Chapitre 24

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Quand elle parlait d'ennuis, je ne m'attendais définitivement pas à ce genre d'ennuis.

- Tout va bien ?

Nous sommes devant la porte et elle s'apprête à toquer. Je souffle un grand coup avant de lui offrir un sourire, que j'espère assuré.

- Ne t'inquiète pas.

- Ecoute si tu as changé d'avis on peut toujours rentrer et...

- Non c'est bon. Tu ne vas pas t'arrêter de vivre pour moi. Toi aussi, tu as une vie à reprendre.

Je l'entends marmonner quelque chose avant de finalement laisser son poing s'abattre après s'être assurée, encore une fois, qu'elle a mon accord.

Le jour où nous sommes allées chercher Madi, Alexandra s'était enfermée à peine arrivées pour prendre l'appel. Elle en était ressortie l'air soulagée avant de m'annoncer qu'un ami voulait la revoir maintenant que la situation s'était un peu calmée. La brune avait dans un premier temps refusé, expliquant qu'elle ne pouvait pas me laisser seule et qu'elle ne voulait pas m'imposer la présence de ses amis, car si j'ai bien compris, il s'agit d'un couple.

J'ai dû la jouer serrée pour que, enfin, elle accepte la proposition, appuyant sur le fait que voir l'extérieur ne pourrait faire que du bien. Je me sens mal de m'inviter en quelque sorte chez des inconnus, mais plus encore de priver Alexandra de ces retrouvailles plus que méritées. Finalement j'ai réussi à la faire plier même si ça n'a pas été sans mal.

Des bruits de pas se font entendre avant que l'appartement ne s'ouvre sur un homme basané au crâne rasé et faisant une bonne tête de plus que moi. Je reconnais avec une pointe de nervosité celui qui m'a interrogée l'autre jour.

- Ah vous voilà les filles. Entrez.

Doucement, la brune me pousse avec sa main dans mon dos à avancer. Je passe devant lui dans un état second. Il a été vraiment gentil l'autre jour, mais disons que la situation n'était pas très zen.

- Clarke c'est bien ça ? Je suis Lincoln. Je m'étais occupé de toi l'autre jour, je ne sais pas si tu te souviens.

- J'ai une bonne mémoire...

- Je ne voulais pas dire le contraire, pardon, il dit l'air gêné complètement à contrario de l'assurance qu'il affichait la dernière fois. Disons que face à une situation de stress, certains oublient pas mal de détails voir toute une partie de leur vie.

Je ne peux pas dire le contraire. Combien de moments passés dans cet endroit se sont littéralement effacés de ma mémoire ?

- Bref, si ça ne te dérange pas, j'aimerais qu'on laisse de côté tout ça. C'était une toute autre situation. Ici je suis Lincoln, simplement Lincoln.

- D'accord... Alors enchantée Lincoln, je murmure légèrement mal à l'aise en lui serrant maladroitement la main qu'il me tend tout en essayant de remuer le moins possible Madi.

La poussette est détachable en plusieurs parties, ce qui me permet de n'avoir qu'un simple "panier" à transporter. C'est étrange de ne pas la transporter en la serrant dans mes bras comme j'en ai l'habitude.

- Content de voir que ta fille et toi êtes enfin réunies. Elle a l'air heureuse.

- J'espère qu'elle l'est.

- J'en suis sûr. Bon, on ne va pas rester indéfiniment ici, venez.

- Octavia est déjà rentrée ? demande ma colocataire.

- Elle était sous la douche aux dernières nouvelles. Je pense qu'elle ne devrait plus tarder.

Il a à peine le temps de finir sa phrase qu'une tornade brune se jette littéralement sur Alexandra, laquelle rattrape aisément celle que je suppose être Octavia.

- Tu m'as trop manqué, elle s'écrie.

- Toi aussi mais tu deviens lourde.

