Chapitre 46

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Jamais encore je n'avais en à faire mon sac aussi rapidement. C'est à peine si j'ai eu le temps de refermer la fermeture éclair avant qu'on ne sonne à la porte. Je n'ai pu prendre que quelques habits, chauds sur recommandation de Lexa, ainsi que mon dessin déjà entamé. Je déteste laisser quelque chose d'inachevé derrière moi.

A l'avant de la voiture, les filles discutent doucement. En apparence, une sortie simple entre amies. Mais de près, je ne suis pas dupe : les deux semblent tendues et aux aguets. Et je ne peux pas les contredire depuis que j'ai appris ce qui est arrivé à leur collègue, surtout en ayant été à moitié témoin de l'accident. Mais c'est le moyen le plus discret, ou en tout cas qui attire le moins de soupçons, pour se déplacer.

Nous avons roulé durant plusieurs heures. Au point où j'ai fini par m'endormir contre la vitre. C'est Lexa qui a dû venir me réveiller en me secouant doucement. Ce qui ne m'a pas empêché de sursauter. L'avantage est que je n'ai pas eu le temps d'atteindre le stade des rêves, ou plutôt des cauchemars même si, pour une raison que je n'arrive pas encore à déterminer, ils se sont faits plus rares ces derniers temps. Est-ce que je commence enfin à m'en remettre ? Juste comme ça ? J'en doute. Bien que ça ne me dérangerait pas, j'ai passé l'âge de croire aux contes de fées et aux miracles.

Je m'étire doucement.

- On est où ?

De là où je suis, je ne vois rien de reconnaissable.

- Perdues en pleine montagne je dirais. Anya est la seule à connaitre la position exacte. Tu viens découvrir notre future demeure ?

J'aperçois en effet derrière la brune un chalet, seule touche du passage témoignant du passage de l'être humain dans les environs. Juste à droite de celui-ci, un puit en pierre est construit. Au moins nous ne manquerons pas d'eau.

- On va rester ici toutes les trois ?

- Pas moi, intervient sa collègue. Je retourne à la civilisation dans très peu de temps. Enfin, je vous ramène surtout des camarades.

Nous avons vite fait de sortir les quelques affaires du coffre. Nos deux sacs ainsi qu'une quantité assez importante de denrées non-périssables.

- On va rester ici longtemps, je demande en portant mon regard sur les aliments.

- Aussi longtemps qu'il le faudra pour résoudre le problème, me répond l'asiatique. Rien de bien grave mais deux précautions valent mieux qu'une. Surtout que tu as un don certain pour te foutre dans le pétrin blondie. Et que de ce que j'ai vu, Lexa n'est pas très réfléchie dans ces cas-là.

- Je sens que cette histoire va me poursuivre un bon moment, grogne la concernée.

- Tu n'es pas passée loin d'un surmenage alors oui, je vais te le rappeler encore quelques fois. Et estime-toi heureuse que Titus ne soit pas au courant ou tu aurais été mise au repos forcé.

- Ce qu'il ne sait pas ne lui fait pas de mal.

- Tu joues avec le feu.

La brune soupire lourdement. Je meurs d'envie de l'interroger sur cette histoire de surmenage et de Titus mais me retiens, surtout en la présence de sa camarde. Je suppose qu'il doit s'agir d'un autre collègue proche d'elle.

- Tu n'as pas d'autres personnes à aller chercher ?

- Je vais faire comme si je ne comprenais pas ton changement de sujet. D'un parce que tu as raison, et de deux parce que j'ai encore du travail avant de pouvoir aller me coucher.

C'est ainsi que nous nous retrouvons seules, Lexa et moi, perdues au milieu de nul part. Elle passe sa main dans ses cheveux avant de se tourner vers moi.

- Bon, tant que nous ne sommes que deux, je suppose que tu as de questions.

- Oh je...

Elle esquisse un léger sourire.

- Tu es de nature curieuse. Et Anya n'a fait que parler à demi-mot. Alors je t'écoute.

