Chapitre 1.3 - L'ère de le ruine

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Je scrute les alentours. Toujours rien. Le signal peut tomber à tout moment. Mes mains se tendent puis se détendent sur mon arme.

Ça y est, quelque chose bouge ! Mon cœur s'emballe. Une silhouette se dessine dans le noir, celle d'un homme, debout, petit gabarit, une arme à la main. Il semble chercher quelque chose. Billy ne devrait pas tarder à passer à l'action. À la seconde où...

— Mark.

Mais...

— Mark ! Ne tire pas c'est moi.

Billy ?!

Il m'est impossible de le distinguer clairement, mais c'est bien lui, je reconnais son timbre et son accent.

Mais qu'est-ce ce qui se passe ? Un piège ?

— T'es où ?

N'ayant toujours pas répondu, il me cherche en tournant sur lui-même, une main en l'air.

— Tu peux venir, il n'y a plus rien.

Sa voix monocorde et vide d'émotion tranche avec mon niveau de stress. Et comment ça « il n'y a plus rien » ?

Je me relève lentement, à l'affut de la moindre menace. Rien de suspect. Alors je me rapproche, le pas hésitant. Ses derniers mots tournent dans ma tête, ils m'obsèdent.

— Comment ça plus rien ?

— Regarde par toi-même, me dit-t-il, écœuré.

Puis il s'assied par terre, comme s'il avait besoin de faire le point sur la situation.

Je continue d'avancer prudemment, mon fusil automatique en joue. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Je ralentis tout en scrutant chaque centimètre carré autour de moi. Encore quelques pas. Qu'est-ce qui peut bien...

— Merde.

— Oui, c'est le bon mot. On est arrivés trop tard.

Trop tard ? Mais comment est-ce possible ? Comment ont-ils pu se planter ? Que s'est-il passé durant ces quelques heures où nous les avons perdus de vue ? D'autres les suivaient-ils ? Ou s'agissait-il d'une rencontre fortuite ? Il me faut des réponses.

Tel un inspecteur arrivé le premier sur une scène de crime, j'observe d'abord les lieux à la recherche d'indices qui me permettraient de reconstituer les événements. Le feu qui nous a permis de les repérer provient de leur réchaud de fortune, une boite de conserve bricolée permettant de faire cuire un petit repas tout en ne diffusant presque aucune lumière. Renversé sur le sol, l'appareil a incendié leurs affaires déposées à proximité dans un rayon n'excédant pas la taille d'une main. Autour gisent les trois corps sans vie de nos Russes. Je m'approche d'un pas nerveux, me débarrasse de mon arme puis de mon sac à dos qui s'écrase par terre, sors ma petite lampe frontale et commence à fouiller frénétiquement le cadavre le plus proche. Le sang est encore frais. Celui-ci s'est fait poignarder à plusieurs reprises. Ça expliquerait pourquoi nous n'avons entendu aucun coup de feu.

— Laisse tomber, tu ne trouveras rien.

Désabusé, Billy se relève péniblement. Il est à bout. Qu'il ait raison ou non, je dois me protéger de sa résignation contagieuse.

J'essuie mes mains pleines de sang sur les vêtements du cadavre tout en regardant à nouveau autour de moi. Il reste un sac, un seul. Je me jette dessus, espérant tout et n'importe quoi. Il trône par terre au milieu de morceaux de papier, de plastique et objets métalliques sans valeur, rien qu'un vulgaire tas de déchets et de babioles, le genre qui peuple le fond de n'importe quel autre sac d'un survivant moderne. Il a été vidé à même le sol à la façon d'un cambriolage, pour gagner du temps. Je fouille les poches latérales. Rien dans la première, ni dans la seconde. Une troisième se trouve au cul du sac. J'ouvre la fermeture éclair et plonge ma main dedans. D'autres babioles, un peu de ficelle, et... une petite boite de conserve de maïs en grain, portion individuelle.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant