai, premier jour depuis l'arrêt des cours, est la pire journée à l'hôpital de sa vie... Mia, comme tous ses collègues, ne sait plus où donner de la tête, mais alors qu'elle descend chercher un patient, elle s'immobilise en croisant un regard noisette derrière un masque. Axel!! Axel qui pousse un malade sur un brancard!! Plus rien n'existe autour d'eux, elle le chope par la manche de sa blouse et l'embarque vers le recoin des ascenseurs.
- Mia?? Quoi??
- qu'est ce que tu fous???
- ben, il y a le feu, tu vas bosser comme une dingue, alors j'ai proposé mon aide, je sais rien faire niveau médecine mais ils ont trouvé que mes bras pouvaient aider, je vais faire le brancardier...
- tu vas... tu plaisantes, tu vas choper cette merde!!
- ben, je fais bien comme le boss du service a dit, et puis, je crois que tu risques aussi de la choper...
- c'est mon métier!! c'est mon choix!!
- écoute Mia, j'ai décidé ça sur une impulsion ce matin et je vais continuer... pas moyen que je glande à l'appart pendant que tu te bagarres ici... j'ai prévenu que je viendrais en même temps que toi et repartirai pareil... ils s'en foutent puis que je demande pas de paye, chaque heure ici est un plus pour eux.
- tu vas risquer ta peau sans même être payer??? pour pas glander à la maison????
- mon malade m'attend, et toi, tu avais l'air pressée, ne te fâches pas ma belle douce chérie... juste passe me chercher quand tu pars...
- je... je ne sais pas quand je vais partir...
- et ben pas de soucis... juste m'oublie pas... et pardon de ne pas t'avoir prévenu... bisou?
Il pose doucement ses lèvres sur les siennes en ayant doucement relevé son masque. Mia reprend péniblement ses esprits.
- tu rigoles??? on ne peut pas se rouler des pelles comme ça, c'est pas sérieux!! on doit changer de masques maintenant et y en presque plus...
- pardon... pardon... je t'aime...
Son regard de chien battu la fait fondre.
- je t'aime aussi, soupire t elle, mais fais attention à toi, bien attention...
- oui Madame...
- tiens, un nouveau masque...
Elle le lui met avec des gestes d'une tendresse infinie, les yeux dans les siens.
- fais attention...
- toi aussi.
Ils s'écartent difficilement et le tourbillon des soins les happe de nouveau. Mia apprécie finalement de croiser son homme dans les couloirs. Il entre en poussant un vieux monsieur quand il la remarque.
- voilà monsieur, vous êtes arrivé.
- merci jeune homme. Vous m'avez bien fait rigoler... mais je crois qu'ici ça va être moins drôle...
- vous voyez cette jolie doctoresse la bas? C'est ma fiancée, et je vous promets que c'est une véritable fée... ne vous inquiétez pas...
- vous avez bon goût jeune homme...
- et moi aussi, sourit Mia en s'approchant, allez file brancardier de mon cœur, tu ne dois pas traîner en zone confinée, comment allez vous Mr?
Il est presque minuit quand Mia se dirige vers l'accueil en chasse de son fiancé. Elle le trouve occupé à réceptionner une personne amenée par les pompiers. Elle le regarde écouter attentivement les consignes, puis parler gentiment au patient.
- tu as fini? Demande t il, moi, j'ai une arrivée...
- je vais donner un coup de main à l'accueil, ne t'inquiètes pas...
Mia se met à la régulation ce qui permet à une infirmière d'aller prendre une pause.
- j'ai fini!!
Elle l'embarque vers leurs vestiaires et supervise leur décontamination avec le plus grand sérieux en lui expliquant qu'ils doivent faire attention à Hervé.
- j'ai droit à un bisou maintenant?
- oui!
- hey, prenez une chambre!! s'amuse un interne qui passait.
- filons!! tranche Axel.
Cela sera leur quotidien pendant les semaines suivantes, l'afflux de patients rendra tout bien plus compliqué.
Cet après midi là, Axel qui ne sent plus ses bras, remarque sa fiancée en larmes dans un recoin de couloir. Il accélère le pas, confie son brancard à un autre type aussi épuisé que lui et retourne sur ses pas.
- Mia?
- oh Axel...
Elle se jette dans ses bras secouée de sanglots convulsifs. Le chef du service réanimation passe par là.
- que se passe t il?
- je ne sais pas, répond Axel, je l'ai trouvée cachée dans ce petit coin... en larmes...
- vous êtes là depuis quelle heure?
- 8h00...
- il n'est que midi...
- 8h00 avant hier... précise Axel la mine sombre.
- rentrez chez vous.
- non, non chef... hoquète la jeune femme, ils ont besoin d'aide... les gens meurent... non excusez moi... ça va aller...
- non, tranche le chef, non, ça ne va pas aller...
- il y avait un respirateur qui venait de se libérer... tente d'expliquer la jeune femme, le monsieur venait de décéder, je courais pour aller chercher une petite dame en détresse depuis hier... je suis arrivée trop tard, elle était morte... morte toute seule dans son couloir... je suis arrivée trop tard...
- hey, Mia, vous n'y êtes pour rien, personne n'y peut rien... les responsables, ce sont nos dirigeants qui ont asphyxié l'hôpital depuis des années. Mais ça, ça se réglera après la pandémie. Je vous donne l'ordre de rentrer chez vous, tous les deux, vous prenez vos 48 heures de repos et on se revoit ensuite. Sans discussion.
- allez viens chérie...
Ils croisent Christian qui prend sa garde avec l'air de quelqu'un qui part au front. Mia lui fait un rapide topo des cas en cours de soins, sans se faire d'illusion, dans 48 h beaucoup seront morts.
- j'appelle Hervé, pour qu'il se colle dans sa piaule le temps qu'on se décontamine à nouveau en arrivant... soupire Axel, qui a retiré toute sa tenue avant de passer sous la douche.
Mia fait pareil puis ils remettent leur vêtements civils qui font la navette entre l'hôpital et l'appartement. Vêtements qui restent sur le palier chaque soir.
Ce rituel rythme leurs allers et retours depuis bientôt trois semaines, et a, pour l'instant, réussi à épargner leur colocataire. Ils ne veulent vraiment ne pas ajouter ce virus à son problème d'épilepsie.
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Il faut y croire.
RomanceLui, il a été battu par son père, fichu dehors à 17 ans... Il s'en sort, finit ses études pour devenir ingénieur et avoir une belle situation, ne plus tirer le diable par la queue, quitter enfin les quartiers nord de Marseille... Elle, e...