- Je vais faire mes petites théories.

- Et après tu vas stresser comme une malade en imaginant les pires scénarios possibles. Tu es sûre de toi ? Profite, ce n'est pas tous les jours que j'accepte de passer un interrogatoire, elle affirme avec un clin d'oeil.

- On range en même temps, je propose.

La brune fronce les sourcils, ne comprenant certainement pas le but de ma manoeuvre, mais acquiesce. En vérité, j'ai surtout besoin de m'occuper les mains. Et d'éviter de plonger la tête la première dans ses yeux si je veux pouvoir garder toutes mes facultés.

J'attrape la caisse contenant les denrées et entreprend de mettre au frigo ce qui doit y aller.

- Elle parlait du travail trop important que tu as dû faire au clan ? j'entame la conversation.

- En partie, elle me répond tout en s'occupant d'un sachet de pâtes. Mais c'était nécessaire pour le bon déroulement des opérations. Je savais que je ne risquais pas d'être dans une forme olympique à ma sortie.

- Alors quoi ?

Je l'entends soupirer.

- Quand tu as disparu, j'ai été rappelée pour enquêter sur l'affaire. On pense que le clan y est lié donc je n'ai pas été la seule ex-infiltrée à devoir me pencher sur le cas. Et certains, Anya mais pas que, pensent que j'en ai trop fait. Je dormais assez peu et ne prenais presqu'aucune pause. Et bien sûr, j'envoyais bouler littéralement tous ceux qui voulaient m'arrêter. Au point où j'ai été interdite de terrain.

- Tu es complètement inconsciente, je marmonne.

Je n'ai aucun mal à me souvenir de la charge de travail qu'elle s'imposait, à ce moment je le pensais, de manière inutile. Alors si ça c'était normal pour son entourage, qu'est-ce que c'est d'aller au-delà de ses limites ?

- Interdite de terrain ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Je n'ai pas pu être là lors de l'intervention. Et je pense que finalement ce n'est pas plus mal. Sinon je doute d'avoir réussi à garder mon sang-froid. J'ai déjà eu du mal en te revoyant pour la première fois.

Concentre-toi sur les légumes Griffin. J'esquisse un sourire triste.

- Et encore, il parait que j'ai gagné pas mal de couleurs avant de revenir chez toi.

- Je sais, elle souffle. Je t'ai vue, dans ce lit d'hôpital alors que tu étais encore inconsciente. Il a fallu que tu te réveilles au seul moment où j'ai été forcée de me reposer.

Cette information m'étonne. Je savais qu'elle était passée quelques fois après que j'aie repris conscience, mais pas avant.

- Et pourquoi on est ici maintenant ?

Très subtile le changement de sujet, bravo.

- Parce que plusieurs d'entre nous ont révélés être impliqués au niveau infiltration. Jusqu'ici on ne craignait rien entre nos fausses identités et le nombre impressionnants de personnes retenues. Sauf qu'on suspecte une taupe dans nos rangs.

Cette fois, je ne peux m'empêcher de me tourner brusquement vers elle.

- Pardon ?!

- Je trouve ça assez ironique. Des espions dénichés par un ou plusieurs autres espions. C'est déjà un miracle d'avoir réussi à mener l'affaire jusqu'au bout.

Comment peut-elle en parler de manière aussi détachée ?

- Hey, la brune se rapproche de moi. Tout va bien se passer d'accord ? On ne risque rien ici et nous ne serons pas seules. Si tu veux je pourrais même en profiter pour t'apprendre quelques gestes d'auto-défense, je crois qu'il y a assez d'espace à l'extérieur.

Je rigole d'un rire sans joie. J'aimerais ne pas en avoir besoin, mais vu comment les choses tournent, ça risque de ne pas être inutile.

- Et puis, Luna a été autant impliquée que moi dans vos recherches. Raven ne peut plus la quitter par mesure de précaution non plus. Devine qui seront les autres personnes à nous rejoindre pour ces vacances improvisées.

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