Chapitre 64

38 4 1
                                    


Dans la voiture, comme toujours l'ambiance devient pesante à mesure qu'ils approchent de l'hôpital. Ils se font contrôler et arrivent finalement dans le parking.

- dis moi, j'étais en train de penser à hier soir... commence Mia alors qu'ils arrivent devant leur casier.

- ouais... tu as besoin d'un petit rappel? s'amuse t il en se déshabillant.

- non, non, ça va mieux... je pensais à ta chanson...

- et?

- c'est quand la dernière fois que tu as baissé les yeux comme dans les paroles?

Axel reste un moment muet, les yeux écarquillés.

- longtemps... souffle t il, je me rappelle pas...

- et ça me rend très heureuse, valide Mia en posant sur ses lèvres le traditionnel 'dernier bisou avant les masques'.

Il part, ce matin là, avec une drôle de sensation, comme en flottant.

Ils ne se recroisent que vers 16h, Mia raconte l'appel de sa cousine désespérée d'être confinée avec John qui finalement lui casse les pieds. Axel qui craint un peu le tempérament autoritaire d'Anahéra, lui, est de tout cœur avec le pauvre Californien confiné avec une amazone trop gâtée. Quand les garçons se parlent un peu plus tard, John avoue avoir épuisé son stock de cannabis et bientôt manquer de bières. Quand Axel promet de récupérer auprès de Gino du stock d'herbe, et de le lui déposer dans la boite aux lettres. Il gagne un supporter! Il repart travailler, étonné que personne ne soit venu le chercher quand Bella l'appelle.

Les gens supportent mal le confinement, elle propose donc d'organiser ce vendredi une soirée à huit clos au Gambrinus et de la diffuser en direct. Le public pourra demander par chat des chansons comme d'habitude même si la salle est vide. Ce sera un gros engagement puisque les images diffusées échapperont ensuite à tout contrôle, Mr Piotr propose une grosse somme pour cette prestation. Axel frémit en entendant la somme. Il réfléchit, la divise par trois, un tiers pour lui qui couvrira l'achat d'une voiture pour Mia et demande à ce que le reste aille dans la cagnotte pour les employés de l'hôpital que le gouvernement ne prévoie même pas de rémunérer pour les heures supplémentaires.

C'est ainsi que la semaine suivante, Mia, de garde à l'hôpital, allume toutes les télés sur le canal de la chaîne locale et que son guitariste met du baume au cœur à tellement de monde!

A ce moment, Giovanni la rappelle, il veut lui dire que c'était officiel, l'Italie sort de la crise... enfin... il est soucieux d'apporter de l'espoir à sa jeune nièce dont il a senti au fil de leurs conversations téléphoniques la fatigue physique et mentale... leur complicité fait qu'il est le seul dans la famille à qui elle a avoué, par exemple, être nouée d'angoisse et avoir du mal à s'alimenter sans vomir...

Le calme relatif des dernières journées saute à la figure de la jeune femme... serait il possible que cette horreur soit en train de se terminer?

Ses collègues et elle se jettent sur les données de Santé Publique France... Effectivement, une baisse semble s'amorcer timidement... alors qu'en Italie, c'est vraiment flagrant... Tout le monde saute de joie, Mia appelle ses parents. Anya et Matt s'inquiètent beaucoup pour Axel et elle, elle les rassure. Ils lui apprennent que ses grands parents ont été testés positif à ce virus, ils n'ont pour l'instant aucun autre symptôme qu'une légère fièvre mais vu leur age, tout le monde se fait du souci. Elle comprend que son oncle Giovanni lui a caché ce fait pour épargner son moral. L'envie de traverser les alpes et de filer à Venise pour se blottir dans ses bras comme quand elle était petite la submerge. Elle décide de lui envoyer un SMS pour le lui dire. La réponse 'pronto' la fait sourire.

Cela finit par se savoir, dès le surlendemain, la presse annonce que le chanteur des What et sa femme, la légende de la danse classique, ont été testés positifs. Même après toutes ces années de retraite, cette annonce provoque une sacrée effervescence médiatique.

Mia prend sur son temps de pause pour contacter le médecin qui suit la famille depuis bien avant sa naissance. Il n'a jamais pris sa retraite trop attaché à ses patients. Il est ravi d'avoir des nouvelles de la petite Mia, parle un peu de son quotidien à l'hôpital puis du sien au village avec son lot de malheurs et de guérisons. Il n'est pas inquiet pour les grand parents de Mia, il passe les voir dès qu'il le peut et ne voit aucun signe d'aggravation. Elle part dans les couloirs pour partager avec son fiancé la bonne nouvelle quand elle remarque des lits vides en réanimation.

- oh lala... vous avez eu autant de décès? S'alarme t elle en croisant une collègue.

- mais non, Mia, les lits sont vides parce que les gens sont en chambre, en meilleure santé!!

- oh chouette, viens allons chercher les gens qui sont en attente... je t'aide si tu veux...

- Mia, Mia du calme, écoute ça, j'en viens, il n'y a personne!!

Là, l'autre interne panique, Mia doit vite s'asseoir tant la tête lui tournait... puis part vomir.

Quand Mia ressort des toilettes de l'étage, il y a du monde qui la guette, Axel en tête, bien sur.

- hey, remets toi ma belle chérie, ça se tire...

Quelqu'un met la chanson de Soprano, 'les héros du quotidien' qui tourne en boucle en ces temps de solidarité et quand le chef du service pointe son nez, toute l'équipe danse et chante en riant. Quelqu'un filme, cette petite scène de joie devient virale, symbole de la vie qui retourne à la normale.

Il faut tempérer l'enthousiasme, pas moyen que tout le monde sorte faire la fête dans la rue et relance ainsi l'épidémie... mais au moins, on voit le bout du tunnel!

Une autre semaine s'écoule avant que les patients commencent vraiment à rentrer chez eux et que les dirigeants de l'hôpital ne décident de mettre en place un système de congé... qui ne sera pas de trop après ces presque 4 mois en enfer.

Il faut y croire.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant