Chapitre 45

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- Okay, donc tu as tous les numéros près du téléphone. Au moindre problème tu appelles le premier et je reviendrai tout de suite. Personne ne doit passer donc évite d'ouvrir la porte, j'ai pris mes clés et...

- C'est bon ne t'inquiète pas.

- Tu me demandes l'impossible Clarke, elle souffle.

- Ça va aller.

- Tu es sûre ? Je peux essayer d'avoir quelqu'un pour surveiller les alentours ou...

- Ça ira. Tu vas être en retard si tu continues comme ça.

La brune soupire. Elle doit se rendre au centre, une affaire urgente qui ne peut être réalisée à distance apparemment. C'est la première fois en presque un mois qu'elle doit me laisser seule et, bien que mes crises de manque sont passées, j'avoue être un peu angoissée.

- Bon... Je vais essayer de faire au plus vite.

- Prend le temps qu'il te faudra. Je ne compte pas m'évaporer.

Je me rends compte de mon erreur à la seconde où les mots franchissent la barrière de mes lèvres.

- Enfin... tu vois quoi.

- Je me dépêche.

Elle dépose un rapide baiser sur ma joue avant de se figer, comme surprise par son geste spontané. Je lui réponds d'un petit sourire timide.

- Pardon... Je ne sais pas ce qui m'a pris.

- C'est... C'est rien. Bon tu y vas ? je demande pour échapper à ce moment assez gênant.

Lexa attrape finalement son sac, non sans vérifier au préalable pour la énième fois que tout est bon, et referme la porte derrière elle.

Je me laisse tomber dans le canapé qui a définitivement retrouvé sa forme initiale depuis peu. Je ne vais pas mentir, son au revoir ne me laisse pas totalement indifférente pour une raison que j'ignore.

Après cette nuit dans le même lit, naturellement, elle a commencé à être légèrement plus tactile avec moi. Même simplement en mettant ses mains sur mes épaules pour regarder ce que je fais, chose qu'elle n'avait jamais osé ou encore en jouant avec une mèche de mes cheveux quand nous nous posons devant un film. Ça ne me dérange pas du tout mais un bisou, c'est bien la première fois que cela arrive.

Et j'ai presque eu l'impression qu'elle était au moins aussi perturbée que moi. J'espère que ça ne jettera pas un froid entre nous. Je ne pense pas, je n'en verrais pas la raison, mais la brune peut être tellement imprévisible par moment.

Il nous est aussi arrivé de dormir ensemble quelques fois, lorsque je n'arrivais pas à me calmer après un cauchemar en particulier. Toujours le même, toujours impliquant la même personne et toujours se terminant de la même manière. Je suis presque sûre qu'elle se doute de quelque chose sans savoir précisément quoi, mais elle ne me pose aucune question et je l'en remercie pour ça. Je ne me sens pas encore capable d'en parler. Plus encore que le clan, c'est cette histoire qui m'a marquée à vie. Dans tous les sens du terme d'ailleurs. J'aurais toujours le rappel constant de ce qui m'est arrivé.

Je me relève. Ce n'est pas le moment de m'apitoyer sur mon sort. Et si je reste ainsi, c'est tout ce que je risque.

C'est étrange et légèrement inquiétant de se retrouver seule après tout ce temps. C'est dingue, Lexa n'est partie que depuis quelques minutes que sa présence me manque déjà. Je me suis habituée à la croiser régulièrement dans la journée, à voir son rare sourire. Pour quelqu'un comme moi qui ai évité de m'attacher à qui que ce soit dernièrement, c'est bizarre. Et je ne sais pas du tout d'où ça vient, d'autant plus que je me suis sentie plus que trahie lorsque j'ai appris qu'elle m'avait caché sa véritable identité.

C'est un effet plus que perturbant. Comme une force irrésistible qui me pousse vers elle. Une force que je ne peux définir. Est-ce qu'elle la ressent elle aussi ? Est-ce pour cette raison qu'elle m'a aidée au clan alors que c'était contre-productif et dangereux pour sa mission ?

Bon, je vais devenir complètement folle si je continue sur cette lancée. Je dois me sortir toutes ces interrogations de la tête et me concentrer sur le présent. Oui exactement, le présent et rien d'autre. Je vais redevenir une fille tout ce qu'il y a de plus normal. Enfin, une fille de maintenant vingt-six ans qui ne sait pas comment le monde a évolué pendant tout un temps mais ce n'est qu'un petit détail.

C'est vrai que maintenant que j'y pense, je n'ai pas vraiment vécu mon adolescence. Normalement, c'est durant la période que j'ai passée enfermée qu'on se cherche, tant au niveau professionnel que personnel. C'est à ce moment qu'on profite de ne pas encore avoir trop de responsabilités pour découvrir les lois de ce monde. Je suis une totale handicapée de la vie au final. Je ne suis même jamais sortie avec qui que ce soit, étant bien trop occupée auparavant à me prendre la tête avec ma mère. Quant à mes amis, le seul que je pouvais considérer comme tel était Bellamy.

Une feuille et un crayon. J'ai besoin d'une feuille et d'un crayon pour arrêter de penser à tout ça. Le dessin a toujours été un moyen efficace de me changer les idées. Peu importe à quel point les disputes avec ma mère pouvaient être violentes, il me suffisait de m'enfermer dans ma chambre avec mon matériel d'art et des écouteurs, pour étouffer sa voix au cos où elle viendrait jusqu'à ma porte, afin de me détendre.

Il ne me faut pas longtemps pour trouver ce dont j'ai besoin. En même temps, ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire. J'aimerais bien mettre la main sur de la peinture un de ces jours mais ce n'est pas pour tout de suite. Pour l'instant, faire de simples croquis me convient totalement. La sensation de la mine glissant sur le papier me ramène dans cette bulle invisible dans laquelle je n'ai plus pu m'échapper depuis un bon moment.

Je ne me concentre pas spécialement sur mes traits, laissant mon subconscient s'exprimer comme j'en avais pris l'habitude dans mes derniers moments de liberté.

Je ne sais pas combien de temps précisément je suis restée dans cette état d'entre-deux. C'est le bruit de la porte claquant, me faisant par la même occasion sursauter, qui me reconnecte à la réalité.

- Lexa, je demande timidement.

La brune s'avance, une expression indéchiffrable sur le visage. Elle allait parler mais son regard se bloque sur la petite table basse. Table sur laquelle repose son portrait, endormi. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de l'observer alors que je tentais de me rendormir après un mauvais rêve.

- Oh c'est... Je ne l'ai pas encore terminé...

Bien sûr, il a fallu qu'elle tombe dessus. Pourquoi est-ce que je ne l'ai pas au minimum caché ? Elle va croire que j'ai une espèce d'obsession pour elle.

- Hum... ça a été ?

Lexa semble revenir à elle et plante son regard dans le mien.

- On doit partir quelques temps. Un seul sac, ne prend que le strict nécessaire.

- Quoi ? Mais qu'est-ce qui se passe ?

Elle passe sa main dans ses cheveux, semblant hésiter à me dire la vérité. Sans doute est-ce en rapport avec une nouvelle mission confidentielle.

- Tous les agents infiltrés doivent faire profil bas pour un moment au cas où des représailles auraient lieu.

- Que...

- Je t'expliquerais plus tard, quand je serais sûre qu'on ne risque plus d'être écoutées. Dépêche-toi, Anya sera là d'ici une dizaine de minutes.

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