Chapitre 9 - #13

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C'est sans discours supplémentaires que Ren avait amené Amélia au dehors, enfourchant vautour et skryn, ils prirent alors la direction inverse de leur destination originel. Remontant à travers le réseau ferroviaire, ils furent bientôt à l'extérieur des remparts et suivirent les multiples rails selon un parcours que le Spectre semblait avoir défini à l'avance. La jeune fille n'avait pas été spécialement heureuse de devoir quitter ce pourquoi elle était venue mais la perspective d'avoir le fin mot de l'Histoire sur ce qu'il était advenu de son grand-père ne souffrait pas de barrières. Le duo commença par longer les murs en direction du nord puis bifurqua à travers un dédale irrégulier où s'enfonçaient les rails comme dans une gorge naturelle davantage semblable à un canyon. 

La terre morte et le sable parcouraient leurs tenues avec toute la cruauté dont était capable l'aridité de l'endroit. Bientôt, ils furent hors de vue de la base des murailles dont seule la cime dépassait à leur arrière alors qu'ils continuaient à suivre la voie à l'intérieur de l'immense cavité. Cette formation géologique était-elle le fruit de l'Humanité ? De l'érosion par une antique coulée d'eau ? Amélia avait suffisamment étudié les phénomènes terrestres pour avoir une vague idée des hypothèses à formuler. Quoi qu'il est pu être par le passé, l'endroit était désormais sinistre, bon à recevoir des trains et pas beaucoup plus. Elle comprenait maintenant pourquoi l'unique moyen de transport rapide de l'Empire avait troqué les fenêtres contre des écrans ou des cabines plongées dans la pénombre. Il n'y avait plus rien à admirer au dehors.

Les rainures du vautour se mirent à luire d'une teinte rouge lorsqu'ils furent assez profondément enfouis sous les entrailles de la terre. L'odeur qui émanait de cette quasi-grotte témoignait de la sécheresse profonde qui affectait l'endroit. Pas l'ombre d'une plante ou même d'une vie quelconque, Amélia en était attristée. Les représentations verdoyantes de la Terre et l'espoir de revoir son monde l'avaient porté de nombreuses années durant lorsqu'elle avait douté de l'intérêt de poursuivre ses études. La destruction des skryns était censée permettre l'émergence d'un nouvel âge d'or et de prospérité. Mais l'état de décrépitude avancé de l'extérieur des cités ne laissait guère d'espoir même en cas de victoire. Tout sacrifier était un mal nécessaire avaient dit les Immortels.

Ils avancèrent plusieurs dizaines de minutes durant sans croiser l'ombre d'une menace ou entendre de bruits étranges. Finalement, à la lueur des phares de son véhicule, Ren émit un soupire criant de vérités. Amélia plissa les yeux et aperçut, au loin, une structure métallique commune bien qu'en mauvais état. D'un coup de talon dans le flanc du skryn, la jeune femme dépassa la moto pour briser les quelques mètres qui la séparait de l'épave, la luminosité naturelle de son compagnon gluant l'aidant à se diriger. Elle fut bientôt au plus proche de ce qu'il restait du fameux train qu'elle avait tant désiré retrouver.

Au sol, les rails étaient intacts et les décombres éparpillés des wagons laissaient entendre qu'une attaque avait eu lieu. Celle-ci avait causé le déraillement à haute vitesse puis avait disloqué la structure pourtant longiligne et continue du train. Sans quitter sa monture, Amélia ralentit la cadence et commença à contourner les débris, escaladant ceux qu'elle ne pouvait éviter. La majorité des dégâts constatés étaient dû au crash et dans un premier temps, elle ne put pénétrer à l'intérieur d'aucun des wagons éparpillés. Les premiers étant en trop mauvais état pour être exploré et les autres n'étant pas assez accessibles. Sautant sur les parties les plus robustes encore intact, le skryn chercha méthodiquement une porte ou une ouverture susceptible d'accueillir sa maîtresse.

En arrière, Ren ne perdait rien de l'étrange lien qui s'était tissé entre Amélia et la créature depuis qu'elle lui avait sauvé la vie. Non content d'avoir éclairci la teinte de ses rayures naturelles, cette opération avait retiré à la créature toute velléité contraire à la jeune femme. En vérité, et pour faire simple, elle avait tout simplement annihilé sa volonté propre pour que ses désirs supplantent les siens avec aisance. Connectés, ou presque, le Spectre regardait le duo aller et venir sans que les partenaires ne se parlent ou ne se regardent. Avait-elle recours à une méthode de communication mentale ? Pire... le skryn était-il soumis à ses désirs au point que le simple fait de penser ou de vouloir quelque chose déclenchait une réaction chez lui ? Si tel était le cas, alors Amélia avait probablement supplanté le Nueh dans le contrôle de l'entité. Les théories ne manqueraient pas une fois rentré au Centre.

Hellions : partie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant