Chapitre 37

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Je ne sais pas pourquoi, mais ce chauffeur me met franchement mal à l'aise. Est-ce son regard inquisiteur ? Ou sa manière de me détailler de la tête aux pieds ? C'est peut-être courant d'observer ses clients. Pour s'assurer qu'ils ne commencent pas à mettre de la nourriture partout ou je ne sais quoi d'autre. Je n'ai jamais pris le taxi, même avant, alors je n'ai aucune idée de comment ça se passe généralement.

Je me contente de garder mon attention fixée vers l'extérieur. Les rues se ressemblent toutes en ville, ça en est impressionnant. C'est tellement étrange la manière que j'ai de redécouvrir des choses simples, moi qui ne croyait plus en un quelconque avenir. J'ai parfois l'impression d'être un nouveau-né découvrant le monde.

Mes pensées finissent par dériver vers Lexa. Je me demande ce qu'elle fait en ce moment. Et si je la dérangeais en débarquant à l'improviste ainsi ? Je ne l'ai même pas prévue, si ça se trouve elle n'est pas chez elle. Maintenant qu'elle peut sortir quand bon lui semble, elle est certainement retournée travailler. Est-ce qu'elle est une acharnée du travail comme lorsque nous étions au clan ? Je suis presque sûre que oui. Je ne la connais certes pas totalement, mais pour rentrer dans le FBI, il faut certainement avoir un mental d'acier et une ténacité à toute épreuve. Rien que pour s'engager dans une mission suicide comme celle-là, il faut énormément de courage. Sans compter que je suis à peu près persuadée qu'ils ne s'attendaient pas à plonger au sein d'un trafic humain de cette envergure.

Lexa... Est-ce qu'elle sera contente de me revoir ? Ou au contraire, voudra-t-elle que je reparte sur le champ ? Selon Bellamy, parce que j'ai discuté avec lui quelques fois, la brune tient à moi. Comment, ça c'est une toute autre question, mais il est persuadé de ce qu'il avance. Et Echo semble être de son avis. Bien que les deux m'ont avoué ne pas être les personnes les plus proches de son entourage.

Par contre, s'il y a bien un point que je peux leur accorder, c'est bien le fait qu'elle ne fera pas le premier pas.

- Prend ton temps. Je comprends que tu ne sois pas prête.

Voilà les derniers mots qu'elle m'a adressé alors que je quittais son appartement, ma fille dans les bras, sans même la regarder dans les yeux. Sur le moment, je n'ai eu qu'une envie : faire marche arrière et la secouer jusqu'à obtenir des réponses. Mais elle avait raison, comme pour beaucoup d'autres choses, je n'étais pas prête. Il me fallait digérer la nouvelle. Savoir que la personne avec qui on vit, littéralement, depuis plusieurs mois nous a en réalité menti consciemment est difficile à avaler.

Je peux totalement comprendre qu'elle ne m'en ait pas parlé tant que nous étions au sein du clan. Je veux dire, elle était toujours sous couverture. Mais alors pourquoi ne pas m'avoir tout révélé quand nous en sommes sorties ? Elle aurait eu énormément d'occasions de le faire.

Le décor a changé. Les hautes tours ont été remplacées par des zones plus vertes. Je ne savais pas qu'il y avait des endroits aussi verdoyants jusqu'à son appartement.

- Excusez-moi, je demande incertaine, vous êtes sûr d'être sur le bon chemin ?

- Ne vous inquiétez pas, je sais exactement ce que je fais.

- Je ne suis jamais passée par ce coin, j'insiste légèrement inquiète.

Ce foutu sentiment de mal-être présent depuis que je suis montée dans le véhicule n'est toujours pas parti, bien au contraire, il ne fait que s'intensifier.

- Je fais un léger détour. Le centre est toujours bien plus chargé à cette heure de la journée. Faites-moi confiance, je vais bien à l'adresse prévue.

