Double jeu ✔️

Chapitre 32

Ce sont de légères secousses sur mon bras qui me réveillent. Dehors, le soleil semble s'être couché depuis un moment à en juger par la nuit que je peux apercevoir.

Après que je sois montée, les cris ne se sont pas calmés, bien au contraire. J'ai pensé à retourner dans ma chambre, mais je ne me sentais pas vraiment de laisser Madi seule. Je sais très bien qu'Alexandra ne laisserait rien lui arriver, mais cette Costia me fait un peu peur, je dois bien l'avouer. Je suis donc restée, assise contre le mur pour surveiller ma fille. Et j'ai certainement fini par m'endormir. Mes nuits sont toujours aussi courtes et peu reposantes. Au moins, je ne crie plus à chaque fois.

- Hé, Clarke.

Je frotte mes yeux en baillant. La brune me regarde, un léger sourire sur les lèvres.

- Je t'aurais bien laissé dormir, mais tu n'as pas encore mangé. Et puis je doute que la position soit très confortable.

- J'ai vécu pire, je marmonne encore à moitié endormie.

- Je m'en doute. Mais tu commences tout doucement à reprendre un rythme plus ou moins normal, ce serait bête de rechuter.

- Je sais...

Elle se relève et me tend sa main que je saisis afin qu'elle m'aide à me remettre debout. Nous nous rendons dans la cuisine où elle réchauffe le plat de pâtes de la veille. Vu l'heure avancée, l'envie de cuisiner n'est pas vraiment là. Je n'en reviens pas de m'être assoupie aussi longtemps.

- Pardon pour cette scène. Elle ne reviendra plus. Et dans le cas contraire je demanderai une injonction d'éloignement.

- Pas de soucis, je dis peut-être un peu vivement. Tu as des amis et c'est normal... Toi aussi tu sors de... Enfin tu vois quoi...

- Elle n'est pas une amie. Enfin, ça aurait pu si elle n'avait pas aussi mal réagi.

Elle a l'air assez mal à l'aise.

- Désolée, je murmure. Octavia pensait que tu viendrais avec elle l'autre jour alors j'ai pensé que...

- Costia était ma petite amie et je l'ai quittée juste avant de rentrer dans le clan.

- Oh je...

Je m'attendais à tout sauf à ça. Une petite amie ? Alors elle aime les filles ? Remarque, c'est vrai que je n'ai jamais réellement cherché à savoir qui elle était avant tout ça. Même si une sexualité ne change pas quelqu'un du tout au tout. Je n'ai jamais compris ceux qui laisse tomber leurs amis après un coming-out. C'est toujours la même personne, il n'y a eu aucune transformation entre-temps.

- Tout le monde pense que j'ai fait ça pour qu'elle ne m'attende pas inutilement. La vérité est qu'elle devenait trop possessive et j'avais besoin d'espace. C'était une simple coïncidence.

- Est-ce que... tu es partie à cause d'elle aussi ?

- Non, elle s'écrie presque. Bien sûr, être inaccessible à ce point était plus facile, elle ne pouvait pas me contacter. Mais je ne suis pas du genre à fuir mes problèmes. Sauf mes parents.

- On se ressemble pas mal finalement...

- J'en ai bien l'impression. Bon, assez parlé de sujets démoralisants. Tu veux qu'on regarde quelque chose avant d'aller dormir ?

- Heu... Je me rappelle d'une série que j'avais commencée avant... Mais je ne me souviens plus du titre. C'était avec des personnages de contes coincés dans une ville et ils avaient tous perdu la mémoire.

- Once upon a time ?

- Je crois que oui.

- Va pour ça alors. On débarrasse vite puis on se pose dans le fauteuil ?

Je hoche la tête et avale rapidement la fin de mon assiette avant de ranger le tout.

C'est étrange comme la collocation avec Alexandra se passe bien. Je suis persuadée qu'avec n'importe qui d'autre, je serais continuellement sur mes gardes. En même temps, la dernière personne à avoir partagé la même pièce que moi était Cillian. Ce n'est pas étonnant que j'aie du mal. Est-ce parce qu'il était un homme et elle, une femme ? Non, je ne pense pas. La brune est la seule qui me permet de me sentir un minimum en sécurité.

Nous finissons notre soirée assez calmement. Bien que je me sois un peu reposée quelques temps plus tôt, mes paupières sont lourdes et j'ai tôt fait de laisser ma tête tomber sur le côté. Quand je me rends compte que je me laisse presque entièrement tomber sur Alexandra, j'essaie de me relever mais elle me retient doucement.

- Je n'ai pas envie de te déranger, je chuchote.

- Tu ne me déranges pas, elle répond sur le même ton. Sauf si tu n'es pas à l'aise.

Elle sait très bien que j'ai des problèmes avec le fait qu'on me touche. Les seuls moments où elle s'y autorise sans me demander son accord est après un de mes cauchemars. Et encore, uniquement si je ne me réveille pas. Elle m'a déjà avoué avoir peur que ça ne fasse qu'empirer le problème mais je risque souvent de me faire mal à force de bouger dans tous les sens. Sauf que dans son cas, c'est totalement différent. Ses bras sont synonymes de sécurité pour moi. J'ai mis du temps avant de m'en rendre compte mais je ne peux plus me le cacher : je tiens à elle. Et ça me fait peur.

Je n'ai pour ainsi dire presque jamais eu d'attaches. Et ce, depuis toujours. J'étais ce genre d'enfant toujours plongée dans son monde. Ce qui attirait régulièrement des moqueries de la part des autres. Je n'avais pas énormément d'amis en dehors de Bellamy. Et encore, je ne suis pas sûre que l'on serait devenus aussi proche s'il n'était pas mon voisin une semaine sur deux.

Aujourd'hui, j'ai l'impression de ne pouvoir compter que sur très peu de monde. Mais ça n'a aucun rapport avec le fait que je ne suis de retour que depuis peu. C'est simplement que je n'avais personne. Ce n'est pas pour rien que j'ai choisi la fuite, je n'avais rien auquel me raccrocher. Est-ce que les choses se seraient déroulées différemment si j'avais eu un soutient ?

Au moins, grâce à cette expérience, j'ai pu rencontrer Raven, Alexandra et d'une certaine manière Madi. Même si je me serais bien passée de la partie "souffrons joyeusement pendant plusieurs années".

- Je suis bien là, je la rassure. Je me sens bien avec toi.

- C'est réciproque Clarke.

- Ce que je veux dire c'est que... Tu es la seule avec Raven que mon corps ne rejette pas... Et pourtant il lui a fallu du temps avant de pouvoir me faire un simple câlin.

- Je croyais que vous étiez ensemble pendant la période d'essais ?

- C'est le cas. Mais elle a préféré parcourir un peu le monde avant de s'enfermer. Quand on s'est retrouvée, je ne voulais déjà plus le moindre contact.

- C'est normal. Clarke, tu n'es pas responsable de tout ce qui t'es arrivé, j'espère que tu en as conscience.

- Parfois je me dis que j'aurais pu faire quelque chose pour l'éviter... Et si j'avais été plus sage, j'aurais évité pas mal de punitions.

- J'en doute. Je n'ai pas passé autant de temps que toi avec eux, mais il ne faut pas être très observateur pour comprendre que tout était fait dans le but de briser et rendre dépendants tous ceux prisonniers dans leurs filets.

Elle a beau dire, je sais que j'aurai pu échapper à neuf longs et douloureux mois.

La brune m'embrasse doucement sur le front.

- Je comprends que ce ne soit pas facile, mais c'est fini maintenant. Et je te jure qu'ils ne pourront plus jamais t'approcher.