Chapitre 7 - #11

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Les tirs de Dante prirent fin lorsque le dernier des assaillants s'étaient repliés, sans doute pris de court par la montée des skryns. Ceux-ci, loin d'en avoir terminés avec les deux initiés, hurlaient et vociféraient en des gargouillements atroces depuis l'autre côté. Conscient que le temps jouait contre eux, Dante attrapa le bras de Sélène et l'aida à se relever. Lorsqu'il voulut la trainer avec lui, il sentit une résistance. La jeune femme était figée dans une contemplation presque béat de ses paumes, comprenant bien vite de quoi il s'agissait, il entreprit d'attraper son visage pour la forcer à la regarder.

- Je sais, commença-t-il d'une voix forte, je sais ce que ça fait. Nous en parlerons plus tard, s'il te plaît, ne me laisse pas maintenant. J'imagine la décharge d'émotions que tu es en train de subir mais nous n'avons pas la moindre minute à perdre. Tu m'entends ? Tu es la plus rationnelle de nous deux alors mets toi un coup de pied aux fesses et bouge !

Comme il l'avait espéré, il en avait fallu bien peu pour ramener à elle cette guerrière née. Bien loin d'une Amélia très émotive, Sélène s'était toujours montrée forte et implacable, refusant de dépendre de qui que ce soit. Dante l'appréciait précisément pour cette raison et il fut soulagée de la voir reprendre ses esprits.

- Désolée un moment d'égarement, dit-elle simplement en secouant sa tête, on est mal barré et c'est rien de le dire. Tu as des idées ? J'en ai plusieurs si besoin.

Il lui fit signe de le suivre, passant la porte de la pièce pour déboucher dans un salon évacué en toute hâte. Déblayant ce qui devait l'être, ils furent bientôt en mesure de quitter l'appartement pour atteindre le couloir.

- Je pensais poursuivre le chemin comme prévu. Poursuivit-elle voyant qu'il ne relevait pas. Il paraît difficile de faire front seuls et je crois qu'informer Ith pourrait nous sauver la vie. Je déteste avoir à m'en remettre à quelqu'un mais au milieu d'une ville infestée, c'est mieux de compter sur quelqu'un d'expérience.

- Pas faux, nous avons donc le même plan de route.

Ils regardèrent à gauche puis à droite, difficile de se repérer dans ces vastes tours civiles dont les sinueux tunnels pouvaient parfois décrire des parcours atypiques. Étaient-ils encore orientés dans le bon sens ?

- Deux options, poursuivit Dante, monter tout en haut ou descendre tout en bas. Impossible de se repérer ici et nous avons besoin de voir l'objectif.

Avant que Sélène ait pu formuler sa réponse, des hurlements animaux provinrent des entrailles de la structure. Comprenant que les bêtes étaient sur leurs traces, ils n'eurent d'autre choix que de chercher les escaliers de service. Maudite technologie ! C'était à l'heure la plus grave que Dante réalisait combien leur monde dépendait de leur confort. Sans personne pour entretenir les structures, les IA et le courant : plus d'ascenseurs, de portes automatiques, de systèmes de protections. Ce qui faisait la facilité de son quotidien d'antan pourrait, il s'en rendait compte, lui coûter sa vie d'Hellions. Au fil de couloirs exiguës ou d'escaliers instables, il serait une proie des plus faciles pour une bête gigantesque comme un skryn.

Trouvant enfin l'accès de service, Dante défonça la porte d'un coup de pied et l'ascension débuta. Inconfortable et peinant à contenir une seule personne, cette voie jugée archaïque était peu adaptée à une course rapide pour échapper à un danger de mort. C'était presque comme si elle avait été pensé pour qu'un minimum de personne puisse sortir en cas de problèmes. Réduire l'espace. Une solution nécessaire dans un monde gouvernée par une logique de place toujours plus réduite et des cités inextensibles. Époque aberrante.

D'autres cris provinrent des étages inférieurs et il apparaissait que toute la tour tremblait. Les sens surdéveloppés des deux camarades leur permirent d'entendre le fracas des griffes dans le béton et le gargouillement malsain des gueules béantes prêtes à les dévorer. Ils accélèrent le rythme grimpant les marches quatre à quatre dans une course effrénée contre la mort elle-même, incarnée. Ils passèrent un palier, puis un second, et encore un. L'exiguë cage était interminable, combien y avait-il d'étages ? Dante maugréa.