Définitivement quelque chose cloche. Je ne sais pas quoi, mais j'ai appris à me fier à mon instinct. Et là, clairement, il me dicte de quitter l'habitacle, quitte à me jeter sur la route.

Soudain, un bruit sourd vient troubler le calme ambiant. Je me retourne vivement pour apercevoir une grosse voiture noire plonger dans le bas-côté. Un second véhicule, juste derrière, semble être la raison de l'accident : son parechoc est endommagé. Devant moi, le conducteur à l'air d'avoir lui aussi suivi la collision.

- Il faut l'aider, je m'écrie.

- Quelqu'un est déjà sur place.

- Ce n'est pas une raison ! Arrêtez-vous !

- Je ne manque jamais à mon travail.

- Puisque je vous dis de vous arrêter. Il y a sûrement des blessés.

- Ne vous inquiétez pas. Tout se déroule exactement comme prévu. Vous serez bientôt là où vous devez l'être.

- Qu'est-ce que vous racontez ?! Laissez-moi descendre.

- Calmez-vous.

Comme si j'allais rester calme alors qu'une voiture vient de s'écraser en dehors de la route et que mon conducteur agit plus qu'étrangement. Je sais que sauter hors d'une voiture en marche peut être très dangereux, mais je ne pense pas que ça le soit moins que de rester ici.

Je tente de retirer ma ceinture de sécurité, en vain. Impossible de faire sortir la boucle métallique. Je tire de toutes mes forces sans plus de résultats alors que nous continuons à rouler comme si tout était parfaitement normal.

- Il me semble vous avoir dit de vous calmer.

- Et moi de vous arrêter, je rétorque aussi vivement que je le peux.

Je suis complètement terrorisée. Je ne sais pas qui est cet homme ni ce qu'il me veut, mais ça n'a pas l'air amical. Et je n'ai absolument pas envie de découvrir de quoi il en retourne exactement.

J'assiste totalement impuissante à notre avancée jusqu'à atterrir devant une usine, certainement désaffectée au vu de la devanture. Je n'ai plus vu de civilisation depuis un bon moment ce qui a le don de m'angoisser encore plus. Personne ne viendra ici, pas par hasard.

- Alors, je me suis arrêté maintenant. Ce n'est pas ce que vous vouliez ?

Il se fout clairement de moi. Je suis tétanisée. Mais pas assez que pour rester sans rien faire. A l'instant où il me détachera, ce sera ma chance. Si je prends assez d'avance, peut-être que je pourrai le semer et trouver quelques promeneurs à même de m'aider.

Malheureusement, à peine la portière ouverte, il se rapproche de moi, une seringue à la main. Je m'agite, quoi qu'il compte m'injecter, ce ne sera pas bon. Je ne doute pas qu'il s'agit au mieux d'un tranquillisant, au pire d'une drogue quelconque.

Il m'attrape fermement le bras.

- Voyons, ne fais pas tant d'histoire. On va bien s'occuper de toi. En plus, tu seras réunie avec tes anciennes collègues. J'ai hâte d'assister à ces émouvantes retrouvailles.

- S'il vous plait.

J'en suis réduite à la supplication. Pas besoin d'être un génie pour savoir à qui il fait référence en parlant de mes collègues, ni pour deviner ce qu'il compte faire de moi. Je ne veux pas revivre ça. Pitié, pas encore.

- Tu me supplies maintenant ? Bientôt tu me supplieras pour autre chose.

Je n'ai même pas le temps de protester une seconde fois qu'il m'administre le produit. Mon esprit se fait rapidement cotonneux malgré mon envie de rester éveillée. Quand je ressens que ma ceinture est enfin détachée, mon corps ne me répond déjà plus.

La seule chose à laquelle je peux penser avant de définitivement sombrer est que Lexa avait tort. Ils m'ont retrouvée et le cauchemar recommence. Ses yeux verts envahissent mon esprit tandis que je sens mes dernières forces m'abandonner.

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