Je sais que ce n'est pas vrai. En vérité elle à mal? Pour une raison que j'ignore, elle s'obstine à cacher ses douleurs. Je ne l'ai pas remarqué tout de suite, mais j'ai fini par me rendre compte en voyant la quantité de pansements dans la poubelle. Bien plus que pour une seule personne.

- C'est que du muscle, elle dit en redescendant malgré tout.

C'est à ce moment qu'elle remarque ma présence. Elle fronce les sourcils, cherchant sans doute à savoir qui je suis.

- Tu n'es pas Costia, elle dit simplement.

- Heu... Non.

J'avoue être complètement prise au dépourvu. Et c'est qui cette Costia ?

- Chérie, je t'ai dit qu'elles seraient deux, intervient Lincoln.

- Tu ne m'avais pas précisé qui. Excuse-moi d'être surprise.

- Tu as retenu le reste au moins ?

- Oui oui, Alexandra, le clan, l'extraction, l'étagère. J'ai tout bon ?

Il soupire en hochant la tête.

- Si on allait s'installer dans le salon ? propose-t-il.

C'est ce que nous faisons. Je ne prête pas une grande attention au décor, trop intimidée par la situation. C'est la première fois que je sors hors de l'appartement d'Alexandra pour une raison n'ayant aucun rapport avec le clan. Je ne pensais pas que cela me stresserait autant. Nous nous retrouvons installés sur des fauteuils se faisant face, séparés par une petite table où repose plusieurs apéritifs. Le couple s'est assis dans un canapé, et nous avons pris le second.

- Je vous sers quelque chose à boire les filles ?

- Une bière pour moi, répond la brune.

- Comme d'habitude, j'aurais dû m'en douter. Et toi ? il questionne en se tournant vers moi.

- Heu... un simple verre d'eau ?

Cette boisson fait partie de mon quotidien depuis tellement longtemps que je me vois mal boire autre chose. J'ai peur que mon ventre ne le supporte pas, déjà que j'ai du mal à retrouver un régime alimentaire plus conventionnel. Je me suis tellement habituée à avoir de petites rations que manger un plat complet est au-dessus de mes forces. Apparemment c'est normal et je ne dois pas m'en inquiéter, ça reviendra avec le temps mais il faut y aller petit à petit.

- Pas de soucis. Tu as besoin de quelque chose de particulier pour ta fille ?

- Non, merci.

L'homme quitte la pièce. En face de moi, Octavia me dévisage. C'est assez perturbant.

- Tu es Joséphine non ? Excuse-moi de te poser la question mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu ne devrais pas être avec Cillian pour préparer votre mariage ?

Je me tends à ces paroles. Je devais m'y attendre après tout, la nouvelle de la chute de mon fiancé fictif n'a pas été annoncé. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une méthode pour piéger le plus de personnes possibles.

Sans doute ayant remarqué mon état, Alexandra presse doucement mon épaule et répond à ma place.

- C'est une longue histoire. Tout ce que tu as à savoir est que Clarke, et non Joséphine, n'était pas là de son plein gré.

- Oh je vois, et je suppose que tu n'as pas envie d'en parler, elle me demande.

Je secoue négativement la tête, incapable du moindre mot. La simple mention de cette personne ramène des souvenirs peu agréables.

- Pardon, je ne voulais pas te mettre mal à l'aise. Mais du coup c'est bien ta fille je suppose, elle m'interroge. Comment elle s'appelle ?

- M... Madi.

- Elle est adorable. On dirait un petit ange. C'est bien le cas ou alors elle joue la comédie ? Certains enfants sont de véritables petits démons une fois éveillés.

- Non c'est... Elle est calme.

- Tant mieux. Je me demande comment on était bébés...

- Je ne sais pas mais toi, je doute que tu ais été calme un jour, revient Lincoln.

Sa copine lui tire la langue sous les rires de celui-ci.

Ils ont l'air tellement détendus, tous. C'est bien la première fois que je me retrouve dans un environnement aussi paisible.

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