Chapitre 55

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Le silence. C'est tout ce qui nous entoure après que j'ai osé révéler tout ce qu'il m'a fait subir. La dernière pièce qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

- Dis quelque chose, je chuchote.

Ne pas savoir ce à quoi elle pense me terrifie. Elle est la première à qui j'ose raconter toute l'histoire. Même Raven n'a pas tous les détails.

La brune raffermit sa prise autour de mes épaules.

- Honnêtement je ne sais pas quoi te répondre. Je n'avais aucune idée de ce par quoi tu étais réellement passée.

- Je pensais que tu avais deviné après l'interrogatoire...

- Je n'ai pas été mise au courant. Anya a estimé que je ne serais pas à cent pourcents impartiale avec toi vu que nous vivions ensemble. Et même si j'avais eu le choix, j'aurais refusé. Je te l'ai dit, c'est à toi de décider exactement ce que tu souhaites me confier sur ton histoire.

- Merci.

- C'est normal.

- Non, merci pour tout. Pour ne pas m'avoir laissé tomber alors que j'étais horrible avec toi, pour m'avoir aidée avec Madi, pour m'avoir sortie de cet enfer... Pour tout ça. Tu n'as même pas idée à quel point tu m'as soutenue.

Et je pèse mes mots. Sans elle, je doute franchement que je serais encore de ce monde. La perte de ma fille, qui serait inévitablement arrivée, m'aurait fait perdre les pédales. Et je ne pense pas que quiconque aurait pu me rattraper tandis que je sombrais.

- Et je... Je suis désolée de m'en être prise à toi au début.

- C'est déjà oublié depuis bien longtemps. Et puis, tu croyais avoir perdu ta fille.

- Ce n'était pas que pour ça. Tu... Tu étais optimiste. Et semblais sûre de toi. Tu me faisais penser à lui.

- Par lui tu veux dire... Finn ?

Je ferme un instant les paupières et souffle doucement. Comment est-ce que de simples mots peuvent à ce point me marquer, me faire souffrir ?

- Pardon, je suppose que tu n'as pas envie d'en parler.

- Je n'ai plus entendu son nom depuis... Tu vois.

Un nouveau silence accueille ma déclaration. Je déteste quand elle fait ça, même si je suppose qu'actuellement elle digère un peu les informations.

- Tu es incroyablement courageuse, Clarke.

Je relève vivement la tête et la fixe, surprise par ces paroles.

- Je me doutais un peu que tu ne connaissais pas le père de Madi, elle continue, mais je n'aurais jamais pensé à ces circonstances en particulier. Et malgré tout ce qui a amené à sa naissance, tu t'es occupée d'elle. Tu l'as aimée comme n'importe quelle mère le devrait. Et rien que pour ça, tu as montré à quel point tu pouvais être forte.

- Elle n'y était pour rien. Elle n'a juste pas eu la chance de naitre au bon endroit au bon moment. Et je ne pouvais pas lui faire payer quelque chose dont elle n'était pas responsable. C'est ma fille et il n'y a rien de plus à savoir.

- Tout le monde ne pense pas comme toi, même à l'extérieur. Madi a de la chance de t'avoir pour mère.

- J'espère qu'elle le pensera toujours dans quelques années.

- L'adolescence est toujours une période compliquée, elle rit doucement.

- Il n'y a pas que ça, je murmure.

Elle fronce les sourcils.

- A un moment, elle va me demander qui est son père. Et je n'aurais aucune réponse à lui donner. Alors qu'est-ce que je devrais lui dire ? Que j'ai vu trop d'hommes que pour savoir qui a planté la graine ?

Cette journée est trop compliquée. Beaucoup trop de mauvais souvenirs, d'incertitudes qui ressurgissent. J'ai juste envie de m'effondrer. Lexa me trouve forte, pourtant je ne le suis pas tant que ça. Je le suis parce que je n'ai pas le choix.

- Ce jour-là, il n'y aura pas de bonne version à donner. Qui sait exactement ce dont elle sera au courant ? Peut-être aura-t-elle entendu parler du clan ? Peut-être lui auras-tu parlé de ton passé ? Personne exactement ne sait de quoi l'avenir est fait. La seule chose qu'il faudra éviter, c'est de lui mentir. Non, son père n'est pas mort peu de temps avant sa naissance ou quelque chose comme ça. Car le jour où elle apprendra la vérité, pas si mais quand, elle n'aura plus confiance en toi si tu lui as menti sur quelque chose d'aussi important.

- Je sais, je chuchote au bord des larmes. Et c'est exactement pour ça que j'ai peur.

- Je suis persuadée que, le moment venu, tu trouveras les bons mots. Et tu ne seras pas seule.

- Et toi ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Est-ce que tu seras là ? Même dans plusieurs années ? Est-ce que tu ne vas pas me laisser tomber quand l'affaire sera finie ? Est-ce que... Est-ce que je peux compter sur toi ?

C'est l'une de mes plus grandes peurs. J'ai tellement pris l'habitude d'avoir la brune près de moi que je ne supporterais pas de la perdre. Pas encore.

- Je serais toujours avec toi.

Pourquoi il faut qu'elle dise des choses comme ça ? Je me sens déjà prête à pleurer alors si elle en rajoute une couche...

- Ne te retiens pas, elle murmure. Pleure, hurle... Peu importe.

Il ne m'en faut pas plus pour que mes derniers barrages cèdent, laissant mes sanglots remplir la quiétude des lieux.

- Dé-désolée.

- Chuuut.

La brune me prend au plus près tandis que je m'accroche à son pull, l'imbibant au passage de toutes ces larmes trop longtemps retenues. Elle me berce doucement tout en me caressant les cheveux, comme un enfant que l'on essaye de consoler après un vilain cauchemar.

J'aimerais que tout ce que j'ai vécu ne soit rien de plus qu'un vilain cauchemar. Un sombre rêve dont je vais me réveiller rapidement. C'est ce que j'ai espéré durant de longues années.

Et c'est arrivé. Pas de la manière dont je le pensais initialement mais c'est arrivé. Une main tendue dans cette obscurité. Une main que j'ai l'impression d'avoir rejeté plus d'une fois. Une main qui ne m'a pas lâchée.

Et au bout de cette main, Lexa. Une fille incroyable sans qui je ne m'en serais jamais sortie. Rien que pour ça, elle mérite toute mon admiration. Elle ne m'a pas laissé sombrer, peu importe ce que j'ai pu faire.

Si on m'avait dit que, un jour, je croiserais une personne comme elle, en enfer qui plus est, je n'y aurais jamais cru.

Il me faut un bon moment avant que je ne puisse me calmer. Ce n'est pour autant que Lexa me relâche, au contraire. Elle va jusqu'à m'embrasser doucement le front.

- C'est fini maintenant. Ce qui te fait peur, ce ne sont plus rien d'autres que des fantômes. Des fantômes très envahissants mais des fantômes. Il va falloir du temps avant que tu ne puisses te faire à l'idée qu'ils ne peuvent plus te faire de mal, mais tu y arriveras, j'en suis sûre. Pour commence un voyage, le premier pas est toujours le plus dur.

Elle a raison. Mais comme elle dit, ces fantômes, témoins de mon passé, vont encore me hanter longtemps. Et petit à petit, alors que je mets cette histoire de côté, je vais pouvoir me reconstruire avec l'aide de personnes auxquels je tiens réellement.

Et alors que le soleil se lève, je me dis que je pourrai peut-être aussi me concentrer sur ce coeur qui semble faire le grand huit en présence d'une certaine brune.

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