La surprise se mua en stupeur qui se transforma elle-même en une sorte de soulagement. Qu'importe ce qu'ils faisaient ici, ils n'étaient pas des skryns. Alors que Seth faisait de son mieux pour analyser la situation, Amélia demeurait crispée. Elle sentait son coeur s'accélérer et un instinct primitif tiraillant commençait à faire naître les germes du besoin impérieux de se défendre sans qu'elle sache pourquoi. Quelques secondes passèrent et l'homme qui avait beuglé reprit de plus bel.
- On a dit à terre ! Grouillez-vous ou vous finirez en passoir ! Hurla-t-il, ferme. Lui ne tremblait pas et son escouade avait l'air tout aussi résigné.
- Attendez, amorça Seth en s'avançant au niveau d'Amélia, nous sommes en mission pour le Centre. Nous nous occupons d'une affaire urgente et ne représentons pas le moindre danger.
- Le Centre ? On les entendit murmurer. Alors vous êtes des putains de monstres, autant que ce qu'il y a dehors. J'ai dit à terre, me faites pas répéter ! Vous êtes des gamins mais ça change rien. Obéissez !
Seth se noyait dans la confusion en observant la réaction des militaires et Amélia remarqua la stupéfaction sur son visage lorsqu'une voix sourde envahit ses pensées. "Tues-les". Elle grinça des dents, pas maintenant. Tout, mais pas maintenant. "Tue-les, qu'est-ce que tu attends ?" murmurait Esath d'une voix mielleuse. "Ils ne sont pas là pour vous faire le moindre bien. Ils sont dangereux. Crois-moi. Tues-les" continua-t-elle. Amélia porta sa main droite à sa face contenant les pulsions naissantes que sa jumelle faisait naître au fond de sa tête et de ses entrailles. Voyant son attitude changer, l'un des soldats braqua sa lumière sur elle. Le chef présumé de l'escouade pointa Seth.
- Qu'est-ce qu'elle fiche ta copine, là ? Qu'est-ce que vous nous faites ?! On sait ce que vous êtes !
Ignorant les railleries qui commençaient à fuser, il tourna le dos à leurs agresseurs et attrapa les épaules d'Amélia.
- Regarde-moi. Amélia, regarde-moi. Lui lança-t-il d'une voix faible pour évité d'être entendu.
Elle s'exécuta. Ses yeux avaient peu à peu pris une teinte nacrée alors que ses traits se renfrognait, il n'était pas difficile de deviner qu'un conflit couvait en elle. Il se souvint de ses discussions avec Kain sur l'instabilité des résonnants et, malgré les voix hurlantes à son arrière, il entama ce qu'il put pour la calmer.
- Écoute-moi. Il n'y a pas de dangers. Tu m'entends ? Tu n'es pas en danger. Je vais m'occuper de ça. Tu dois fermer ta conscience, tu ne dois pas la laisser te contrôler.
Elle resta un moment sans répondre et, soudain, son visage se cristallisa en une expression dédaigneuse et amère.
- Qu'est-ce que tu sais du contrôle ? Qu'est-ce que tu sais d'Esath, hein ? Qui es-tu pour me dire ce que je dois écouter ou pas ? Sa voix fluette s'était renforcée et ses tremblements avaient laissé la place à un calme froid, mortel.
- Vous nous faites quoi là ?! J'en ai marre de me répéter ! Hurlait-on en arrière.
- J'ignore tout d'elle et de ce qu'elle te dit, c'est vrai. Mais je sais que tu peux perdre le contrôle et dans notre situation, ce n'est pas une option envisageable. Pense aux skryns, pense à la mission. Tu ne voudrais pas qu'on y passe tous. Si ?
- Mourir... tous ? Non. Je ne le désire pas, ça, j'en suis sûr.
Les voix au fond de son crâne s'étaient calmées lorsqu'il avait évoqué sa responsabilité, réactivant des souvenirs auxquels elle s'accrochait souvent. Les pulsions d'Esath commencèrent, doucement, à décroître et elle put reprendre peu à peu le contrôle de ses émotions. Il était rare qu'Esath tente à ce point de forcer pour imposer sa volonté. Avait-elle véritablement eu peur ? Voyant sa camarade un peu plus sereine, Seth lui adressa un sourire et pivota.
- Je vous assure que tout est sous contrôle, alors arrêtez de hurler ! Gronda-t-il à son tour, excédé.
Amélia eut à peine le temps de souffler qu'elle entendit deux charges retentirent. Ces dernières résonnèrent dans les parois alentour et envahirent les couloirs obscurs. Elle connaissait ce bruit, concevait ce qu'il signifiait. Lorsqu'elle releva la tête, Seth reculait de trois pas et portait la main à son poitrail. L'odeur de la fumée envahit ses narines et elle put sentir jusqu'aux fragrances jubilatoires de celui qui venait de tirer. Son esprit se brouilla à nouveau et s'y mêlèrent alors des torrents de rage et des fleuves d'inquiétudes. Le tumulte manqua de l'emporter lorsqu'elle entendit trois cliquetis sur le sol.
Elle porta son regard au sol et put s'apercevoir que trois balles, en piteux état, gisaient à terre. Elle entendit un léger ricanement sortir de la bouche de son camarade tandis que celui-ci se redressait. Il frotta visiblement sa tenue, surpris de n'y voir pas une goutte de sang. L'escouade recula sans osé ouvrir le feu une seconde fois.
- Je n'imaginais pas que nos tenues et nos corps étaient devenus si résistants... je nous pensais un peu plus humain que ça. Ce n'est pas n'importe quelle arme que vous tenez entre vos mains. C'est un modèle bien spécifique, hein ? Dit-il le plus naturellement du monde.
- J'avais entendu les rumeurs mais je n'imaginais pas que vous étiez aussi monstrueux. Vous avez plus rien d'humains.
- Cette affirmation n'est pas totalement fausse. Répondit-il en attrapant le bout de l'arme d'une main habile, lui arrachant son fusil des mains plus vite que n'avaient pu aller ses réflexes. D'un geste symbolique, il s'empara de l'objet et le brisa en deux sur son genou avant de laisser les morceaux retomber.
- Autrefois, le professeur Kain nous a dit qu'il faudrait peut-être des monstres pour tuer des monstres. Expliqua Amélia dont l'esprit venait d'être stabilisé par l'acte de son compère.
- Nous ferons ce qu'aucun de vous ne pourra jamais faire, c'est ainsi. Je vous ai dit que nous étions en mission, ne me forcez pas à me répéter. Vous n'êtes pas en mesure de faire face et vous ne le serez jamais. Conclut Seth en frottant ses mains l'une contre l'autre.
Au sein de l'escouade, les regards paniqués des soldats côtoyaient le regard incrédule de leur chef qui ne semblait pas encore avoir bien compris que l'on venait de lui retirer son précieux jouet pour le briser comme on fendrait du petit bois. Ils geignaient, maugréaient, maudissaient tout en reculant, ignorant ce qu'ils devaient faire. Leurs discussions prirent une autre tournure lorsque l'un d'eux fit remarquer que le sol était couvert d'une brume grisâtre et que celle-ci envahissait peu à peu tout l'espace.
Reconnaissant la signature caractéristique de Meta, Amélia et Seth restèrent sans bouger mais demeurèrent alerte. Après tout, ils n'avaient pas encore tout compris aux capacités de l'espion des Fantômes. En quelques instants, le brouillard avait envahi l'ensemble du tunnel et les grondements des forces spéciales se transformèrent en terreur. Si un humain normal n'aurait pu voir à plus de deux mètres devant lui, les deux hellions perçaient assez facilement la brume de leurs iris mutées. Ils purent ainsi voir les soldats tentés de s'enfuir puis s'effondrer, un par un. Amélia ne put réprimer un petit hoquet de surprise lorsque les corps frappèrent terre sans plus dire un mot.
Lorsque chacun d'eux eut enfin terminé d'émettre le plus petit son, la brume se dissipa et la silhouette de Meta apparut dans le lointain pour se rapprocher d'eux. Il enjamba les corps sans difficultés, un air blasé toujours bien affiché sur le visage.
- Sont-ils morts ? Demanda immédiatement Amélia, soucieuse.
- Absolument pas. Ils ont perdu connaissance et se réveilleront d'ici une trentaine de minutes. C'est suffisant pour que nous puissions faire ce que nous avons à faire.
D'un geste de la main, il leur fit signe de suivre et ils dirigèrent ensemble vers la fameuse porte aux diodes rouges.

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Hellions : partie 2
Ciencia FicciónDisclaimer : ceci est la seconde partie de Hellions ! Si vous n'avez pas lu la première, rendez-vous ici : https://w.tt/37JvCUS Un monde hostile. Un quotidien brisé. Une jeune fille blessée. Une tragédie. Amélia et ses pairs ont traversé l'horreur d...