Hellions : partie 2

Chapitre 9 - #7

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La vue des remparts autrefois blancs et protecteurs devenus la proie de la mucosité rampante des skryns avait eu chez Amélia un effet repoussoir si profond que sa curieuse monture s'était immobilisée quelques instants avant de pénétrer dans la cité. Le temps avait passé à une vitesse accélérée depuis les événements malheureux de ce jour fatidique. Elle s'en était aperçue tout en fixant les murs du tunnel qui la menait doucement vers la sortie. La jeune fille éprouvait des sensations désormais mitigées à l'égard de ce qui fut son ancienne vie, louant son innocence et sa paix pour mieux critiquer l'aveuglement béat dans lequel elle nageait durant ses jeunes années. De tous ceux à qui elle avait pu parler depuis sa plus tendre enfance, au fond, il n'y avait guère que ses parents qui s'étaient approchés un temps soit peu de la vérité.

Le curieux skryn qui l'avait porté plus de cinq jours durant n'avait souffert aucune protestation lorsqu'elle avait émis l'idée de passer par un lieu particulier pour rentrer au bercail bien que cela force la créature à accepter un détour avant de la mener auprès de Nueh. La lumière d'un jour gris perça à travers les ténèbres et ils émergèrent ensemble sur des rails dans un état relatif de conservation, entre deux quais méconnaissables. 

Ici, elle visualisait les tubes d'ascensions. Là, c'était les vieux distributeurs de boissons. Elle se souvint d'une sortie scolaire qui l'avait amené à prendre un tram pour une autre cité à partir de cette gare précise. Chassant l'idée de sa tête, elle tapota le dos de son nouveau compagnon qui, d'un bond, les extirpa des lieux pour amorcer sa descente de quelques mètres en direction de ce qui fut un espace vert florissant.

Comme sentant son trouble, la monture ralentit son allure pour marcher au pas, alors qu'Amélia contemplait l'état de délabrement du parc de la gare où elle s'était promenée il y a tant d'années. Oui, elle avait voulu passer par l'entrée sud-ouest de Shion et retrouver ce quartier pavillonnaire en marge des bâtiments de la grande ville. Cet endroit où elle avait vécu. 

L'hétéroclite duo déambula à travers les arbres envahis d'un lierre noirâtre avant de passer un arche et de revenir sur la route principale reliant les différentes maisonnées du bourg. Toutes similaires, de mêmes dimensions, de mêmes formes, avec des proportions et une allocation de terrain égal. Même en ce lieu privilégié où la verdure avait côtoyé la civilisation, une sorte d'égalité imposée avait toujours régnée.

La jeune fille n'y avait jamais vu de problèmes lorsqu'elle faisait partie de ce monde mais à bien y réfléchir, cette dimension égalitariste lui paraissait plus que biaisée à la lumière du périple qu'elle avait accompli. Ses aventures, aussi tragiques qu'instructives, lui avaient donné un nouveau miroir de contemplation ainsi que des clés de compréhensions différentes. Le confort et l'ignorance n'avait sauvé aucune des âmes qui avaient vécu ici. Sans doute, tout au plus, les gens d'ici avaient-ils eu plus de chances que ceux du centre ville où l'attaque avait débuté ? Mais rien n'était moins sûr. 

Un regard distrait confirma que l'état global des habitations étaient bien meilleur ici qu'ailleurs n'en déplaise au mucus qui attaquait de larges parcelles de ces dernières sans parvenir à les faire s'effondrer pour l'heure. Les parties visibles du sol ne révélaient que de très rares traces de luttes et aucun squelette ne venait s'imposer à sa vision désabusée. Peut-être que la substance noire les avait digéré depuis longtemps ? Chaque lampadaire encore lui rappelait d'étranges souvenirs de balades et de jeux. 

Comparativement aux enfances de Seth, Dante et Sélène, peut-être avait-elle joui d'un confort inespéré dans un monde prétendument parfait ? Elle n'appréciait pas les comparatifs mais force était d'admettre, au regard de cet environnement ou de ce qu'il en restait, qu'elle avait grandi dans un cadre particulier. Y'avait-il eu vraiment des combats dans ce petit pavillon reculé ? Quelques impacts de balles ramenaient parfois un peu de réalité au milieu des fantômes en relative paix de cette mixture privilégiée.