quatre-vingt-neuf

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Le ciel est gris, la pluie est froide, le vent claque contre le visage de Sacha qui pince ses lèvres et tourne sa tête vers l'enseigne qu'il longe depuis déjà plusieurs secondes, tout en étant perdu dans ses pensées

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Le ciel est gris, la pluie est froide, le vent claque contre le visage de Sacha qui pince ses lèvres et tourne sa tête vers l'enseigne qu'il longe depuis déjà plusieurs secondes, tout en étant perdu dans ses pensées.

Les poings serrés dans son bomber, il arpente la rue puis et en emprunte une autre par la suite, pour finalement arriver devant la maison dans laquelle il entre avant de faire le constat que celle-ci est cruellement silencieuse.

Des cartons sont empilés, de la poussière s'est déjà installée, mais quelques meubles n'ont pas encore été transportés, alors il en profite et s'assoit sur un fauteuil situé au beau milieu de la pièce qui est censé être celle de vie, et soupire en baissant la tête.

La photo froissée qu'il a ramené ici il y a quelques jours n'a pas bougée, elle est toujours sur le parquet, à la même place que quand il l'a laissé.

Pendant des heures et des jours le jeune homme s'est questionné, à ressassé, à s'en rendre malade, sans parvenir à y voir clair.

Une seule solution lui semble être évidente, mais aussi tellement délicate à aborder, à évoquer.

Le blond ferme les yeux, et se souvient de tout ce qu'il a pu ressentir de bon, de mauvais, de contradictoire. Il se souvient de tout ce qui a fait qu'aujourd'hui, il en est ici.

Il n'a su anticiper, s'est laissé porter par la situation devenue chaotique si rapidement, qu'il est resté passif face à l'enchaînement dangereux des précédents événements.

Le calme qui règne dans le logement est la première chose qui l'a aidé ces derniers jours. Cela lui a permis de se recentrer sur lui même et sur ses émotions, c'est pourquoi il est devenu régulier pour lui de fouler le chemin menant jusqu'ici, jusqu'à cette maison qu'il s'apprête pourtant à quitter.

Ici, son esprit se met sur pause et tout retrouve sa couleur, les murs deviennent plus blancs que blanc, le soleil réapparaît, les tableaux ne sont plus penchés, tout reprend enfin vie.

Tout redevient comme avant.

Tellement qu'il croit même entendre des voix, des rires, qui le poussent à se lever du fauteuil pour aller de pièce en pièce, avant d'emprunter les escaliers et se rendre à l'étage où il fait le constat qu'une fenêtre est grande ouverte.

Le jeune homme avance jusqu'à s'arrêter devant l'encadrement de cette dernière, et il se retrouve incapable de la fermer puisqu'il contemple désormais l'étendu de la mer qui est particulièrement agitée.

Elle a évoqué la noyade, la peur, le tourment, le fond, et le point de non retour.

Tout fait sens, se lie et s'illumine dans sa tête, la mer face à lui l'aide à imager ce qu'il a pu lire derrière la photo qu'il a reçu il y a plusieurs jours, et il comprend qu'il est le dernier maillon de la chaîne, celui qui a le pouvoir de la lier de nouveau.

Puisqu'il faut se libérer désormais, il faut évacuer.
Il faut crever l'abcès.

Même si la réaction du monde autour de lui a été radicale et que personne ne semble vouloir élucider ce qui se révèle être une sorte d'énigme, il sait que cela peut prendre du temps, mais qu'au final, la curiosité l'emportera, ainsi que le manque, et surtout l'amour.

Sacha le sait, il est bien placé pour affirmer que tout est juste une question de temps, et il en a la confirmation quand des crissements de pneus se font entendre et qu'un moteur se coupe.
Le jeune homme tourne alors la tête et abandonne sa contemplation de la mer pour observer Jaden qui ne l'a pas encore remarqué et qui avance pour finalement s'engager dans le jardin avant d'ouvrir la porte d'entrée de la maison.

Une fois à l'intérieur, le tatoué se fige et fronce les sourcils en scrutant les alentours, en étant craintif, et ralenti la cadence de ses gestes.

- Y'a quelqu'un...?

Le brun lève la tête quand il comprend qu'une personne est bel et bien présente. Sans savoir qu'il s'agit seulement de Sacha qui est toujours en haut et qui vient seulement de fermer la fenêtre, puis qui sort de la pièce pour descendre et rejoindre l'étage où le nouvel arrivant est encore immobile devant la porte d'entrée, qu'il n'a pas refermé derrière lui.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

Les deux se regardent, leurs mâchoires se crispent presque en même temps alors qu'ils se retrouvent l'un en face de l'autre, avant de tourner la tête, encore une fois presque en même temps, quand le portail s'ouvre et qu'Aïden fait son apparition.

Le silence reprend possession de la maison.
Pour Sacha le lieu perd à nouveau ses couleurs, Jaden lui, a l'impression que les murs se resserrent, alors qu'Aïden ferme les yeux un quart de seconde en prenant une grande inspiration.

- Bon vas-y bah j'me casse

Le métis ouvre brusquement les yeux et fronce les sourcils quand Jaden face à lui s'engage vers la sortie, avant de se faire retenir par Sacha qui attrape son poignet, et qui murmure :

- Reste, s'il te plaît reste

Un mine de dégoût prend possession du visage de Jaden qui fait en sorte de s'échapper de l'emprise du blond qui lui, recule d'un pas, et qui tourne la tête pour fixer la photo encore échouée sur le parquet.

Les trois hommes suivent du regard ce qu'il observe, et se figent sans dire un mot.

Cette fois c'est le tatoué qui prend une grande inspiration, tandis que Sacha a l'impression d'étouffer, mais se fait force pour avancer alors que la photo, entraînée par un coup de vent à cause de la porte toujours ouverte, se tourne du côté où l'écriture qui le hante encore est visible.

Jaden se baisse, déglutit difficilement, et saisi le cliché pour l'observer, avant de lire les inscriptions au dos :

« J'avais l'impression de me noyer, et de t'entraîner avec moi. J'avais constamment peur, et au final je suis persuadée qu'on aurait dû s'écouter. Au final on s'est enfoncé, et on a touché le fond avant de remonter à la surface.

Et une fois la tête hors de l'eau, le plus dur n'a pas été de partir, mais de réaliser que je ne pouvais plus rester. »

Le brun se maudit d'avoir les yeux vitreux et d'entendre intérieurement une voix lui lire ces mots qui retournent son âme, ainsi que son cœur, et qui lui font réaliser qu'effectivement, malgré tout ce qu'il va pouvoir effectuer pour tenter de ne pas prêter attention à ce qu'il se produit depuis des semaines, il a envie d'aller jusqu'au bout, c'en devient même vital.

Cette fois il décide de ne plus se voiler la face, et laisse la photo retomber mollement sur le sol avant de se crisper quand une main se pose sur son épaule, en pressant cette dernière.

Jaden serre les dents afin de pouvoir supporter ce contact, mais là aussi il décide de ne pas réagir et d'abandonner toute la haine qui l'habite de plus en plus, au fil des jours qui passent, ces mêmes jours qui constituent l'espace temps entre aujourd'hui, et celui qui a marqué sa vie, de façon indélébile.

- Faut qu'on parle

Il ferme les yeux, tente de réguler sa respiration alors que tout se mélange en lui. Le passé, le présent, ainsi que le futur.

C'est un brouhaha sans nom qui résonne en lui, dans sa tête, au plus profond de ce qu'il est, et tout s'arrête soudainement quand Aïden prend également la parole :

- Ouais, faut vraiment qu'on parle. Et on a tout notre temps pour ça. Y'a aucune visite de prévue, et personne sort d'ici avant qu'on ait mis les choses à plat.

𝖼𝖾 𝗊𝗎𝗂 𝗇𝗈𝗎𝗌 𝗅𝗂𝖾 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant