Chapitre 15

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- Dépêche-toi ! J'avais dit cinq minutes, pas plus.

Je sursaute lorsque des coups violents sont portés à la porte.

- Oui... Pardon...

Je ne prends pas la peine d'essuyer correctement mes cheveux. Tant pis, j'ai plus pressant.

Je sors rapidement, une simple serviette autour de mon corps. Prendre une douche chaude, après tout ce temps, est un véritable délice même s'il ne faut pas que j'oublie la raison pour laquelle je suis là. Cillian m'attend, les bras croisés. Il me détaille de la tête aux pieds sans aucune pudeur.

- Une maquilleuse et coiffeuse t'attendent à côté. Ta robe est sur le lit. Rend-toi un minimum présentable.

Je hoche simplement la tête. Comme si j'avais le choix de toute façon.

J'ai à peine le temps de rentrer dans la chambre que deux femmes me tombent dessus. Elles ont été engagées pour ce soir, et je me doute que je les verrais encore quelques fois. Malheureusement.

Tandis qu'elles s'affairent autour de moi, je me laisse un peu de temps pour souffler. Je pourrais parler avec elles, essayer de demander de l'aide... mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je suis prête à parier qu'elles iraient tout rapporter. La seule personne ici qui ne me veut absolument aucun mal est Madi. Je dois me méfier de tous les autres. Absolument tous.

Je suis arrivée depuis trois jours. L'homme que je vais épouser m'a tout de suite expliqué les règles ici. Règles que j'ai tout intérêt à suivre à la lettre.

Pour faire simple, je suis à sa merci. Ce n'est pas pour devenir sa femme que je suis venue, mais bien son esclave. Je dois répondre à tous ses besoins et désirs, que ce soit pour le ménage, la cuisine ou encore au lit. En échange de quoi, il me nourrit correctement, même si je pense que c'est surtout pour que la presse ne le voit pas au bras d'un squelette ambulant et se pose des questions, et promet que ma fille restera avec moi.

Je sais que cet homme va la manipuler toute sa vie, mais au moins je pourrais lui donner un minimum d'amour. C'est toujours mieux que de devoir assouvir les fantasmes d'inconnu à dix ans. Voir plus tôt encore.

- Et voilà mademoiselle Joséphine. Vous êtes magnifique. Voudriez-vous de l'aide pour mettre votre tenue de soirée ?

Ses pinceaux de maquillages toujours en l'air, elle me fixe avec un sourire que je sais être totalement faux.

- Non ça ira merci.

Je lui renvois exactement le même sourire hypocrite.

- D'accord. Dans ce cas passez une bonne soirée.

Comme si la soirée allait être bonne. Elles s'en vont, enfin.

Cet endroit m'oppresse. Je le déteste. Pas de Raven pour me remonter le moral autour d'une soupe presque translucide, pas d'Alexandra pour me rappeler de me reposer. Leurs présences me manquent énormément.

Au moins ces deux filles ne sont pas incompétentes. En me regardant, on ne pourrait pas croire que je viens de passer les huit dernières années enfermées.

Le maquillage donne l'illusion d'être simple alors qu'en réalité, je ne suis même plus sûre que ma peau respire. Quant à mes cheveux, ils ont été relevés en un chignon sophistiqué.

Je dois m'habituer à ces nouveautés au plus vite.

Pour ce soir, je dois porter une robe bleu foncé à bretelles m'arrivant au-dessus du genou devant et au niveau des chevilles à l'arrière. Une paire de ballerines de la même teinte accompagne le tout.

A l'avenir, je devrai porter des escarpins pour ce genre de sortie mais je suppose que mon fiancé ne tient pas à ce que je le ridiculise en tombant dans les escaliers. J'ai cru comprendre que j'allais devoir suivre des cours de savoir-vivre dans les jours à venir. Je n'ai eu que quelques notions jusqu'à présent.

Quand j'arrive enfin dans l'entrée, il m'attend déjà. Son regard réprobateur montre clairement qu'il n'a pas apprécier l'attente.

Sans un mot, il ouvre la porte et nous sortons dans le froid de la nuit jusqu'à rejoindre sa voiture.

Le trajet se fait dans le silence le plus total. Ce n'est pas plus mal, ainsi je peux me concentrer correctement sur le rôle que je m'apprête à jouer durant les prochaines heures. Les rues défilent sous mon regard nerveux. Je sais que je n'ai pas droit à l'erreur.

Lorsqu'il se stoppe enfin après un temps qui me semble bien trop court, il m'adresse enfin la parole.

- Interdiction de me lâcher de toute la soirée compris ? Et n'essaye même pas de penser à t'enfuir, tu sais ce qui arriverait à ta fille.

Je hoche la tête légèrement tremblante. Cet homme me fait peur.

- Bien. Maintenant je vais sortir et t'escorter jusqu'à la salle. Tu ne parles que si on t'adresse la parole et le moins possible. Tu joues la timide à outrance.

- Oui.

Sans plus attendre, il descend du véhicule et je le suis immédiatement avant de m'accrocher à son bras, un air faussement amoureux sur le visage.

Nous pénétrons dans une salle pleine à craquer. Sans doute s'agit-il de personnalités importantes dans le monde politique ou autre, mais avec mon isolement forcé je n'en reconnais aucun.

Un couple a vite fait de nous rejoindre. Ceux-ci semblent bien connaitre mon fiancé.

- Je ne me suis même pas présenté avec tout ça, s'excuse l'homme. Mon nom est Cage et voici ma femme Deborah.

Je serre la main qu'il me tend.

- Joséphine.

- Tu aurais pu me dire que tu avais trouvé une perle pareille, il s'adresse à Cillian.

- Tu sais bien qu'ici, il vaut mieux ne pas trop montrer. Et puis Joséphine était un peu intimidée. Pas vrai chérie ?

Je me contente d'hocher la tête, toujours ce sourire débile collé au visage. J'ai envie de mourir.

Je ne sais pas vraiment quels liens ont nos vis-à-vis avec celui qui se tient à mes côtés, mais ils n'ont pas l'air méchant. Enfin, Cillian non plus. Peut-être que tout ceux présent dans cette pièce sont au courant des magouilles du clan Arkadia. J'ai entendu dire que beaucoup de personnes influentes supportaient ces horreurs.

Toute la soirée, je continue ce petit manège sous mon nouveau nom.

Pour plus de sécurité, et surtout d'anonymat, il a été décidé que je ne m'appellerais plus Clarke Griffin. Si tout se passe bien, je vais finir mariée à cet homme. Et si j'ai bien compris, il est loin de n'être qu'un visage parmi tant d'autre. Il y a donc de fortes chances que je me retrouve à devoir passer à la télé. Et si jamais une connaissance venait à me reconnaitre, il y a fort à parier qu'elle chercherait à me contacter. Après tout, personne n'est jamais sorti des bâtiments d'Arkadia. En tout cas, pas officiellement.

C'est pour ça qu'une toute nouvelle identité m'a été donnée. Désormais je m'appelle Joséphine Lightbourne. Je n'ai plus aucuns parents en vie et j'ai fui ma dernière relation qui s'était avérée toxique. Par le plus grand des hasards, j'ai rencontré Cillian dans un café ou je travaillais. Tout de suite, ça a été le coup de foudre. Et le fait que je porte l'enfant de mon précédent partenaire ne lui faisait ni chaud ni froid. Et aujourd'hui nous formons une petite famille heureuse, bientôt de manière plus officielle.

Pour ce qui est de mon apparence, en huit ans, il y a peu de risque qu'on fasse le lien. Et dans le cas contraire, il me faudra mentir. J'espère de tout coeur ne pas avoir à me retrouver dans cette situation. Je ne suis pas sûre d'arriver à renier de manière aussi directe mon passé.

Car oui, concrètement, c'est ce qu'on me demande. Fini la petite Clarke. Elle est morte. Joséphine a pris sa place.

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