Chapitre 19

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Je sens le soleil sur mon visage. Le vent frais d'automne agite mes cheveux me faisant frissonner. Pourtant, un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Je suis dehors. Après huit longues années, je suis de nouveau à l'extérieur, presque sans crainte.

Alexandra me regarde, l'air amusée. Vue de l'extérieur, je dois ressembler à un enfant. Mais en même temps, j'ai l'impression de redécouvrir le monde. Un monde que je croyais inaccessible, interdit. Un monde que je croyais perdu, oublié.

Aujourd'hui, deux jours après son premier passage, elle est revenue. Accompagnée d'une fille aux cheveux châtains et aux yeux en forme d'amandes. Les deux semblaient se connaitre, bien que la brune semblait légèrement ennuyée de ne pas être seule.

- Je peux m'en sortir seule tu sais ?

- C'est le protocole, avait rétorqué l'inconnue en haussant les épaules. Ça ne m'amuse pas plus que toi.

Elle nous avait suivi jusqu'à ce que Alexandra ne m'aide à rentrer dans ce que je suppose être sa voiture. Après, nous avions été seules. Et me voilà, je ne sais où, à profiter de l'extérieur.

- Tu vas attraper froid si tu continues comme ça. En plus il va bientôt pleuvoir.

- De la pluie ?

Depuis combien de temps n'ai-je pas vu de pluie ? Je la détestais avant, surtout quand je devais attendre à l'arrêt de bus, mais maintenant je ne rêve que d'une chose : la contempler. J'aimerais pouvoir attraper chaque goutte tombant du ciel et les célébrer une à une. Sentir mes vêtements s'alourdir sous le poids de l'eau, mes cheveux goutter dans mon dos... Toutes ces sensations oubliées, je veux les revivre à nouveau. Toutes, sans exception.

- Autant j'adore ton air excité à la simple idée de voir un peu d'eau, elle sourit, autant je n'ai pas envie que tu attrapes un rhume.

- Mais ça fait longtemps, je la supplie presque.

- Je suis responsable de toi, ce n'est pas pour avoir Anya sur le dos dès le début.

- Anya ?

- Une amie. Tu sais, ce pot de colle à la prison qui refusait de partir ?

- Et... tu es ma responsable ?

- Je ne réponds plus à aucune question tant que nous sommes dehors, elle sourit. Tu n'as pas envie d'en parler devant un chocolat chaud ?

- J'ai l'impression d'être un enfant qu'on essaye d'appâter.

- Est-ce que ça marche ?

- Maintenant j'en ai envie !

- Alors on y va.

Toujours son sourire accroché, elle m'emmène à l'intérieur d'un immense bâtiment. Nous prenons l'ascenseur qui nous emmène jusqu'au cinquième étage. Heureusement qu'il était là car je ne sais pas si j'aurais été capable de prendre les escaliers. Entre mon passage par une séance de torture et mes deux semaines de diète, je ne suis pas au meilleure de ma forme physique et je commence à fatiguer.

Nous arrivons finalement dans ce que je suppose être son appartement. La décoration est assez simple. De là où je suis, j'aperçois une cuisine ouverte donnant sur une pièce faisant à la fois office de salle à manger par la table et les chaises blanches à droite et de salon par le canapé noir faisant face à un écran de télévision à gauche. Plus loin j'aperçois un couloir menant certainement à la salle de bain et chambre.

- Assied-toi, je vais nous préparer de quoi nous réchauffer et te donner un peu d'énergie. D'ailleurs compte sur moi pour surveiller ton alimentation. Tu vas reprendre du poil de la bête, c'est moi qui te le dis.

Je la remercie d'un timide signe de tête en m'installant comme je peux sur une chaise. Je ne peux pas laisser mon dos reposer contre le dossier, la faute à mes blessures encore à vif, ce qui m'oblige à prendre une position assez particulière.

Elle revient au bout de quelques minutes, deux tasses fumantes en main.

La première gorgée me brûle presque la gorge mais je n'y fais pas attention. J'ai l'impression de revivre. Quand j'étudiais encore, c'était ma boisson d'examen. Certains boivent du café, moi je tenais avec du chocolat chaud.

- Doucement, il ne va pas s'envoler, elle rit.

- J'avais presque oublié le goût...

- C'était un signe qu'il était grand temps de sortir.

- Certains sont morts avant.

Je n'aime pas casser l'ambiance chaleureuse qui s'était installée entre nous mais j'ai peur. A chaque fois que j'avais l'impression que ma situation était sur le point de s'améliorer, c'est tout le contraire qui m'arrivait.

- Et d'autres ont survécus. Le clan Arkadia est en pleine démolition et chaque acteur de cet enfer sera puni pour ses crimes.

- Comment tu peux en être sûre ? Certains vont y échapper. Et peut-être recommencer ailleurs.

- Ce n'est pas impossible. Mais je pense que cette histoire va faire le tour du monde et si jamais quelqu'un venait à remettre un projet semblable sur pied, il y aura immédiatement des soupçons.

Je ne souhaite à personne de vivre ce que nous avons vécu.

- Et Madi ? Est-ce que je vais pouvoir la revoir ?

- Bientôt, promis. J'ai préféré commencé par te sortir de cette prison. Je sais que ta fille est entre de bonnes mains et il fallait rapidement te sortir de là si je ne voulais pas retrouver un cadavre.

- Je n'avais plus d'espoir...

- Et c'est normal. Honnêtement Clarke, je me demande comment tu peux encore être en vie. Pourtant tu es là. Tu es forte mais il t'arrive d'être fatiguée. Je te demande juste de ne plus jamais tenter de te tuer. Il reste encore un peu de chemin à parcourir avant de mettre tout ça définitivement derrière mais le plus dur est fait.

- Comment tu as fait pour me retrouver ? Je n'étais plus Clarke ou le numéro 319.

- Avec beaucoup de chances. Quand Anya m'a vue dans un état pitoyable, selon elle, j'ai été obligée de rester au repos tant qu'elle ne m'avait pas donné son accord. Je lui ai ensuite parlé de toi qui avait été vendue. Elle a fait quelques recherches d'après ton prénom mais rien à faire. Pourtant elle fait partie du FBI. J'ai même cru qu'elle se moquait de moi pendant un moment. Ce n'est qu'après t'avoir vue aux informations totalement par hasard que j'ai compris pourquoi. Et de fil en aiguille, j'ai appris où tu étais.

Au moins tous ces galas auront-ils eu une utilité. Pourtant, quelque chose sonne faux dans son récit. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Comme s'il manquait un élément.

- Et maintenant ?

- Maintenant il va falloir attendre. Anya m'a aidée pour aller plus vite et elle me fait confiance. Je me suis portée garante de toi. Tu es toujours surveillée pour ton passage en tant que Joséphine mais Clarke n'a rien à craindre. Et ce qui t'es arrivé n'étonne personne. Le mieux serait de trouver quelqu'un d'autre pour témoigner dans ce sens. Est-ce que tu aurais le nom de cette fille en section mécanique ?

- Je ne veux pas qu'elle ait de problème... Et si quelqu'un l'apprenait et lui faisait du mal ?

Un léger sourire vient éclairer son visage.

- C'est dingue, même dans cette situation tu continues à t'inquiéter pour elle. Elle ainsi que toute autre personne acceptant de témoigner sera prise en charge par un programme de protection des témoins. Il ne pourra rien lui arriver.

- Tu es sûre ?

- J'en suis certaine.

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