Double jeu ✔️

Chapitre 47

D'accord, je savais qu'elle allait arriver, d'accord, je connais son caractère, d'accord elle a presque toujours été ainsi, mais je ne m'attendais clairement pas à l'espèce de tornade humaine qui m'est, littéralement, tombée dessus.

- Clarkie !

Sur le coup, j'ai été tellement surprise que j'ai été incapable de faire le moindre mouvement. Pas par peur, comme on pourrait le croire vu mon passé, je connais la brune, mais bien par stupéfaction.

Elle s'éloigne enfin, sans doute interprétant mal mon manque de réactivité, me détaillant de la tête aux pieds.

- Salut Raven...

- Salut Raven. Non mais tu t'entends ? Plus de trois mois sans aucune nouvelle et tout ce que tu trouves à me dire c'est "salut Raven" ?! Comment tu te sens ?

- Bien je suppose, je hausse les épaules lassée d'avoir l'impression d'être une petite chose fragile. Je me suis beaucoup reposée et je n'ai presque plus que des petites cicatrices.

- Parfait dans ce cas.

Et sans que je ne comprenne quoique ce soit, elle me frappe l'épaule.

- Aie, mais qu'est-ce qui te prend ?

- Plus jamais tu ne me refais un coup pareil. Et tu n'as pas intérêt à passer de l'autre côté ou je trouve un moyen de te pourrir la vie, où que tu sois. Crois-moi, j'en suis totalement capable.

Je frotte la zone endolorie. Je sais que c'est sa manière à elle de me montrer qu'elle s'est inquiétée. C'est un "bon retour" de sa part.

- Quand tu auras fini de martyriser la survivante, tu viendras nous aider à décharger ?

Luna arrive à la suite, les bras chargés d'une boite en carton contenant sans doute d'autres vivres.

- Clarke, je crois qu'il y a une petite fille qui t'attend impatiemment à l'arrière de la voiture, elle continue avec un clin d'oeil.

Il ne m'en faut pas plus pour me jeter à l'extérieur du chalet, manquant de bousculer Anya au passage. Laquelle ne manque pas de me faire savoir son mécontentement. Mais honnêtement, actuellement, je m'en moque complètement. J'ai bien plus important en tête pour l'instant.

Dans un siège auto, gazouillant gaiement, Madi me tend ses petit bras en m'apercevant. Il ne m'en faut pas plus pour la détacher avant de la prendre dans mes bras et la serrer contre moi.

- Mon bébé, je ne peux m'empêcher de chuchoter.

Quelques larmes s'échappent de mes yeux en la sentant gigoter contre mon torse. Enfin, je me sens complète. Deux mois, plus de soixante jours à être séparée d'elle. C'était ça, la plus cruelle des tortures qu'on pouvait m'infliger. Et maintenant c'est enfin fini. Enfin.

Je la berce doucement, ne me préoccupant pas de l'agitation autour de moi. La seule qui compte est à nouveau à mes côtés et pour rien au monde je n'écourterais ces retrouvailles.

C'est la main de Lexa, sur mon épaule, qui me ramène à la réalité.

- Il faut rentrer maintenant. Il ne vaut mieux pas rester à l'extérieur en soirée.

Je n'avais même pas remarqué que le ciel s'était assombri. Inconsciemment, je raffermis ma prise sur ma fille. Je devrais savoir que personne ici ne voudra me la prendre, mais après un temps si long loin d'elle, je n'ai pas envie de la quitter. Même pour quelques secondes.

- Hé, elle rit doucement, je ne compte pas te la piquer. C'est fini la garde alternée.

Je souris légèrement au souvenir de cet arrangement qui me semble appartenir à une autre dimension.

- Pardon, je marmonne.

- Ce n'est pas un reproche. Par contre je suis sérieuse, il faut retourner à l'intérieur. Surtout si tu veux que Madi ne dorme par terre vu les deux as du montage qui sont en train de s'occuper de son lit.

- Raven devrait s'en sortir.

- Je n'en serais pas si sûre. Quand je suis partie, elle commençait à jurer.

Je rigole en imaginant la grande Raven Reyes, capable de construire une attelle à partir de déchets, en échec face à un lit montable pour bébé.

- Je suppose que c'est mieux d'aller les aider alors.

- Exactement. Après vous mademoiselle, elle dit en me montrant théâtralement le chemin.

Je m'avance donc, ma fille dans les bras et ma sauveuse à mes côtés. Je me demande si elle se rend compte à quel point elle en a fait, et c'est toujours le cas maintenant, pour moi.

En entrant, je ne peux que constater l'exactitude des propos de la brune. Les deux filles ont l'air de ne rien comprendre au montage et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire face à la scène qui se déroule devant moi. En m'entendant, Raven tourne la tête dans ma direction.

- Notre sauveuse, elle s'exclame. Clarke je te jure qu'on n'y comprend rien du tout.

- Mais comment vous avez fait jusqu'ici ?

- Bellamy nous l'a monté en arrivant et on n'y a plus touché. Je te jure qu'on a tout essayé.

- Déjà peut-être le mettre dans la chambre non, intervient Lexa. Pas sûre qu'il passe les portes sinon. Et je doute que tu acceptes de laisser Madi seule dans le salon.

- Hors de question.

- On ne savait pas qui allait dormir où, justifie Luna. Et comme ce sont des lits double... Dans le meilleur des cas, il faudrait garder les mêmes duos que d'habitude mais je ne sais pas si ça ira pour toi Clarke. Tu connais mieux Raven donc si c'est plus confortable pour toi...

- Non ce... Si vous aviez prévu comme ça...

- Tu es sûre ? On n'est plus à un changement de dernière minute près.

- Non... ça ira, je me tourne vers Lexa. Si c'est bon pour toi.

- Au moins je suis sûre que tu ne pourras pas disparaitre sans laisser de traces.

Je le cache mais en réalité, je suis bien contente de cet arrangement. Raven est une amie irremplaçable, mais elle n'est pas Lexa. Et je me suis habituée à elle, mes nuits sont moins agitées en sa présence, bien que je ne l'explique toujours pas.

- Parfais, reprend ma colocataire, tout le monde est d'accord avec cette disposition ?

Tout le monde, y compris ma meilleure amie, acquiesce. D'ailleurs, c'est étonnant que personne ne lui demande si cela ne lui pose pas de problème de dormir avec Luna. J'ai loupé un épisode ou ça se passe comment ?

- Bon dans ce cas, on finit de s'installer puis on prépare le souper ?

- Oui commandante, rit Luna.

- Tu ne vas pas commencer toi aussi, dit la concernée en levant les yeux au ciel.

- C'est trop tentant. Bon, au boulot.

Et sans attendre plus longtemps, elle attrape un maximum de pièce ainsi que son sac. Je fais de même, autant que possible avec un bébé dans les bras, et nous montons à l'étage découvrir notre chambre pour les prochains jours ? Semaines ? Mois ?

En entrant, sur la droite, une grande porte fenêtre donne sur un petit balcon. De légers rideaux blancs permettent de bloquer la luminosité. Au centre, contre le mur, un imposant lit double recouvert d'une literie beige. Sur la gauche une grande armoire en bois massif occupe une partie de l'espace. Un petit bureau de la même matière complète le tout.

- Je suppose qu'on l'installe de ton côté, m'interrompt la brune dans ma contemplation. Tu dors à gauche ou à droite ?

- A gauche.

- Super. Tu me donnes un coup de main ? Et après on ira aider les filles en cuisine. Si jamais elles sont aussi douées qu'en montage, on risque de mourir d'intoxication.