Il parvint sur ce qui aurait dû être le onzième étage et constata rapidement que celui-ci était en large partie écroulée. Le mur censé couper les escaliers du couloir avait été pulvérisé et il se retrouva ainsi exposé au regard d'un skryn occupé à chercher on ne sait quoi au milieu de la façade éventrée. Il eut à peine le temps de saisir son arme que déjà la chose hurlait et se jetait vers lui, ses affreuses tentacules s'élancèrent en avant pour trancher le bout de son artefact avant qu'il n'ait pu s'en servir. Esquivant la seconde d'un saut de côté, il dégaina le bâton qu'il avait conservé accroché à l'horizontal derrière ses reins.

A peine eut-il saisi l'arme que celle-ci s'allongea légèrement de part et d'autres pour devenir une perche de métal dont émanait des vibrations ainsi que des petits éclats bleutés. Sans même prendre la peine d'analyser correctement la situation il se rua sur la créature avec toute la rage qu'il put trouver. Ses réflexes optimisés lui furent d'un grand secours lui permettant d'esquiver un coup de pattes et divers attaques portés par les appendices tranchants. D'un geste fluide, le bâton frappe le skryn sur le côté de la gueule et la créature perdit l'équilibre, reculant de quelques mètres. Le monstre ainsi repoussé, Dante n'eut qu'à se reculer pour laisser Sélène tirer plusieurs rafales. Transpercée à plusieurs reprises, l'abomination émit quelques gargouillements plaintifs avant de s'écrouler.

Ils ne s'arrêtèrent, gardant leurs armes au poing, ils fusèrent de nouveau par l'escalier priant pour que leur périple prenne rapidement fin. L'état de la structure était largement détérioré dans ses hauteurs et l'espace ridicule qui leur servait à évolué dans les niveaux inférieurs se trouva augmenté par l'absence de telle ou telle paroi. Quatorze, quinze... enfin ! Dante arriva en vu de la porte gardant l'entrée du toit, épaule en avant, il la défonça avec aisance. L'aveuglante lumière du jour le paralysa un instant avant qu'il ne puisse se repérer. S'étala alors devant lui un paysage apocalyptique car, depuis les hauteurs, les buildings détruits et la fumée des combats menés aux quatre coins de Noth lui parurent bien plus significatives que ce qu'il avait observé depuis le sol.

Était-ce l'impression de gigantisme ou l'horreur d'une invasion à grande échelle qui l'empêcha de réfléchir pendant de trop longues secondes ? Il n'aurait su le dire. Lui et Sélène s'activèrent, pivotant pour parvenir à se repérer dans cet espace dégagé. Ils aperçurent, à leur droite la structure dont ils venaient et comprirent que leur objectif était logiquement placé en sens inverse. Le toit, en lui-même, était éventré par endroit mais demeurait relativement stable et c'est avec espoir qu'ils prirent la fuite en direction du nord. A quelques dizaines de mètres se trouvait leur salut car d'un saut ils seraient en mesure d'atteindre un autre bâtiment, puis encore un autre jusqu'à parvenir jusqu'à leurs alliés.

La Réalité, pourtant, se voulut plus implacable que jamais et ils cessèrent leur course lorsqu'une patte aberrante émergea sous leurs yeux pour s'agripper au rebord qui leur faisait face. Dans un rugissement retentissant, un nouveau skryn se hissa sur le toit bientôt suivi par un second. Sur chaque flanc, trois créatures suivaient les pas de leurs congénères et à leur arrière, dans un tonnerre de gravas, un dernier émergea depuis les escaliers empruntés plus tôt. Dante raffermit sa prise sur son bâton et Sélène déglutit. Neuf. Neuf horreurs tout droit sortis de leurs cauchemars les encerclait maintenant.

Ils tremblèrent. Ils ne surent, cependant, s'il s'agissait de la peur de la mort ou l'excitation de la défier...

Hellions : partie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant