Hellions : partie 2

Chapitre 9 - #16

Les déferlantes colorées vibraient des assauts démultipliés du trio. Les machines, elles, poursuivaient leur implacable charge. Deux d'entre elles, trop sévèrement touchées, s'écrasèrent au sol peu avant de les atteindre. Le blindage de leur semblable, hélas, empêcha plus d'entre elles de connaître le même sort. Dante s'élança à la rencontre de l'une, son sabre au clair. Il passa latéralement et tenta de faucher son opposant métallique d'une frappe directe. Celui-ci s'arrêta sur place, sa lame au poignet vint intercepter celle du jeune hellion. Appliquant les tactiques qu'il avait étudié, il se replia légèrement, enchaînant une série de frappes pour le moins précises mais qui ne furent que d'un intérêt limité. Les cruels assassins compensant leur absence d'amélioration bio-psychique par leur résistance et des IA particulièrement efficaces.

Forcé à reculer, le bretteur eut bientôt à subir le courroux d'une seconde machine qui vint en renfort de la première. Depuis l'arrière, la moitié du groupe mécanique pilonnait leurs positions, forçant le duelliste à mener bataille derrière quelques panneaux écroulés alors que ses compères se mettaient à couvert rendant tir pour tir. Le blond peinait à repousser les assauts calculés et simultanés de ses deux adversaires. A l'abri des tirs de précision, il ne pouvait compter que sur un espace limité pour se déplacer et son sabre ne pouvait être à deux endroits à la fois. Esquive à gauche, roulade à droite, retour à gauche, parade. Ses mouvements, bien que pertinents, ne lui offraient aucune possibilité de contre-attaque. Son statut de hellion lui offrait une endurance surclassant celle de n'importe quel être humain mais ne l'exemptait pas de ressentir fatigue et lassitude.

Lentement, elles prenaient le dessus sur lui. Bien sûr, il pourrait recourir à ses dons particuliers et produire de prodigieux éclairs qui lui assurerait une victoire rapide. Mais si le combat éprouvait ses réserves de façon très limitée, le déploiement de ses capacités psychiques inégalées en consumaient bien davantage. Hors, il aurait besoin de toutes ses forces pour mener à bien la rescousse d'Amélia. Entre le marteau et l'enclume, il se résolut à s'en tenir à un combat rapproché, déviant les attaques les plus grossières et esquivant celles qui auraient pu lui coûter plus cher. C'est de Seth que vint, finalement, la solution qu'il espérait tant. D'un tir précis, son camarade avait fait pleuvoir une salve rougeâtre dans le dos d'une des machines. Touché à la nuque et à l'arrière d'une jambe, l'androïde avait perdu le fil du combat ce qui permit au Hellion de se concentrer sur son éradication. Un coup de lame plus tard, sa tête roulait à terre alors que les assauts du second humanoïde se faisaient plus violents. 

Sélène, revolvers en mains, faisait feu de toutes ses armes. Les projectiles mauves et bordeaux qui éructaient de ses armes fracassant sans distinctions ennemis et décors dans un tumulte d'éclats luminescents. Les machines ne se mettaient que peu à couvert, la plupart des tirs ricochant sur leur épaisse cuirasse de titane alors que leur avancée se faisait toujours plus menaçante. Arrivée au même constat que Dante, elle ne put se résoudre à mener une trop longue bataille contre des ennemis si imprévus au programme. La distance rendait difficile l'efficacité de ses attaques ? Il n'y avait qu'à la réduire ! C'est ainsi que, pivotant après avoir aidé son frère d'arme, Seth ne put qu'apercevoir la forme vague de sa consœur passer au-dessus du cadavre de grue qui lui servait d'abri jusqu'à lors pour se ruer vers des positions plus avancées au beau milieu des attaques ennemies.

Courage ou folie ? Il ne le savait guère. A peine comprenait-il la frustration de ses pairs à ne pas recourir à leurs aptitudes fantastiques. Tout juste hellion lui-même, dépourvu de dons extraordinaires jusqu'à preuve du contraire, il voulait s'assurer que cette mission - probablement la dernière menée comme recrue du Centre - serait la plus brillante qu'il ait accompli. Allant à l'encontre du bon sens, il sortit à son tour de sa cachette, appuyant sur la gâchette tant qu'il le put afin que les faisceaux rouges et décolorés de son arme s'abattent sur les machines. Les deux jeunes gens, par leur audace, provoquèrent une demi-seconde d'hésitation au sein du programme des cruelles machines. Avaient- elles hésité à les tuer ? Si oui, pourquoi ? De cette chance, ils se saisirent sans chercher à en savoir plus. Les attaques de Sélène mordirent au but, endommageant les bras valides des entités les plus lointaines et transperçant deux crânes.

Seth, de son côté, parvint à mettre à mort l'un des androïdes d'une attaque au poitrail. Il se replia ensuite vers un panneau abattu non loin pour éviter la riposte qui ne se fit pas prier. Il cessa ses attaques et observa la bataille. Au loin, il aperçut le combat de Dante se poursuivre à l'avantage de son camarade et se rassura sur son avenir immédiat. Tournant la tête pour s'enquérir de l'état de Sélène, accroupie à l'arrière d'un tas de poutres, il eut la présence d'esprit d'élever le regard. Il se glaça. L'un des monstres métallique s'était rendu dans les hauteurs et s'apprêtait à sectionner un câble de suspension retenant un ensemble de larges tubes d'acier. La lame trancha. Le jeune homme abandonna son arme à terre et se rua vers sa compagne de combat. D'un bond, il se jeta vers elle et la poussa alors que les épaisses armatures se trouvaient à quelques mètres d'eux.

Sélène, prise dans son combat, n'avait en rien remarqué le danger qui la guettait. Projetée sur le côté, elle reconnut le visage paniqué de Seth et comprit, à l'ombre menaçante sur le sol, de quoi il retournait. Elle fit une roulade à terre et tendit la main vers son ami alors que la masse métallique s'écrasait sur le plancher, provoquant un large trou dans celui-ci. Leurs doigts se frôlèrent mais la gravité fut plus forte que la poussée, et si Seth ne fut pas enseveli par les décombres, il chuta. La jeune femme ne put que le regarder choir vers l'immensité noire du contrebas alors que d'autres épais projectiles s'abattaient depuis les hauteurs. Un cri de Dante la ramena à la raison et elle se remit à couvert, reprenant ses armes au passage. Il s'en sortirait. Il le fallait.

Oui, il tombait à une vitesse grandissante, mais Seth ne s'était pas résigné pour autant. Il retint de ses deux bras tendu la plaque de métal qui tenta de l'écraser tout juste après sa disparition dans les abysses. D'un reflexe, il rabattit son masque sur son visage et se prépara à un impact qui surviendrait dans les prochaines minutes. Au loin, déjà, les échos du métal plié et brisé sur le plancher le plus bas pouvaient être entendu. Conscient de sa vitesse et du peu de temps qu'il lui restait, il prit un risque insensé mais nécessaire. Appuyant pied et main sur le quasi-édifice qui lui faisait face, il se propulsa toujours plus vite vers les ténèbres. Il parvint à agripper deux restants de barres d'acier dans leur chute et les projeta de toute ses forces vers le haut. Celles-ci filèrent se planter dans la plaque depuis laquelle il s'était propulsé.

Il eut un doute, un instant. Cette masse allait-elle le rattraper à temps ? Il tenta de se ralentir, frappant de ses bras et de jambes le moindre débris à sa portée pour se stabiliser ou même remonter de son mieux. Bientôt, enfin, il fut de nouveau à portée. Le sol était proche. Il se colla de tout son corps contre la paroi d'acier, entortillant ses membres autour des deux solides pieux fichés précédemment. Il imprima un mouvement de balancier, usant de toutes ses forces pour faire pivoter la plaque dans l'autre sens. Il espérait que les deux barres suffiraient à retenir les débris qui viendraient du haut. Pour l'impact, il s'en rendait au destin. Il ferma les yeux, compta les secondes. Bientôt, l'armature toucha terre dans un capharnaüm de sons enchevêtrés et de presque cris stridents, ceux caractéristiques des alliages pliés ou pulvérisés.

Seth ne se cogna heureusement pas, toujours collé à la plaque, mais ressenti toutes la secousse et la puissance des vibrations. Son corps entier s'engourdit et se raidit. Certains de ses os se fêlèrent sans nul doute et il ne put qu'émettre un cri horrifié alors que le reste des débris l'enterrait progressivement sous une vague de titane. Le poids augmenta ... les barres tiendraient-elles ? L'une céda en partie, puis l'autre. Il ne put qu'attendre la résolution finale de la pluie qui l'entourait. La lumière quitta le peu d'espace qui lui restait lorsque le dernier impact se fit entendre.

Il y eut le noir, et plus rien d'autre.