Chapitre 17

682 71 14
                                    

J'ai mal.

Pendant un bon moment, cet homme s'est amusé à ouvrir des plaies sur l'entièreté de mon corps. Je n'ai pas eu besoin de simuler le moindre cri. Aucune blessure ne me semble mortelle, mais je me doute que cet homme savait exactement où trancher la chaire.

Le pire a été lorsqu'il a commencé à frotter du sel sur les différentes entailles. Je crois même que je suis tombée inconsciente quelque temps tant la douleur était intense. Ou peut-être mon esprit s'est-il refermé pour me protéger, comme lorsqu'un client était trop violent ? Présente de corps mais pas d'esprit. Je n'en ai aucune idée, tout ce que je sais que mes souvenirs sont très instables. Un nouveau traumatisme à ajouter à la liste.

Je ne sais pas combien de temps il m'a torturée ainsi. Tout ce dont je suis sûre est certaine, c'est que seul la voix dans le haut-parleur l'a arrêté. Sinon, je ne doute pas qu'il aurait continué, peu importe mes supplications et mes larmes. Je ne suis de toute façon rien de plus qu'un objet pour eux.

Le miroir en face de moi me renvoyait une image pitoyable. J'ai eu du mal à reconnaitre mon reflet tant mon corps semblait ensanglanté. Jamais encore un client n'avait été violent à ce point. Quand mes poignets ont été libérés, je me suis tout simplement écroulée par terre, ravivant par la même occasion la douleur déjà bien présente. Je ne sais pas où j'ai trouvé la force de me relever pour marcher jusqu'à la sortie.

Et me voilà, même pas une heure plus tard, en train de préparer le repas du soir sans avoir eu le temps de désinfecter la moindre de mes plaies.

A peine rentrée, j'ai dû remettre cet uniforme. Si au niveau des jambes ce n'est pas plus mal, mon ventre compressé par le tissu me fait souffrir. Celui-ci n'est d'ailleurs plus blanc mais bien rouge. Rouge comme le sang qui continue de couler.

Je voudrais pouvoir m'écrouler et me rouler en boule, ne plus rien ressentir. Mais je n'en ai pas le droit. Je le sais, si la nourriture n'est pas prête à temps, blessée ou pas, il n'aura aucune hésitation à s'en prendre à moi. Et je ne suis pas sûre d'être capable de supporter le moindre coup dans mon état.

Il me faut attendre encore une bonne heure avant qu'il ne finisse son assiette et me laisse plus ou moins libre. Le soir, il aime se mettre dans le fauteuil et je ne dois en aucun cas le déranger. Je l'ai compris très rapidement. Sauf lors des rares soirées où il a envie de moi. Mais généralement il préfère quand nous sommes au lit.

Je m'éclipse rapidement jusque dans la salle de bain. C'est là qu'est rangé tout le matériel de soin. Je connais l'emplacement et les effets de chaque produit. Malheureusement, j'ai très vite appris.

Je pense à Alexandra. Elle qui râlait sur la qualité du matériel à sa disposition lors de mon premier passage au cabinet serait ravie ici. Enfin, plus ou moins.

Dommage qu'il n'existe pas encore de médicament capable de refermer en un instant une plaie ouverte et d'en chasser la douleur par la même occasion. Ou encore un qui puisse me permettre de ne plus rien ressentir.

Je ne prends pas la peine de mettre des pansements individuels sur chaque blessure. Il y en a bien trop de toute façon. Je prends donc comme je peux une large bande afin d'entourer mon abdomen. Je suis loin d'être douée et je pense que tout mon travail sera réduit à néant en très peu de temps. Surtout s'il décide de profiter de moi une fois dans la chambre. J'ose espérer qu'il aura assez de compassion pour me laisser tranquille cette fois au moins. Même si j'en doute. Après tout, il ne m'a pas laissé me soigner tout de suite, son confort personnel passe avant moi. Je devrais m'y habituer. Je dois m'y habituer.

Je n'ai pas la force de prendre une douche. Je viens de passer plusieurs années sans me laver correctement, je ne suis pas à ça près.

Je m'occupe ensuite de Madi. La pauvre, j'ai vraiment l'impression de l'abandonner ces derniers temps. Je dois sans arrêt être à l'écoute de mon futur mari tant et si bien que j'ai peu de temps à lui accorder. J'espère vraiment que je ne vais pas devoir la forcer à vivre sans voir sa mère. Déjà qu'elle va grandir dans un environnement tout sauf sain.

Je venais d'enfiler ma chemise de nuit, plus large et donc moins douloureuse, lorsqu'on sonne à la porte. Je ne m'en préoccupe pas, n'étant pas autorisée à ouvrir à qui que ce soit. Une véritable plante verte.

- Chérie, viens s'il te plait.

Je fronce les sourcils. C'est étrange, d'habitude, je suis loin d'être la bienvenue quand il reçoit quelqu'un. J'attrape rapidement un peignoir pour couvrir un peu plus mes récentes blessures. Cillian a utilisé un ton très poli, ce qui signifie que je vais devoir jouer la femme heureuse de sa situation. Et une femme blessée est rarement heureuse.

Mon sourire avenant se fige en découvrant les occupants de notre salon. Quatre policiers se tiennent debout face à mon fiancée. L'un d'entre eux semble tenir une tablette en main.

- Ah, te voilà Joséphine. Ces messieurs font une petite visite de routine. Un voleur courrait dans les rues voisines et ils ont obtenu un mandat pour visiter les maisons alentours.

- Oui bien sûr. Bonjour.

Rester calme. Surtout ne pas faire un pas de travers. Ne surtout pas donner le moindre doute quant à ma situation désastreuse. Les agents me saluent en retour. Je me place juste à côté de mon futur mari en donnant l'illusion d'être à l'aise quoiqu'un peu nerveuse. Je vais finir par devenir une excellente actrice.

- Que pouvons-nous faire pour vous aider ? demande poliment celui-ci.

- Je vais rester ici quelques temps pour vous poser quelques questions tandis que mes collègues fouillent. Ne vous inquiétez pas, ils sauront se faire discrets. Je suppose qu'à cette heure, votre fille est au lit.

- Effectivement. Et bien je vous en prie, nous pouvons nous installer dans les fauteuils.

C'est ce que nous faisons. Celui à la tablette monte les escaliers suivi de deux autres hommes tandis que le dernier s'assoit en face de notre couple en sortant un petit carnet, sûrement dans l'optique de prendre des notes.

Il nous pose quelques questions sur notre vie ainsi que nos occupations, se concentrant essentiellement sur les soirées où, je suppose, les vols ont été commis. Pour la plupart, nous étions à l'extérieur à l'une de ces soirées mondaines où je suis forcée de jouer la comédie.

Cet échange continue durant plusieurs minutes avant que le premier policier ne refasse son apparition. Etrange, il a été bien rapide. Je ne m'y connais pas vraiment, mais la maison est immense.

Je me relève d'un coup en apercevant le second redescendre, Madi dans les bras. Celle-ci gigote, n'appréciant certainement pas d'être réveillée, par un inconnu qui plus est.

- Je peux savoir ce que vous faites, demande Cillian qui a lui aussi remarqué.

- Nous avons apparemment trouvé ce que nous étions venu chercher. Vous êtes sûrs de vous, il s'adresse à ceux partis faire des recherches.

- A cent pourcent. C'était sur l'enfant.

- Une minute, je dis la voix tremblante. Qu'est-ce que vous lui voulez ? Qu'est-ce qui était sur ma fille ?

- Monsieur Gabri et mademoiselle Lightbourne, vous êtes en état d'arrestation pour suspicion de trafic d'enfants.

C'est une blague, pas vrai ? Une horrible et affreuse blague orchestrée par un ami de Cillian. Madi est mon bébé. Je l'ai portée et choyée pendant des mois. Je n'ai pas supporté tout ça pour me voir séparée d'elle par les forces de l'ordre qui ne sont pas capable de comprendre les manigances du clan Arkadia.

- Qu'est-ce que c'est que ces histoires ? Je demande à voir mon avocat, s'énerve instantanément mon pseudo mari.

- Je crois que vous en aurez besoin en effet. Maintenant vous allez être emmenés au poste et vous y resterez jusqu'à votre transfert en prison. Messieurs.

Sur un geste, deux s'approchent de Cillian et moi pour nous passer les menottes. Je n'en reviens pas. Je refuse ça. Il en est tout simplement hors de question.

Nda: Me tuez pas s'il vous plaît 😂

Double jeu ✔️Où les histoires vivent. Découvrez maintenant