Chapitre 8 - #4

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Amélia resta inerte quelques instants, sans doute un effet secondaire de l'état traumatique qu'elle avait l'impression de vivre. Ainsi, la réponse de l'homme mit plusieurs secondes à lui parvenir mais quand elle comprit, elle se renfrogna. Elle se sentit envahi d'images affreuses et repoussantes : Shion, Noth, les hellions, la créature bleue, les remarques de Kain. Un condensé d'émotions, de sensations et de passions enchaînèrent sa conscience. Ainsi ses traits se durcirent à l'attention de l'individu qui lui faisait face, celui-ci resta inerte à son endroit et poursuivit d'une voix détachée.

- J'avais hâte de faire ta connaissance, Amélia. Je n'avais que des suppositions à ton sujet. Tu es plus complexe et complète que je me l'étais figuré. Sa voix cristalline envahissait l'espace distordu où ils se trouvaient, le noir et le blanc s'entremêlant gracieusement et vrombissant sous ses mots.

- Où sommes-nous ? L'interrogea-t-elle prenant conscience de l'étrangeté du lieu où elle se trouvait. Bien entendu, elle s'était déjà fait la réflexion mais ni le cube d'Esath ni le torrent cumulé de charbon et d'orangé ne lui avait permis de le formaliser.

- Ils l'appellent l'Arche. L'homme posa son index sur son propre front. Leurs consciences vivent ici, elles palpitent, s'agitent et s'entremêlent. Ils se parlent en un langage que tu ne peux appréhender.

- Tout ceci est irréel, alors.

- Pourquoi le serait-ce ? Il eut un sourire, son premier. Certes, ton corps est toujours ton corps. Ta réalité est ta réalité. Mais à quel titre cet endroit ne serait pas réel ? Tu as bien un corps, ici aussi. Tu ressens. Tu penses. Tu entends.

Le calme des lieux permit à la jeune fille de reprendre le contrôle de ses propres pensées. Toute scientifique qu'elle était, elle formula la chose de la sorte : elle avait investi un réseau neuronal complexe si différent de ce qu'elle connaissait que la plongée en ce dernier lui avait totalement ravi ses autres sens. Elle ne s'était pas contentée d'entrer, elle avait été arraché à sa réalité physique.

- Ta théorie est correcte sans l'être, poursuivit Nueh visiblement conscient de ses songes, ici les pensées s'échangent. Tu ne peux comprendre le langage des Skryns et ils ne peuvent ouïr les tiennes. Grâce à l'Arche, moi en revanche, je peux comprendre ce que tu es. J'ai pu lire tant de choses en ta mémoire.

- Comment se fait-il qu'un monstre de votre sorte prenne apparence humaine au sein de cette cacophonie cérébrale ? Est-ce une ultime insulte à la mémoire de ceux que vous tentez de tuer ?

L'homme hocha négativement l'air attristé. Il regarda ses mains, son corps ondulant et lévitant continuellement dans le vide qui les encerclait sans jamais atteindre les teintes entremêlées tapissant la toile de fond qui les entourait.

- Je n'ai choisi cet état, aussi étrange que cela puisse paraître. Depuis ma naissance, je suis capable de me rendre ici et d'écouter les miens. Mais j'ai toujours eu cette apparence humaine et ait toujours été dans l'incapacité de me fondre dans le Grand Tout. Je suis à part.

- Le "Grand Tout" ? Demanda-t-elle, sa curiosité reprenant le pas sur sa détestation de cet être qu'elle s'était jurée de combattre ou tout du moins d'atteindre un jour. Elle n'était plus capable de véritablement le haïr car la somme de connaissances qu'il représentait lui était bien plus précieuse.

- Là où est tombée ta jumelle. Là où tu as failli te noyer. Tu dois te souvenir, ces couleurs fragmentées et envahissantes. Celles qui ont brisé votre petite conscience collective. Je sais que tu te souviens. Ce que tu n'as pas su comprendre ni décrire est le Grand Tout. Un ensemble de pensées homogènes où des esprits cohabitent en une union qui dépasse les règles de la pure coexistence. Une fusion totale.

Hellions : partie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant