Chapitre 6 - #18

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Dante était perplexe, il glissa ses mains dans les poches de son pantalon et se contenta de regarde Road pendant quelques secondes.

- Votre Humanité ? Qu'est-ce que ça signifie exactement ?

- Je te l'ai dit, non ? Devenir un Spectre c'est renoncer à son humanité d'une certaine manière mais même en y renonçant, elle est toujours là. Vibrante, trépidante, puissante. Ce qui se trouve au-delà de cette porte représente cette chose perdue qui nous animait autrefois. Elle existe mais elle est sous contrôle, elle est dans cette pièce.

- Comment peut-on ... mettre un concept aussi abstrait que l'humanité dans une pièce ? Et pourquoi l'avoir scellé ? Il passa sa main sur l'étrange mécanisme métallique qui verrouillait l'ouverture. Cette serrure est pour le moins bizarre. Elle s'actionne en y déposant la main ?

- Oui. Road lui saisit la main avec délicatesse. Mais ne t'y risque pas... c'est un endroit sacré pour nous. Il n'y a qu'une seule personne qui ait le droit d'ouvrir la porte et cela n'arrive qu'en de rares occasions.

- Un seul Spectre ? A supposé que votre humanité soit, d'une façon ou d'une autre, derrière cette porte cela signifie que vous êtes dépendant de quelqu'un pour y avoir accès ?

- Entre autre. Répondit-elle à voix basse, maintenant ses deux mains agrippée à la sienne.

- Pourquoi avoir accepté une telle chose ? Qui le pourrait ?

- Cela nous force à avoir foi les uns dans les autres, à s'unir pour une seule cause, à faire parti d'un tout. Nous formons un bloc qui ne s'effrite pas et qui suis les pas d'un seul meneur, d'un seul maître. Elle tortilla ses doigts entre les siens. Un certain nombre de spectre pourraient, s'ils le voulaient, détruire cette porte. Elle ne possède que son poids et son épaisseur pour elle, c'est une relique facilement destructible. Mais aucun ne l'a jamais fait et aucun ne le fera jamais. Personne ne rentre de force chez les Spectres, nous avons tous choisi cette voix.

- Je me demande bien pourquoi. J'ai compris ton histoire mais je continue à me poser mille questions au sujet d'un tel choix. Le groupe des Fantômes me paraît tout aussi efficace et bien plus modéré.

- C'est une apparence, je te rassure. Ils sont moins efficaces et je te le dis en toute honnêteté, je n'ai rien contre eux bien au contraire. Mais ils refusent, bien souvent, de consentir à la notion de sacrifice pour le bien commun. Ils pensent être capables de défendre la liberté collective en permettant la sauvegarde individuelle. C'est une abomination... et une utopie.

- Pourquoi cela ? Demanda-t-il, cherchant à pousser le raisonnement. Road se rapprocha et posa sa tête contre son torse. Sa voix s'emprunt d'un ton confessionnel, serein.

- Nous affrontons un ennemi qui n'a rien d'un humain. Il ne ressent ni amour, ni compassion. Il n'a conscience ni de la pitié ni de la douceur. Il vit pour nous exterminer dans le plus pur des appareils... c'est un conquérant. Road laissa un temps passer.

- Pour que le plus grand nombre soit sauvé, une petite masse doit se battre. Cette masse guerrière servira de caution, de capital survie. Elle a les mains sales... du sergent faisant charger sa compagnie dans une ruche dont il sait qu'aucun de ses camarades ne reviendra au scientifique utilisant la guerre pour expérimenter des armes analytiques pouvant tuer de bons soldats. Cette petite masse sacrifiée doit souffrir et mourir pour que puisse l'Humanité puisse poursuivre son chemin. La jeune femme resserra son étreinte sur Dante, elle ne le regardait plus, le visage niché contre lui.

- Les Spectres épousent cette philosophie, nous sommes tous prêts à sacrifier ou à être sacrifiés si cela nous offre une chance de faire survivre le plus grand nombre. Les Fantômes tentent de protéger les individus tout en protégeant la masse. Ils refusent le sacrifice, ils sont dans l'optimisme constant et bien souvent dans l'immobilisme le plus complet. Ils sont ... inutiles en quelque sorte. Tu ne tarderas pas à t'en rendre compte de toute façon...

- Sans doute, oui. Je n'étais pas spécialement enjoué à l'idée de me battre à leurs côtés de toute façon. Road se délia de Dante et le scruta avec un petit air espiègle.

- Vraiment ? Tu aurais préféré combattre à nos côtés ? Demanda-t-elle, tout sourire.

- A choisir entre ceux qui ont tenté de me voler mes souvenirs et vous, je vous prends sans hésiter mais que veux-tu. Il soupira. De toute façon, maintenant, c'est acté. J'aurai sans doute l'occasion de vous voir à l'oeuvre une autre fois.

- J'en suis convaincue, tu feras peut-être un bon Spectre au final. J'ai toujours su que nous avions raison de mettre nos espoirs en toi.

Dante haussa les sourcils, intrigué. De quoi parlait-elle cette fois-ci ? Elle ne pouvait s'empêcher d'énumérer de nouvelles énigmes. Chaque fois qu'elle le faisait, elle avait ce petit rictus amusé sur le visage. Le faisait-elle exprès ? Si oui, il n'y discernait rien de malveillant.

- De quoi parles-tu, maintenant ?

- Quand votre promotion s'est réveillée nous avons bien entendu parlé de votre intégration aux Spectres et nous avons débattu de vos potentiels. J'ai toujours soutenu que tu te montrerais largement à la hauteur malgré ton statut d'éternel second. Ils étaient assez peu à aller dans mon sens mais Ren a soutenu mon initiative. Nous avons parié que tu serais capable d'éveiller rapidement des capacités hors normes et que tu comprendrais notre philosophie. Quelque part, nous avions raison.

Ils avaient donc bien réfléchi et planifié certains recrutements en amont comme il le pensait mais Road écartait, de par son témoignage à priori sincère, toute volonté de manipulation. Dante était perplexe, plus il côtoyait les Spectres et moins il les imaginait en grands comploteurs. Ils étaient, sans aucun doute, brutaux et possédaient une pensée pour le moins extrémiste avec un sens du sacrifice exacerbé. Mais leur confiance en eux balayait d'éventuels soupçons de manipulation de leur part. Après tout, s'ils ne se considéraient que comme des pions volontaires, pourquoi auraient-ils besoin de recruter en échafaudant des plans ? S'ils se considéraient comme une élite privilégiée de par sa vision alors cela ne faisait pas sens.

Tout en écoutant sa camarade parler, Dante finissait de dresser sa cartographie de ce groupe pour le moins étonnant. Finalement, tout était question de point de vue quand on y regardait bien. Mais pourquoi les Fantômes véhiculaient-ils une image si négative des Spectres ? Même s'il n'avait pas encore eu accès à ce qu'il cherchait, Dante refusait désormais de voir ce groupe à l'idéologie douteuse comme un véritable vecteur de destruction ou de pur sadisme. Pire, il confirmait les intentions répréhensibles des Fantômes. Ce qui lui manquait, c'était le motif.

- Je suis touché, si l'on peut dire, que vous ayez pensé à moi. Répondit-il sobrement. Je vais devoir prendre congé maintenant, Road. Je dois reparler à Seth et nous devons nous préparer pour Noth. Il y a des sujets que je dois abordé avec lui. Tu ne m'en veux pas, j'espère ? Demanda-t-il faussement, déjà investi de la réponse.

- T'es bien bête de croire que je peux t'en vouloir pour si peu. Elle laissa échapper un petit sourire. Je ne te retiens pas plus, vas-y.

Sans demander son reste, il prit donc le chemin inverse et s'évanouit dans les couloirs du secteur Spectre pour finir par le quitter sans la moindre encombre. Demeurée seule près de la grande porte Road réfléchissait. Elle colla son dos au bois massif et se laissa glisser à terre, prenant sa tête entre ses mains. Quelques flashs imprécis, images fugaces et propos fermes traversèrent son esprit, elle se mit à rire. Seule dans ce couloir sordide, elle riait aux éclats au point de s'en arracher des larmes.

L'avenir serait-il clément ou brutal avec eux ? Elle s'en fichait bien car bientôt il la rejoindrait et abandonnerait son Humanité. Elle le savait.

Hellions : partie 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant