Chapitre 63

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- Calme-toi Clarke, me sermonne Luna.

- Je n'aime pas être enfermée, je réponds.

- Je m'en doute. Mais pour l'instant, il vaut mieux rester cachées encore un petit temps. Au moins jusqu'à trouver l'employeur de cet homme.

- Je sais, je soupire.

Une petite semaine à peine s'est écoulée entre temps et les choses ont tellement changé. Nous avons toutes été transférées dans un autre bâtiment. Plus sécurisé, plus en ville et surtout, avec beaucoup moins de liberté.

Anya est rapidement arrivée sur les lieux après que Luna l'ait appelée et il n'a fallu que quelques minutes pour remballer l'essentiel et quitter le chalet. Depuis, nous n'y sommes pas retournées. Les affaires restantes ont été rapportées quelques jours plus tard, par une équipe de FBI si j'ai bien compris. Maintenant, tout ce qu'il nous reste à faire, c'est patienter. Et surtout, espérer de bonnes nouvelles.

- Les filles, nous appelle Raven. C'est pas que ça m'ennuie de tout faire toute seule mais si. Alors ramenez vos fesses.

- Bon, je vais voir ce que l'enfant veut, rit la brune. Essaye de ne pas trop y penser. Tu ferais mieux de te reposer un peu, tu as une petite mine je trouve.

Je grimace en guise de réponse. C'est vrai que cela fait quelques jours je suis incapable de dormir correctement. Bien que je tente de le dissimuler au maximum, certains signes sont impossibles à cacher. A commencer par mes cernes qui ont commencé à s'allonger. C'est bien entendu Raven qui a été la première à le remarquer. Résultat des courses, j'ai droit à une remarque à la moindre occasion. Et au final, je me demande si ce n'est pas autant, voire plus fatiguant.

Je n'y suis pour rien si, depuis les derniers évènements, je suis incapable de m'endormir sereinement. Les images de cette nuit tournent en boucle dans ma tête dès que je ferme les yeux. Ces instants resteront gravés dans ma mémoire à tout jamais. Et ne pas avoir plus d'informations va finir par me rendre dingue.

Je revois le corps inanimé de cet homme passer devant moi, sa main pendant hors du brancard. J'ai beau me répéter que c'était pour la bonne cause, les faits sont là : j'ai tué un être vivant. Mais s'il n'y avait que ça, je pourrais m'en remettre.

Oui, s'il n'y avait que ça. Sauf que ce n'est pas le cas. C'est loin d'être le cas. Je la retiens cette abrutie. Je la déteste, elle et ses secrets. Et surtout sa stupide fierté mal placée.

Madame va très bien, madame peut blaguer sans soucis, madame peut faire des promesses sur le futur. Mais si madame disait la vérité, elle ne serait pas en ce moment même allongée sur un lit d'hôpital hautement surveillé sans pouvoir entrer en contact avec nous ! Parce que pendant tout ce temps où elle assurait que ce n'était rien de plus qu'une petite égratignure, elle se vidait littéralement de son sang malgré que je compresse la plaie. Le temps que l'on intervienne, elle en avait déjà perdu bien assez.

Et que s'est-il passé par la suite quand elle a voulu se relever alors que tout le monde était contre ? Elle a manqué de perdre connaissance et le saignement a repris de plus belle. Comme c'est étonnant.

Et devinez qui est parti en cinquième vitesse en ambulance ? Bingo, Lexa-je-suis-une-parfaite-idiote. Sans compter que entre-temps, elle est tombée inconsciente, histoire de bien nous inquiéter.

Pour ne pas révéler ni sa position ni la nôtre, nous sommes dans l'incapacité totale de savoir comment son état évolue. Pas un mot, rien du tout. Et tout ça depuis sept longs jours maintenant.

L'incertitude a toujours été quelque chose qui m'a terrifié. Ne pas savoir est vraiment le pire de tout. Parce que là, concrètement, je ne suis même pas sûre que la brune soit en vie. Je ne suis pas médecin, je ne sais pas si elle peut survivre à sa blessure. Peut-être que ce n'est rien de bien grave. Ou au contraire, la balle a touché un organe vital. Qu'est-ce qu'il y a dans le style du côté droit ? Si seulement j'avais accès à n'importe quoi pour me renseigner un minimum. Ou que j'avais suivi ces foutus cours.

Mais non, on juge apparemment que c'est bien mieux de nous laisser dans l'ignorance la plus totale.

Sa présence me manque énormément. Même quand elle m'évitait, je me sentais mieux. Parce que à ce moment-là, j'étais persuadée qu'elle était en vie. Alors que maintenant...

- Clarke, me crie Raven, tu sais mettre la table ?

- D'accord.

Au moins, quand je fais quelque chose, quand je m'occupe les mains, mon esprit a moins l'occasion de divaguer en tous sens. Ce que les filles semblent avoir compris. Et malgré leurs réticences à me donner la moindre tâche, pour que je puisse me reposer, j'ai su les convaincre un minimum. Le pire a été quand elles ont voulu prendre en charge Madi. Je devais ressembler à une folle à cet instant tant j'étais hors de moi.

Clairement, je ne vais pas bien pour l'instant.

Une fois le repas du soir terminé, nous avons pour habitude de mettre un film sur la petite télévision. Bien sûr, nous n'avons que des DVD pour éviter que quiconque puisse retracer le signal. Je n'en reviens pas du nombre que précautions qui ont été prises.

Mais cette soirée ne sera pas pour moi, pas aujourd'hui. Je ne me sens pas capable de jouer la comédie beaucoup plus longtemps.

Après un dernier aurevoir aux filles et une nouvelle promesse que tout va bien, je peux enfin me diriger vers ma chambre.

Beaucoup moins spacieuse et décorée que la précédente, un simple lit deux personnes repose au centre. A droite, une armoire en bois occupe un peu d'espace. A gauche, le lit de ma fille. Il y avait à la base un petit bureau qui a rapidement été déplacé pour faire de la place à mon bébé. Pas une fenêtre, rien. Après tout, nous sommes dans un sous-sol. Les murs quant à eux sont simplement gris. Seul un tableau posé au-dessus du matelas, représentant la mer, égaye un peu les lieux.

Je déteste cet endroit. Je ne m'y sens pas en sécurité, ainsi piégée. Et même si j'adore Raven et Luna, elles n'arrivent pas à me rassurer. Pas comme elle le faisait.

Je me laisse tomber sur ma couche. La journée a été plus que longue. Et pour cause, je n'ai pas réussi a fermé l'oeil de la nuit. Les insomnies, le retour. Ça ne fait qu'empirer. Je n'en peux plus.

La tête sur l'oreiller, je laisse une petite larme m'échapper. J'ai peur. Ce genre de peur irrationnelle qui vous prend aux tripes et refuse de vous lâcher.

J'ai peur que Lexa ne devienne mon nouveau Finn. Cette personne qui, malgré toutes ses promesses, finit par m'abandonner. Cette personne qui disparait de ma vie sur un mensonge. Cette personne à laquelle je suis bien trop attachée pour mon propre bien. Cette personne qui me maintenait à flot sans réellement s'en rendre compte. Cette personne qui me fait voir le monde d'un oeil nouveau.

Oui, plus j'y réfléchis, plus je me rends compte à quel point ces deux-là sont similaires, à quel point ils ont une place importante dans ma vie.

Lexa, je t'interdis de mourir. Tu n'en as pas le droit. Sinon tu peux être sûre que je te détesterai pour le restant de mes jours.

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