Ils se taisent finalement, les yeux dans les yeux à travers leur masques. Leur vision est déformée par le plastique incurvé et cela les fait rire.
- est ce que tu vas bien, maintenant? Demande t il tout doucement, est ce que le bébé va bien?
- je vais mieux, j'ai presque plus de courbatures et de douleur en respirant, plus de fièvre du tout. Et la bonne nouvelle, c'est que toi et moi, maintenant qu'on l'a eu cette saleté, on est immunisé...
- cool.
- et le bébé... notre bébé doit être sacrément costaud, ils m'ont fait passé une échographie en urgence, il a résisté à la fièvre, au manque d'air et au virus...
- encore cool.
- mais figure toi qu'avec le feu à l'hôpital et la fatigue j'ai fait un déni de grossesse...
- c'est quoi?
- c'est quand tu es tellement persuadée que tu peux pas être enceinte que ton corps fait comme si de rien était... en fait, ça fait trois mois et demi que je porte notre enfant.
- trois mois??? mais ça... ça se peut pas, ça devrait se voir.
- presque 4... ben, le médecin m'a expliqué que quand on fait un déni de grossesse c'est comme si le bébé se cachait et se faisait tout petit... attends...
Mia retire de nouveau son masque pour pouvoir se lever précautionneusement . Une fois debout juste devant son homme, elle remonte son tee-shirt et dévoile un mignon petit ventre de femme enceinte.
- oh... oui, il ne se cache plus... tu es si jolie... oh Mia, tu es tellement tellement adorable...
- je te plais?
- oui... vachement!
Axel pose tout doucement sa main sur son petit ventre. Elle le sent trembler. Il repousse le masque en casquette sur sa tête et prend ses lèvres tendrement, encore encore encore et encore. Elle finit par le repousser en cherchant de l'air alors que lui commence à avoir les lèvres bleues. Ils restent silencieux un bon moment, juste occupés à s'oxygéner, chacun revenu sur son lit.
- ils m'ont fait une prise de sang, tout va bien, et puis, j'ai eu la première échographie hier... ils m'ont promis qu'on pourrait y retourner quand tu sortirais du coma...
- ça fait longtemps qu'on est là?
- je suis restée trois jours en coma artificiel et toi quatre, regarde.
Elle sort de son sac, pose sur la tablette à roulette, une impression de l'écran où on voit un petit sac avec dedans un petit cœur. Axel ne peut plus retenir ses larmes. Quand l'infirmière entre dans la chambre, elle les trouve en pleurs tous les deux.
- aller, aller, tout va bien, maman est en bonne santé et papa n'est plus malade, et bébé fait des loopings, tout le monde va pouvoir rentrer à la maison dans quelques jours, on se détend...
- Clara je te déteste.
- moi aussi mon choux. Aller, le doc arrive, soyez sages.
Axel va mieux, heureusement qu'il a été vite pris en charge parce que la chloroquine peut tuer quand on ne la supporte pas.
Ils doivent rester sous leurs masques encore deux jours... deux jours qu'ils passent allongés, les yeux dans les yeux le plus souvent sans parler, trop épuisés.
Quand Axel ouvre un œil ce jour là, après s'être encore effondré de fatigue. Du mouvement derrière la vitre qui sépare leur chambre du couloir le fait sursauter. Il reconnait Hervé en compagnie des parents de Mia caché sous des masques en tissu. Il leur fait un petit signe en désignant Mia qui dort. Mais l'interne décide qu'elle a assez dormi en entrant sans façon.
- hey, il y a quelqu'un qui dort là, gronde Axel, elle est épuisée alors demi tour!
- c'est l'heure de ma ronde de fin de garde, explique le jeune médecin sans s'énerver. Et vous avez de la visite.
- on aurait pu attendre qu'elle se réveille, fait Anya.
- oh salut... papa, maman... et Hervé... balbutie la jeune femme en émergeant.
- salut toute belle, souffle son père. Alors tu reprends des forces?
- mouais...
- pour ça il faudrait qu'elle puisse dormir tranquille.
- hey, mon pote, reprend l'interne en lui souriant, tu vas le gagner le titre du patient le plus grincheux de l'hôpital, détends toi... regarde les graphiques de ta belle, tu vois... là c'est le niveau d'oxygénation du sang, ce qu'on appelle la saturation et ben, c'est bon...
- comment ça 'bon'?
- vous êtes tous les deux dans les clous, on va vous retirer vos masques et vous partez de mon service, ce soir vous aurez une chambre normale dans l'aile de convalescence.
- oh ça c'est cool.
- et demain, vous avez rendez vous pour babygrincheux...
- tant que j'ai mon masque, je peux toujours te coller un coup de boule, pour voir si le logo décathlon s'imprime bien sur ton front, grince Axel alors que Mia s'esclaffe.
Ce son lui rend instantanément sa bonne humeur. Leurs trois visiteurs doivent attendre un peu, et les accompagnent ensuite vers leur nouvelle chambre. Matt pousse sa fille dans un fauteuil roulant et Hervé, un Axel très vexé de 'n'avoir pas été foutu de tenir debout'. Anya et l'infirmière suivent en portant leurs petits sacs et la guitare apportée à l'initiative de Hervé.
La cadre du service des soins de suite les attend avec un petit sourire narquois. En effet, ils auront le privilège de partager la même chambre mais elle met un véto ferme et définitif à la copulation intra-hospitalière. Son ironie achève de mettre Axel en rogne, il se laisse installer dans son lit où il se cale le regard noir et les bras croisés.
Dès que 'l'emmerdeuse' est sortie, Mia se lève avec l'aide de sa mère et vient s'asseoir près de lui. Il se redresse un peu et se niche contre elle. Hervé, lui, est resté sur la fin de la phrase de l'interne en réa, les sourcils froncés.
- c'est quoi cette histoire de 'babygrincheux'?
- oh, s'étonne Mia, vous ne lui avez rien dit?
- non, sourit Matt, ce n'était pas à nous de le faire...
- ils ne m'ont rien dit mais j'ai bien senti un traquenard...
- il habite avec nous au garage, explique Matt.
- ah bon?
- oui, ajoute Anya, il a accepté, on s'est dit que vous alliez vous inquiéter pour lui alors ça semblait plus simple...
- t'en fais pas Mia, je squatte pas ta chambre rose de petite fille, ils m'ont installé dans la pièce à coté...
- oh, le bureau...
- c'est vraiment sympa, fait Axel, ému.
- et, figure toi gamin que je bosse!
- tu bosses?
- oui, développe Matt, il m'aide au garage.
- et ça rigole pas mal, ajoute Anya.
- mais surtout, il est efficace, complète Matt. On pensait rester comme ça tant que vous n'iriez pas mieux...
- il faudra juste qu'on pense à aller payer le loyer la semaine prochaine...
- tu as raison, mec, valide Axel, tiens regarde dans mon sac là, il y a le chéquier... passe le moi s'il te plaît, je vais faire le chèque tout de suite...
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Il faut y croire.
RomanceLui, il a été battu par son père, fichu dehors à 17 ans... Il s'en sort, finit ses études pour devenir ingénieur et avoir une belle situation, ne plus tirer le diable par la queue, quitter enfin les quartiers nord de Marseille... Elle, e...