Chapitre 60

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Comment une personne que nous ne connaissons réellement que depuis quelques mois peut à ce point nous manquer ? C'est à n'y rien comprendre.

Moi qui pensais que cette petite discussion pourrait nous aider à renouer les liens avec Lexa, c'est complètement raté. Résultat, nous ne nous parlons plus du tout en dehors des choses indispensables. Comme par exemple pour s'organiser sur les différentes tâches. Et bien entendu, nous sommes très rarement ensemble.

Et le soir, ce n'est pas mieux. Bien que nous partagions la même chambre, elle s'arrange toujours pour venir bien après moi, prétextant des rapports à remplir. Je ne suis pas dupe, je sais qu'elle fait tout ça dans le but de nous tenir éloignées. Et ça me fait un mal de chien. Bien plus que ce que je n'aurais pu le penser. Elle est vraiment devenue quelqu'un d'important pour moi.

Plusieurs heures que je suis montée dormir. Impossible pour moi de trouver le sommeil. Je tourne et tourne dans le lit sans parvenir ne serait-ce qu'à me calmer. Cette histoire refuse de me lâcher. Il faut croire que j'ai atteint un point de non-retour pour en venir à refaire des insomnies. J'ai appris depuis un bon moment à profiter de chaque minute de repos possible. Et là, pour la première fois depuis très longtemps, j'en suis incapable.

Mon regard se perd sur le petit lit de Madi. Elle au moins ne semble pas avoir de problème la nuit. Et c'est tant mieux. Elle va grandir et pourra avoir une vie magnifique. Pas comme sa mère. Je me demande ce qu'elle fera une fois plus grande. Une littéraire ? Une matheuse ? Une artiste ? Une scientifique ? Au final, je m'en moque un peu. Tant qu'elle est heureuse, ça m'ira très bien. Je refuse de faire la même erreur que ma mère et de lui imposer une vie qu'elle ne souhaite pas.

Minuit est largement passé lorsque des bruits de pas se font entendre. Je sais que c'est Lexa qui monte finalement. Parfois, elle dort carrément dans le fauteuil. C'est arrivé l'autre jour, quand elle s'est rendue compte que je n'étais pas encore tombée dans les bras de Morphée. J'avais veillé sur Madi assez tard. Ce qui l'a forcée à retourner de l'autre côté, prétextant avoir oublié quelque chose. Elle n'est jamais revenue.

J'ai juste envie de hurler de frustration tellement cette situation me rend dingue. Et j'ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne trouve pas le moindre début de solution. C'est horrible, il n'y a pas d'autre mot pour décrire tout ce bordel.

Alors je ne bouge pas d'un poil tandis qu'elle s'installe doucement, en faisant le moins de bruit possible.

Son odeur a tôt fait de remplir les lieux. J'aimerais tellement pouvoir la serrer dans mes bras en ce moment même. Mais je n'en ai pas le droit, pas si je ne veux pas la faire fuir. L'avoir à mes côtés, à la fois proche et distante, est mieux que rien.

- Je suis désolée Clarke, elle chuchote.

Je n'ai pas besoin de ça Lexa. Et si tu es désolée, pourquoi nous imposer ça ? Tu es complètement incompréhensible.

La brune se penche légèrement jusqu'à effleurer de ses lèvres mon front.

- Je n'ai jamais voulu ça. Mais c'est mieux ainsi. Quand tout sera fini, il serait peut-être mieux pour nous deux de vivre un peu séparément.

Et sur ses derniers mots, je la sens s'allonger dans mon dos.

J'ai juste envie de pleurer. J'ai l'impression qu'on me déchire littéralement le coeur. Mais je dois me retenir si je veux éviter d'attirer son attention.

Je n'en peux plus, je suis physiquement et émotionnellement à bout. Le pire, c'est qu'elle aussi semble souffrir de tout ça. Pourquoi faut-il qu'elle soit un tel mystère ?

Demain, peu importe les bonnes résolutions que j'ai essayé de tenir, j'irai voir Luna. Et tant pis si je me fais détester. Au moins, j'en connaitrai la raison. Mais là, dans cette incertitude constante, ce n'est pas tenable.

Mes rêves ne sont pas paisibles cette nuit, bien au contraire. Et cette fois, alors que tous ces hommes et toutes ces femmes se rapprochent de moi, alors que Cillian s'énerve, Lexa n'est pas là pour moi. La seule et unique fois que je l'ai vue, elle s'éloignait de moi. Et j'avais beau lui courir après, l'écart se creusait toujours plus. A tel point qu'elle n'était plus rien d'autre qu'un simple point au loin.

Le sommeil, ce n'est clairement pas fait pour moi cette nuit.

Je ne me sens pas capable de repartir pour un tour. Pas sans la présence rassurante de la brune qui m'évite.

Je laisse mon regard se perdre sur le réveil tandis que les minutes défilent les unes après les autres. J'ai l'impression que le temps s'étire à n'en plus finir.

Le soleil n'est même pas encore levé lorsque je sors sur la pointe des pieds en faisant bien attention à ne pas réveiller la brune. Je sais que ses nuits sont relativement courtes, ce qui fait qu'elle est assez fatiguée dernièrement.

Un silence presque irréel m'entoure. C'est calme. Peut-être même trop calme. Mais en même temps, je me balade rarement dans ces heures ci. Nous sommes au milieu de nul part et tout le monde, à part moi, dort. C'est normal que l'on n'entende rien de particulier.

Je traverse le couloir avant de pousser doucement la porte de la seconde chambre. Les deux filles sont allongées, enlacées. Je ne peux m'empêcher de sourire face à cette scène attendrissante.

- Clarke, demande une voix ensommeillée.

C'est Luna. J'aurais dû m'en douter.

- Pardon, je chuchote. On... On se voit plus tard.

Non mais franchement à quoi je pensais ?

- Dis pas de bêtise.

Sans que je ne puisse rajouter quoi que ce soit, je la vois se relever avant de venir à ma rencontre. Elle m'entraine dans la salle de bain et allume la lumière, nous éblouissant par la même occasion.

- Qu'est-ce qui ne va pas, elle baille.

- Vraiment... ça peut attendre.

Je suis atrocement mal à l'aise.

- Je suis désolée de t'avoir réveillée... Je vais aller me recoucher et... on en parle demain ?

- T'inquiète pas pour ça, j'ai le sommeil assez léger. Et vu ton état, je doute que tu puisses te rendormir et moi je ne vais pas arrêter d'y penser, alors parle.

Je souffle. Pourquoi faut-il toujours que je me mette dans des situations pareilles ? Je dois avoir un véritable don pour ça.

- C'est à cause de Lexa pas vrai ?

Je relève vivement la tête vers elle.

- Comment...

- Ce n'est pas compliqué à deviner. Vous avez l'air toutes les deux au plus bas et c'est à peine si vous vous adressez la parole dernièrement.

- Si seulement c'était aussi simple...

- Oh mais je connais Lexa, une vraie tête de mule quand elle veut.

- Mais je ne sais même pas pourquoi elle s'entête.

- Tu n'en as pas la moindre idée ?

Je secoue négativement la tête.

- Je voudrais, pour pouvoir arranger les choses. Mais elle refuse de m'expliquer quoi que ce soit.

Je vois mon interlocutrice évite mon regard.

- Tu sais quelque chose, pas vrai ? je reprends.

- Possible, elle grimace. Mais je ne suis pas sûre d'avoir le droit de t'en parler. C'est à elle de la faire.

- Tu sais aussi bien que moi que cela peut prendre énormément de temps. Et je ne vais plus tenir. S'il te plait, j'insiste face à son silence.

La brune ouvre la bouche, sans doute pour me répondre, mais un léger bruit se fait entendre. Un bruit que l'on n'aurait certainement pas entendu si l'on dormait. Un bruit qui n'a rien à faire dans une maison endormie perdue au milieu des bois.

- Retourne près de Raven, maintenant, elle me chuchote. Et ne bougez surtout pas de la chambre.

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