Chapitre 9 - #14

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Arrivée dans l'étage inférieur, Amélia chercha Ren du regard sans le trouver. Celui-ci avait poursuivi sa route et avait, visiblement, forcé l'entrée de la voiture de tête à l'intérieur de laquelle se trouvait normalement la cabine des pilotes. Elle s'avança donc, passant la porte qui avait été forcé et traversant le large wagon dodelinant sa tête de droite à gauche pour observer tour à tour ce qui ressemblait à de toutes petites chambres plus proches du clapier que du lieu de repos. Certains machinistes, disait-on, passait presque une demi-vie à l'intérieur de ces obscurs véhicules à assurer le bon fonctionnement du train. L'activité ne cessait jamais, et les trains avec. De père en fille, de mère en fils, les familles dédiées aux contrôles des rames étaient anciennes et ne cédaient jamais ce privilège qui rapportait gros au-delà de son côté usant.

Les "quartiers" passés, la jeune fille pénétra dans la cabine de pilotage a proprement parlé. Elle y trouva Ren, assis sur une sorte de petite excroissance formant un banc le long de la paroi. Son regard, soucieux et inquiet, plongeait en direction des deux sièges où se tenait sans doute les cadavres des deux conducteurs. Sans un mot, elle s'y dirigea et le spectacle qu'elle y découvrit la troubla autant qu'il ne la gêna. Les deux pilotes, un homme et une femme, étaient eux aussi réduits à l'état de squelettes mais l'expression leur posture n'avait rien de l'air paisible qui semblait avoir entraîné les passagers. Eux, étaient cristallisés dans des positions d'une horreur indescriptible. Leurs os, fissurés par endroit, trahissaient des mouvements convulsifs si intenses qu'on en serait venu à penser que les diables avaient tenté de s'enfuir sans jamais y parvenir.

En l'absence de véritables traces de blessures, on pouvait en conclure que c'était bien autre chose qui avait mis fin à leurs jours. La peur, peut-être. Mais la peur de quoi ? L'état de ruines du train était fait de leur décès sans nul doute mais eux même n'avaient pas pu être pris d'effroi sans une véritable raison. On ne pouvait pas incriminer les skryns ... alors il ne restait que les humains. Les propos de Ren revinrent à son esprit et elle leva les yeux pour regarder le roux qui s'était attrapé le menton d'une main, l'air toujours préoccupé. La jeune fille passa derrière les sièges et s'approcha de lui.

- Finalement, tu avais peut-être touché juste. Il ne répondit pas. Tu as déjà des idées, j'en suis convaincue, alors ne tourne pas autour du pot, tu veux ?

Le roux resta impassible un temps puis se releva lentement, la forçant à reculer. Il adressa un jeune femme un regard qu'elle ne parvint pas vraiment à décoder, à vrai dire, son attitude global la mettait soudainement mal à l'aise. Elle ressentait comme une sorte d'hostilités, non, peut-être comme une coquille installée tout autour de lui. Ses traits faciaux,  normalement détendus en sa présence féminine, restaient fermés. Il ne la regardait plus avec cette sorte de tendresse mal habillée mais bien comme si elle était la dernière des soldates de toute l'armée impériale. Elle émit un grondement.

- Et je peux savoir ce qui te prend subitement, Ren ?

- Je n'ai plus rien à faire ici, trancha-t-il, sa voix élevée aux timbres tranchants qu'il employait habituellement avec les prétendants ou les Fantômes. Il pivota ainsi et commença à se diriger vers la porte.

- Oh, oh, oh. Tu vas rester ici et m'expliquer. Je peux savoir ce qui te prend subitement ?

Elle fit un pas en avant et tenta d'agripper son manteau, il se tourna aux trois quatre et cingla sa main du plat de la sienne, ses yeux de rubis la fustigeant comme si elle avait été la première malpropre venue.

- Tu ne comprends pas bien la situation, je te conseille vivement de rester là où tu en es et de tirer tes propres conclusions. Poursuivit-il sans daigner se retourner davantage.

Hellions : partie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant